Henri O'Quin - crédit Julien Millet
Henri O'Quin - crédit Julien Millet

Alors que l’investissement responsable traverse une période de turbulence, les banques privées adaptent leur discours. L’heure est à la clarté et au concret. Dans ce mouvement, le non coté apparaît comme le terrain privilégié pour redonner du sens à l’ESG.

Si le marché se montre plus exigeant vis-à-vis de l’ESG, les clients ne se détournent pas pour autant de la finance durable – à  condition que celle-ci reste compréhensible, concrète et ancrée dans l’économie réelle. « Nous constatons que le marché est plus dur en termes d’ESG : les clients ont du mal à voir l’impact réel de leur investissement sur les marchés financiers, observe Henri O’Quin, directeur de l’engagement citoyen chez Louvre Banque Privée. Toutefois, nous n’observons pas de recul dans le non coté, car l’économie réelle continue à avancer. »

Les banquiers privés notent par ailleurs un changement de ton chez leurs clients. « Ceux qui n’y voient pas d’intérêt osent désormais le dire ouvertement, constate Henri O’Quin. Il est aujourd’hui plus difficile d’accrocher les clients sous un angle moralisateur, cela ne fonctionne pas. »

Emmanuel GandLa pédagogie et la clarté du message sont devenues ainsi essentielles dans les échanges. D’autant plus que « l’ESG n’est plus un sujet de niche, mais est au cœur des discussions patrimoniales, indique pour sa part Emmanuel Gand, directeur du pôle expertise et gestion de fortune de Banque Palatine. Il y a cinq ans, on nous demandait ce que c’était ; aujourd’hui, on nous demande de l’intégrer. Il n’y a pas de remise en question, mais plutôt une demande de clarification. »

Revenir à des choses simples

Et pour gagner en clarté et en confiance, les banques privées font évoluer leur discours. Si le questionnaire MiFID II sur les préférences de durabilité permet aux clients d’exprimer leurs appétences ESG, il repose sur des notions très techniques (SFDR, PAI, taxonomie) et parfois peu parlantes. Pour les banquiers privés, l’enjeu est donc de traduire ce cadre réglementaire en langage commun.

« Nous devons réancrer l’ESG dans l’économie réelle pour que nos clients comprennent les enjeux », indique Henri O’Quin. Il faut par exemple parler transition énergétique, souveraineté, recyclage ou encore emploi. Benoît Vesco_Delubac AM« Nous essayons toujours de traduire nos thématiques par des illustrations d’investissement dans des valeurs identifiables, pour apporter du concret aux clients », témoigne à son tour Benoît Vescot, président de Delubac Asset Management.

Le retour de bâton qu’a subi l’ESG a par ailleurs poussé les acteurs à revenir à l’essentiel. Henri O’Quin estime qu’il est lié au manque d’équilibre entre reporting et action. « Parfois, il y a trop de données, trop de reporting, et pas assez de résultats, note-t-il. Cela nous force à adapter notre discours pour sortir du prisme moral ou purement réglementaire. »

Même constat chez Banque Delubac : les évolutions et multiples couches réglementaires autour de l’ESG ont tendance à perdre les épargnants. « Il est parfois plus pertinent de regarder les actions concrètes à l’œuvre au sein d’une entreprise, comme sa politique de transport ou de recyclage, plutôt que de faire confiance à des documents institutionnels ou des discours prononcés en assemblée générale », indique Alexandre ORTIS_DelubacAlexandre Ortis, directeur du Wealth management de Banque Delubac & Cie. Et il ne faut pas oublier une chose : la logique reste avant tout financière. « Aujourd’hui, lorsque nos clients choisissent des produits avec une connotation ESG, la performance reste le moteur principal, ajoute Emmanuel Gand. Ils s’interrogent ensuite sur l’impact. »

Moins de 10 % des allocations

Sous l’angle de l’extra-financier, le non coté séduit en outre par la proximité des projets financés. « Il permet d’avoir un impact précis, bien qu’il soit de plus petite taille », souligne Benoît Vescot. Il s’agit toutefois d’un segment encore restreint. En effet, celui-ci représente « moins de 10 % des allocations », selon le directeur du pôle expertise et gestion de fortune de Banque Palatine, qui précise que « les clients ont de plus en plus un regard affûté sur le contenu ESG de cette offre, tout particulièrement sur l’environnement. »

Cette proximité implique par ailleurs une exigence accrue : « Si une entreprise non cotée fait scandale, c’est-à-dire qu’elle ne respecte pas les grands principes de l’investissement responsable, aucun investisseur ne se positionnera sur des prises de participation majoritaires par la suite, assène Alexandre Ortis. La valorisation baissera bien plus qu’en Bourse. » Le directeur du Wealth management de Banque Delubac & Cie précise que le non coté est une offre d’investissement alternatif, nouvelle pour de nombreux investisseurs, liée à une forme de démocratisation et à l’émergence de certaines plateformes. « Ce produit est adapté au profil de certains clients, pour qui des supports peu liquides ne sont pas des contraintes, alerte-t-il. Il faut cependant être très attentif à la sélection des actifs ou des fonds sélectionnés. »

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