Les investisseurs immobiliers européens qui, début 2023, pensaient que le pire était derrière eux, ont été déçus : la volatilité reste particulièrement élevée sur le marché.
La hausse des taux fait clairement du tort au secteur immobilier européen. Sur les dix premiers mois de 2023, l’indice FTSE EPRA NAREIT Developed Europe a cédé 7,6 % en euros, alors que le MSCI Europe gagnait 4,9 %. Sur l’ensemble de l’année 2022, l’indice immobilier avait déjà reculé de 37 %, tandis que l’indice large des actions européennes ne perdait que 9,5 %.
La situation n’était pas beaucoup plus réjouissante outre-Atlantique. La volatilité des taux a compliqué la valorisation des actifs aux États-Unis. Le rendement des titres du Trésor américain à 10 ans, actuellement proche de 4,3 %, avoisine le taux de capitalisation, soit le rendement dont bénéficie l’investisseur qui achète et loue un immeuble commercial. Le taux de capitalisation est inversement proportionnel à la valeur vénale, si bien que lorsqu’un investisseur demande un taux de capitalisation (qui équivaut, donc, à une prime de risque) supérieur pour un flux de revenus locatifs égal, la valorisation chute.
Actifs sous-jacents
L’équipe de TR Property, basé à Londres, constate que les beaux bénéfices et la vigueur opérationnelle des actifs sous-jacents ont été mis à mal par des facteurs macroéconomiques. Le gérant principal, Marcus Phayre-Mudge, estime cependant que les mauvaises nouvelles sont désormais largement intégrées dans les cours des actions immobilières, et qu’un flux abondant de liquidités est disponible pour les entreprises prudentes en matière de financement de leur dette. En outre, les acquisitions se multiplient dans le secteur. Ainsi, le belge Intervest Offices & Warehouses a été racheté par un acteur du capital-investissement pour une prime de 52 % par rapport au cours de clôture précédant l’annonce de l’opération. Toutefois, ce prix n’intègre qu’une décote d’environ 5 % par rapport à l’actif tangible net de l’entreprise au premier semestre 2023.
Perspectives
Après cette forte correction, Abrdn estime qu’il ne faut maintenant pas se demander si, mais quand le sentiment s’améliorera. Si la croissance persiste et que les taux se maintiennent au niveau actuel, l’immobilier américain devrait prospérer, étant donné les abondants flux de trésorerie sous-jacents et la croissance des revenus. À l’inverse, si le climat macroéconomique se dégrade et que l’inflation et les taux refluent, l’attrait relatif des biens immobiliers de bonne qualité devrait augmenter.
Et pourtant, la société britannique juge peu probable que cette configuration atténue les problèmes de refinancement déjà rencontrés. Ses équipes tablent aussi sur une plus grande hétérogénéité dans les performances des différents acteurs. Enfin, Abrdn met en garde contre un rétrécissement de l’offre au cours des prochaines années. Du fait de l’attitude prudente des promoteurs, de la hausse de 20 à 30 % des coûts de construction et de la pénurie sur le marché du travail, le démarrage de nouveaux projets est à l’arrêt dans de nombreux secteurs. En tenant compte de tous ces facteurs, la société de fonds table sur de nouvelles dépréciations au dernier trimestre 2023 et au premier semestre de 2024.
Le top 5
Pour le top 5 de cette semaine, nous passons en revue les fonds immobiliers européens pour lesquels des données de portefeuille récentes et complètes sont disponibles, et identifions les meilleures performances sur les dix premiers mois de 2023.
La première place revient au DPAM B Real Estate Europe Dividend Sustainable, un fonds à gestion active qui a pour indice de référence le FTSE EPRA NAREIT Developed Europe. Le portefeuille doit être composé à 50 % de titres affichant un rendement attendu sur les trois prochaines années supérieur au rendement de dividende moyen de l’indice de référence. Fin octobre, le fonds surpondérait de 10,6 % la logistique et l’industrie, et de 7,2 % l’immobilier résidentiel, avec notamment des positions dans les allemands Vonovia (5,7 %), TAG Immobilien (5 %) et LEG Immobilien (4,2 %). Il est géré par Olivier Hertoghe, Damien Marichal et Vincent Bruyère. Le premier travaille pour la maison bruxelloise depuis plus de 23 ans ; auparavant, il était employé par Banimmo, un promoteur immobilier coté. Olivier Hertoghe gère depuis 1999 déjà le fonds DPAM B Real Estate Europe Sustainable. Damien Marichal l’a rejoint en 2006, Vincent Bruyère en 2016 ; tous les deux ont aussi plus de quinze années chez Degroof Petercam Asset Management à leur actif. Entre début 2000 et fin octobre 2023, la stratégie a généré un rendement annuel moyen de 5,4 % ; malgré quelques années moins bonnes, récemment, elle a devancé de 0,4 point de pourcentage la moyenne des fonds de la catégorie Morningstar de l’immobilier indirect européen.
Le fonds Cohen & Steers SICAV European Real Estate Securities, qui affiche un Morningstar Medalist Rating Gold, a également sa place au classement. La stratégie est gérée depuis avril 2013 par Leonard Geiger et Rogier Quirijns. Le premier peut se targuer de plus de trente années d’expérience, et a intégré la société en 2006. Auparavant, il était gérant de portefeuille et directeur chez CBRE Global Real Estate Securities. Également analyste, il suit les secteurs de l’immobilier résidentiel et de bureau en Europe. Actif dans l’investissement depuis 24 ans, Rogier Quirijns est responsable de l’immobilier européen et gérant de portefeuille. Il pilote également l’équipe d’analystes spécialisés dans les titres immobiliers européens. Avant d’intégrer Cohen & Steers en 2008, il était analyste senior chez ABN Amro à Amsterdam. Tous deux sont basés à Londres.
Ce fonds offre aux investisseurs l’accès à l’immobilier européen via un portefeuille diversifié de REIT et d’autres titres immobiliers. Il adopte une approche active de l’investissement, basée sur la valeur relative ; l’équipe tente d’identifier les titres qu’elle estime sous-valorisés. Fin octobre, les gérants donnaient la priorité aux actifs affichant une durée de bail courte et une réelle capacité d’adaptation des prix. Ils s’intéressent aussi aux baux longs et indexés sur l’inflation et surpondèrent donc nettement le commerce de détail. Ils privilégient aussi la logistique et le stockage, qui sont susceptibles de connaître une croissance structurelle. Le portefeuille est sous-exposé à la Suède, où les entreprises ont très souvent recours à un financement court pour leur dette.
Thomas De Fauw est Manager Research Analyst chez Morningstar. Morningstar analyse et évalue les fonds d’investissement sur la base d’études quantitatives et qualitatives. Partenaire d’Investment Officer, Morningstar propose chaque semaine un classement des cinq meilleurs fonds ou prestataires d’un secteur ou thème donné.