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Il est le trader le plus photographié de la Bourse de New York et on le surnomme ‘Einstein of Wall-Street’ sur Instagram. Lors d’un entretien avec Investment Officer, le vétéran Peter Tuchman parle de ce qui change la donne dans sa profession : la nouvelle génération d’investisseurs.

« Ces types sont presque incontrôlables », déclare Tuchman (photo) à la Bourse de New York. Âgé de 65 ans, ce vétéran de Wall-Street a vu beaucoup de changements au cours de ses quatre décennies de carrière, « mais le plus important est l’arrivée d’une nouvelle génération d’investisseurs née de la pandémie », déclare Tuchman.

« Loss porn »

Le réseau de tubes pneumatiques pour ordres papier suspendu au-dessus des têtes des 500 traders restants est un témoin silencieux de ce qui fut autrefois la salle des marchés la plus active du monde. Jusqu’à l’avènement des systèmes de négociation électroniques, jusqu’à 5000 courtiers opéraient quotidiennement dans la salle des marchés à la criée du NYSE. Une époque depuis longtemps révolue.

Les ordinateurs ont facilité le trading pour les professionnels. Les applications rendent le trading facile pour tous, explique Tuchman. En 2020, des dizaines de millions de nouveaux investisseurs sont entrés sur le marché par le biais des ‘Free Trading Apps’.

« Monsieur tout le monde - et son smartphone - peuvent désormais négocier des produits financiers sans difficulté, et prendre des risques gigantesques », explique Tuchman. Et c’est ce qu’ils font. Il existe même une sorte de ‘loss porn’ : la glorification des pertes énormes sur des plateformes de réseaux sociaux comme Reddit. Certains investisseurs particuliers m’expliquent en riant qu’ils ont perdu une somme incroyable », ajoute-t-il en faisant les cent pas tout en suivant les cours acheteurs et vendeurs sur son iPad.

Le nouvel investisseur, plus enclin au risque, a déjà été décrit par Deloitte comme ‘une race différente’, car son comportement le place « à l’opposé des clients traditionnels en quête de conseils ». Tuchman, originaire de New York, parle de ‘crazy gangsters’.

Tout en se dirigeant vers son propre bureau, équipé de plusieurs écrans d’ordinateur et d’environ cinq mascottes (des versions miniatures de Tuchman lui-même), il poursuit ses explications.

Les futurs clients des investisseurs institutionnels

« Les investisseurs de 25 ans négocient aujourd’hui d’une manière complètement différente de ce qui se faisait auparavant », déclare Tuchman. « Regardez la négociation d’actions comme Gamestop ou AMC. J’étais en live sur Instagram pendant le pic de l’engouement pour AMC. De jeunes traders incontrôlables ont acheté l’action pour 3 dollars. Peu après, l’action se négociait à près de 60 dollars. J’ai supplié les gens de vendre, mais on m’a traité de vieux fou. Le reste appartient à l’histoire. » Entre-temps, le cours de l’action AMC oscille autour des 5 dollars depuis des mois.
« Ce sont les futurs clients des investisseurs institutionnels. Ils pensent encore tous qu’ils peuvent investir eux-mêmes et regorgent de ‘piss and vinegar’ », déclare Tuchman en référence au roman de John Steinbeck ‘En un combat douteux’, qui utilisait cette expression pour désigner un groupe d’hommes impétueux. « Mais ce ne sera bientôt plus le cas. »

Parmi ces millions de nouveaux investisseurs qui « apprécient une certaine agressivité sur le marché », Tuchman affirme que beaucoup confieront une part significative de leur argent à des investisseurs professionnels.

« Ce n’est pas drôle de perdre de l’argent, surtout quand on a une famille. Le risque n’a absolument pas la même signification à 25 et à 40 ans, mais ce qui est certain, c’est que les jeunes d’aujourd’hui sont prêts à prendre des risques nettement plus importants que les générations précédentes. »
La cloche de clôture sonne. Wall-Street clôture en légère hausse après avoir été longtemps dans le rouge.

Il n’y a pas de ‘mauvais’ marché

« Personnellement, je n’ai rien contre le développement en tant que tel », déclare Tuchman. Il pense même que « la démocratisation du trading boursier » est une bonne chose, mais qu’ils doivent « comprendre comment le jeu fonctionne ».

Tuchman, infatigable même après la clôture du marché, consacre une grande partie de son temps libre à transmettre son analyse technique et ses autres connaissances en matière d’investissement à de jeunes traders. Sur les réseaux sociaux, il se surnomme lui-même ‘l’Einstein de Wall-Street’. Son compte Instagram compte 160 000 followers.

« D’un coup, il y a au milieu de la piste de danse tous ces gens qui n’avaient auparavant jamais été invités à la fête. Ils ont besoin qu’on leur explique les règles de la maison », déclare Tuchman. « Vous ne voulez pas qu’un nouvel invité boive 12 tequilas pour ensuite se sentir mal et se plaindre de l’ambiance et de l’invitation. »

N’écoutez pas ‘uncle Henry’

Lorsque nous lui demandons quelle est la plus grande erreur des jeunes investisseurs, Tuchman répond que peu de gens seulement comprennent qu’il n’existe pas de ‘mauvais’ marché. « Vous pouvez gagner de l’argent sur des marchés à la hausse comme à la baisse », affirme-t-il.
« Ceux qui comprennent comment fonctionne le trading peuvent faire maintenant de bonnes affaires. Les personnes qui ne tradent pas en se basant sur l’espoir, la ‘Fear Of Missing Out’ (FOMO) et ce que recommande ‘uncle Henry of internet’ peuvent maintenant gagner des tonnes d’argent, estime Tuchman. « La volatilité est un cadeau. »

Il est maintenant quatre heures et quart et tous les teneurs de marché ont quitté la salle des marchés. Un journaliste italien réalise un dernier reportage télévisé sur cette calme journée boursière. Tuchman, bon dernier, a fait jeu égal. Va-t-il arrêter un jour ? « Oubliez ça ! C’est le plus bel endroit du monde. »
 

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