Les investisseurs européens sont peu nombreux à investir au Sud-Est de l’Asie, ou plus précisément, dans les pays formant l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est, une région lointaine et peu souvent mentionnée dans la presse ici. Les actions de l’ANASE, qui s’étaient globalement caractérisées par une forte volatilité ces dernières années, ont déçu en 2020. Et pourtant, la région affiche l’une des croissances les plus dynamiques et rapides de la planète.
Pour Investment Officer, Thomas de Fauw, analyste chez Morningstar, se penche cette semaine sur les fonds de la catégorie Morningstar ANASE, un acronyme qui désigne l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN en anglais), une coopération principalement économique conclue entre dix pays d’Asie du Sud-Est : l’Indonésie, la Thaïlande, les Philippines, Singapour, la Malaisie, le Vietnam, Myanmar, le Cambodge, le Laos et le petit sultanat de Brunei. Ensemble, ces nations affichent un PIB proche de 3200 milliards d’euros, soit près de six fois celui de la Belgique. La région connaît une forte croissance et devrait être la quatrième puissance économique mondiale d’ici 2030.
Si nombre de ces pays sont plutôt réputés pour le tourisme, le bloc revêt une importance géographique particulière, puisqu’il est situé entre deux grandes puissances, l’Inde et la Chine. L’empire du Milieu, en particulier, a des intérêts considérables dans la région, qui profite aussi d’investissements importants de la part du Japon et de la Corée du Sud.
À l’exception de Singapour, les nations de l’ANASE se caractérisent par leurs coûts salariaux faibles, ce qui contribue à leur attrait. Ainsi, un travailleur vietnamien est en moyenne trois fois moins cher qu’un travailleur chinois. La région tire aussi parti de sa démographie favorable et de la croissance très rapide de la classe moyenne. De nombreuses multinationales sont attirées par ce marché qui compte plus de 650 millions de consommateurs potentiels.
Une région peu connue
Et pourtant, les investisseurs ne connaissent pas très bien la région. C’est surtout le cas en Europe, où les marchés émergents sont plutôt envisagés dans leur globalité. Certains investisseurs auront peut-être encore de mauvais souvenirs de la crise financière de la fin des années 90, causée par la dévaluation du baht thaïlandais et qui avait rapidement gagné d’autres pays.
Nombre de ces marchés sont aujourd’hui plus mûrs (c’est le cas de Singapour, de la Malaisie et de la Thaïlande), grâce notamment aux enseignements tirés de la crise de 1997. À l’aune de son rythme de croissance, le Vietnam compte même parmi les meilleurs élèves planétaires. Les performances des différents marchés ne sont toutefois pas toujours constantes. Ainsi, l’Indonésie est souvent le terrain de jeu des spéculateurs étrangers et les taux de change compliquent la donne.
Les investisseurs qui conservent longtemps leurs titres en portefeuille ont aussi connu des années difficiles. Le rendement annuel du MSCI ASEAN en euros n’a atteint que 2,6 % sur la décennie. Depuis janvier, l’indice est en recul de 22,8 % – un net contraste avec la performance du MSCI World, dont le rendement annuel est de 11,4 % depuis 2010 et qui a su regagner la plupart du terrain perdu en début d’année.
Mais si l’on remonte davantage dans le temps, l’on constate qu’entre 2000 et 2010, le MSCI ASEAN a devancé le MSCI World. Cette avance pourra-t-elle se réitérer sur les dix prochaines années ? Tout dépendra des perspectives aux États-Unis, de l’évolution du dollar et du positionnement des investisseurs internationaux.
L’indice le plus suivi pour les actions d’Asie du Sud-Est est le MSCI ASEAN, qui présente un certain nombre de différences structurelles par rapport au MSCI World. Il est en effet plus concentré et dominé par le secteur financier (32 %), suivi par les biens de consommation (17 %) et l’immobilier (11 %), alors que le MSCI World est plus diversifié et surpondère la technologie et les soins de santé.
Le top 5
Le top 5 de cette semaine, qui porte sur la catégorie Morningstar des fonds d’actions de l’ANASE, tient compte des performances des huit premiers mois de l’année 2020.
La première place du classement revient au fonds Edmond de Rothschild Asean Equity B-USD, créé en 2017, et qui a su limiter ses pertes depuis le début de l’année à 1,21 %, faisant nettement mieux que la concurrence.
La deuxième place est occupée par le fonds JPM ASEAN Equity, un fonds de JP Morgan noté Gold par les analystes de Morningstar et géré par la très expérimentée Pauline Ng et son équipe de quatre experts nationaux, qui travaillent avec elle depuis huit ans et s’appuient sur treize analystes.
Le fonds se concentre sur les entreprises de qualité, mais le gérant a les moyens et la flexibilité d’investir aussi dans des actions de sociétés plus petites. Le portefeuille est concentré et les deux principales positions sont deux grandes banques asiatiques : l’indonésienne Bank Central Asia et DBS, de Singapour.
Depuis son lancement en 2009, le fonds devance la concurrence et l’indice. Sur les huit premiers mois de 2020, l’indice a limité le recul par rapport à son indice, même si 2020 reste une année particulièrement difficile pour la catégorie. L’abaissement des taux par les différentes banques centrales ne produit pour l’instant pas l’effet escompté.
Fidelity Funds prend la troisième place du classement avec l’ASEAN Fund, lui aussi géré par une femme, Madeleine Kuang, qui adopte une approche bottom-up stricte s’appuyant sur les fondamentaux et cherche des actions cotées sous leur valeur intrinsèque. L’on retrouve toutefois souvent les mêmes noms en portefeuille, et notamment les deux banques mentionnées ci-dessus ainsi que CP ALL, qui exploite les magasins 7-Eleven en Thaïlande.
La belle performance du fonds s’explique par la sélection d’actions d’entreprises affichant un avantage compétitif durable, un bilan solide et des perspectives de croissance. Parmi les positions qui ont brillé cette année, l’on peut citer Top Glove (Malaisie) et Riverstone Holdings (Singapour), portés par la forte demande de gants en caoutchouc.