La stratégie actuelle de l’UE en matière d’investissement de détail n’aborde peut-être pas de manière adéquate des questions plus larges telles que les déficits des pensions en Europe. C’est ce que soutient Tanguy van de Werve, directeur général de l’European Fund and Asset Management Association (EFAMA). Une approche plus holistique de l’éducation financière et de la politique en matière de pensions est nécessaire, affirme le représentant sectoriel européen.
Lors d’un entretien avec Investment Officer, Tanguy Van de Werve exprime ses préoccupations concernant la stratégie de l’UE en matière d’investissement de détail et estime que celle-ci n’atteint pas les objectifs visés. Selon lui, la stratégie, axée sur la protection des investisseurs et les pratiques de marché, manque une opportunité cruciale de s’attaquer à des problématiques plus larges affectant les investisseurs européens, telles que le déficit de l’épargne-pension.
« Pour être honnête, la discussion sur la Stratégie d’investissement de détail ne devrait pas se limiter aux commissions et aux frais, déclare Tanguy Van de Werve. L’objectif initial était d’accroître la participation des particuliers sur les marchés des capitaux. Aujourd’hui, elle essaie tout au plus d’offrir de meilleurs résultats aux investisseurs existants. »
Déficit des pensions
Tanguy Van de Werve souligne la nécessité de recadrer le discours sur les investissements de détail, et pointe une déconnexion entre le jargon du secteur et la compréhension du public. Au lieu de cela, il propose de recentrer la discussion sur le déficit de l’épargne-pension qui touche de nombreux États membres de l’UE.
« Ce sera crucial et honnêtement (et ceci est plutôt une déclaration que je fais à titre personnel), quand je parle d’ « augmentation de la participation des particuliers » à mes amis actifs en dehors du secteur financier, ils ne savent pas de quoi il est question. Ce dont nous devrions discuter, c’est de l’aggravation du déficit de l’épargne-pension. C’est le cœur du problème et c’est un sujet auquel les gens peuvent facilement s’identifier. »
Tanguy Van de Werve exprime son scepticisme quant à l’étroite focalisation de la stratégie sur les investisseurs actuels et souligne la nécessité de prendre des mesures qui encourageraient une base plus large de nouveaux investisseurs. « Si l’on souhaite encourager les personnes qui n’ont encore jamais investi sur les marchés à commencer à le faire, à délaisser les comptes d’épargne, ce qui est actuellement proposé dans la Stratégie d’investissement de détail n’aidera pas vraiment. »
Il met en avant les principaux facteurs qui pourraient encourager une plus grande participation des particuliers sur le marché de détail, tels que la fiscalité, la politique en matière de pension et l’éducation financière. « La proposition fait clairement référence à l’éducation financière, mais je pense que nous devons faire beaucoup plus en matière de pensions. »
Il souligne l’impact potentiel de réformes globales des pensions, telles que l’inscription automatique dans toute l’UE et le développement de piliers de pension supplémentaires, pour combler le déficit de l’épargne-pension.
Semaine européenne des pensions
Afin de sensibiliser le public, l’EFAMA a lancé en partenariat avec Pensions Europe et Insurance Europe l’initiative European Retirement Week. Cet événement, prévu pour la dernière semaine de novembre, vise à sensibiliser le public au déficit croissant de l’épargne-pension dans de nombreux pays européens et à promouvoir le dialogue entre les décideurs politiques et les parties prenantes concernées à propos des solutions à apporter au défi lié aux pensions.
En ce qui concerne l’accent mis par la Stratégie européenne d’investissement de détail sur la valeur des produits d’investissement, Tanguy van de Werve estime qu’une approche plus holistique est nécessaire. Il critique l’accent mis sur les frais et l’interdiction partielle des commissions pour les services execution-only, qui, selon lui, pourrait avoir un effet préjudiciable sur la distribution d’ETF aux investisseurs de détail, en particulier en cas d’accès par le biais de plateformes numériques.
« Il pourrait donc y avoir des conséquences inattendues totalement contraires à l’objectif de la Commission européenne », met-il en garde.
Les remarques de Tanguy Van de Werve soulignent un débat plus large au sein de l’UE sur la meilleure façon de promouvoir la participation financière et d’assurer la future stabilité financière de ses citoyens. Alors que la Stratégie d’investissement de détail vise à protéger les investisseurs et à améliorer les pratiques de marché, la perspective de l’EFAMA avance le besoin d’une approche plus globale, abordant des questions sous-jacentes telles que le déficit de l’épargne-pension et l’éducation financière, afin d’améliorer véritablement la participation des particuliers sur les marchés de capitaux de l’UE.
Un grand potentiel pour ELTIF 2.0
Lors de l’entretien, Tanguy Van de Werve a également évoqué deux autres textes législatifs de l’UE qui ont récemment progressé de manière significative. La mise à jour du règlement sur les fonds européens d’investissement à long terme est considérée comme encourageante, bien que les derniers obstacles des discussions de niveau 2 entre les régulateurs à propos des normes réglementaires doivent encore être surmontés.
« Nous voyons vraiment un grand potentiel dans le règlement ELTIF 2.0, déclare-t-il, mais celui-ci dépendra des mesures de niveau 2, notamment en ce qui concerne la politique de distribution ». De nombreux projets sont en cours d’élaboration. Le règlement ELTIF 2.0 coche vraiment de nombreuses cases. Il concerne le financement d’infrastructures. Il concerne la dette privée, les fonds propres privés. Il concerne la retailisation des marchés privés. Et il concerne la durabilité, car il s’inscrit dans le long terme. L’intérêt pour ce nouveau véhicule d’investissement est vraiment énorme. »
L’UE est également sur le point d’achever la révision des directives AIFM et UCITS, qui réglementent l’utilisation des fonds d’investissement traditionnels et des fonds d’investissement alternatifs en Europe. Un accord définitif devrait être conclu sous l’actuelle présidence espagnole au Conseil de l’Union européenne.
« Si l’on considère le produit final, nous sommes satisfaits de ce qui a été adopté, en particulier en ce qui concerne les outils de gestion des liquidités, car l’ensemble complet sera mis à la disposition des gestionnaires d’actifs dans l’ensemble de l’UE. C’est une bonne nouvelle, déclare-t-il. Il y avait des inquiétudes quant à d’éventuelles restrictions sur les pratiques de délégation, mais nous n’avons rien constaté de tel. Dans l’ensemble, le secteur est satisfait de l’issue de cette révision, qui devrait maintenir l’attractivité des OPCVM et AIF européens pour les investisseurs mondiaux. »
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