La banque privée suisse Edmond de Rotschild a nommé Kristof Kustermans CEO pour la Belgique. Le choix d’un Flamand reflète l’accent mis sur le segment où la banque voit les plus grandes opportunités, à savoir les entreprises familiales flamandes en pleine transition générationnelle.
Kristof Kustermans a intégré Rotschild il y a un an en tant que directeur commercial, après 26 ans de carrière chez ING. Le CEO d’Edmond de Rotschild Europe, Yves Stein, vient de le promouvoir CEO pour la Belgique.
« J’espère que je ne dois pas ma nomination simplement au fait que je suis flamand, objecte le Limbourgeois, joint par téléphone. Même si évidemment, ce choix a une certaine valeur symbolique. »
En Belgique, de nombreuses entreprises familiales sont en pleine transition. Souvent, elles doivent donc transmettre leur fortune à la génération suivante. Cela libère des capitaux qui peuvent représenter une source de croissance pour les banques privées. En tant qu’entreprise familiale, Edmond de Rotschild se sent concernée. Et c’est un fait, deux entreprises familiales sur trois sont situées en Région flamande.
Allons-nous pour autant faire l’impasse sur la Wallonie et sur Bruxelles ? Certainement pas, souligne le nouveau CEO. Mais dans ces deux régions, nous avons déjà, d’un point de vue historique, un positionnement bien ancré. Notre croissance se fera majoritairement en Flandre, ce que reflètent nos embauches. »
Actif sous gestion
En Belgique, Edmond de Rotschild compte quelque 2000 clients pour un actif sous gestion de près de 4 milliards d’euros. Ce dernier est resté stable ces dernières années, malgré l’objectif formulé il y a quelque temps de le porter à 8 milliards d’euros.
« Ce n’était pas un objectif absolu, à l’époque, nuance Kristof Kustermans. Aujourd’hui non plus, nous ne voulons pas nous engager sur un montant fixe. Il est facile d’affirmer que nous voulons doubler l’actif sous gestion. Mais la réalité, c’est que les clients qui apportent 10 millions d’euros ne franchissent pas notre porte chaque jour. Il faudra aussi composer avec l’évolution des Bourses, ces prochaines années. Pour la croissance, je préfère donc parler en termes relatifs plutôt qu’absolus. Nous voulons devenir une référence pour les familles fortunées en Flandre et en Belgique. »
« Notre croissance, nous entendons surtout la réaliser dans le segment des clients qui peuvent livrer 2,5 millions d’euros ou plus à court terme. La moitié de nos clients optent pour une gestion discrétionnaire ; en d’autres termes, ils nous laissent carte blanche pour gérer leur patrimoine. En soi, c’est une marque de confiance dans notre approche, puisque la moyenne du marché se situe entre 35 et 40 %. »
Edmond de Rotschild propose notamment des fonds de capital-investissement élaborés conjointement avec les descendants de la célèbre famille de banquiers.
Proximité
Le grand projet de Kristof Kustermans chez Rotschild, jusqu’ici, a été l’ouverture de la nouvelle agence de Sint-Martens-Latem, l’une des communes les plus riches de Belgique, en septembre dernier. Il s’agit du troisième site de la banque en Belgique, après Bruxelles et Anvers. Sa localisation géographique est idéale pour servir les clients de Flandre-Orientale et Occidentale.
À moyen terme, le CEO espère ouvrir des agences supplémentaires en Flandre, mais précise immédiatement que cela ne sera pas au programme pour l’an prochain. Courtrai et Knokke feraient-elles de bonnes candidates ? « Ce sont bien sûr des choix classiques, que l’on nomme souvent. Or, pour les clients de ces deux régions, Sint-Martens-Latem n’est pas si loin. Il y a d’autres régions intéressantes de l’autre côté de la Flandre : Louvain, la Campine ou le Limbourg, par exemple. »
Mais pourquoi le nouveau CEO veut-il encore ouvrir des agences physiques sur un territoire aussi petit ? Les outils de communication numérique ne suffisent-ils pas ?
« La question a du sens. Mais le marché belge a cela de typique qu’il accorde une grande importance à la proximité, à la culture, la langue et l’histoire locales. Cela se reflète aussi dans la stratégie géographique de nos pairs sectoriels. Je constate par exemple que Delen Private Bank possède une dizaine d’agences en Flandre. Même les petits acteurs ont trois à cinq agences dans la région. L’agence de proximité joue toujours un rôle essentiel dans la satisfaction de notre clientèle. »
La direction internationale d’Edmond de Rothschild compte plusieurs banquiers qui connaissent parfaitement le marché belge : Yves Stein (ancien de KBL), mais aussi, au conseil d’administration, Philippe Masset, ancien CEO de la banque Degroof Petercam et, comme Kristof Kustermans, ancien d’ING.
Guerre des talents
« Un deuxième élément entre aussi en ligne de compte : la fidélisation des talents, ajoute Kristof Kustermans. Pour ma génération, aller travailler chaque jour à Bruxelles était une évidence. Les jeunes, en revanche, n’ont pas envie de faire les trajets quotidiennement et optent pour un poste plus près de leur domicile. Si nous avons, à terme, davantage d’agences locales, nous pourrons fidéliser plus longtemps les talents locaux, ce qui permettra d’attirer de nouveaux clients. »
Car une véritable guerre des talents fait rage : « j’ai récemment compté les annonces pour un poste de banquier privé en Belgique sur LinkedIn. Il y en avait une centaine. C’est énorme ! Cela montre que le secteur anticipe une croissance, ce que reflète aussi la hausse des investissements et des frais de marketing. Personne ne table sur une contraction ou des fermetures d’agences. Le marché est de plus en plus dense, avec un nombre croissant d’acteurs qui espèrent chacun obtenir leur part du gâteau. »
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