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Les Bunds présentent des caractéristiques positives que certains investisseurs ne peuvent ignorer. Ils constituent notamment une excellente couverture contre les turbulences accrues du marché. Pourtant, pratiquement tout le monde est négatif à leur égard.

C’est ce qu’affirme Tobias Burggraf, Portfolio Manager chez le gestionnaire de fonds luxembourgeois Ethenea, lors d’un entretien exclusif avec Investment Officer.

Les gestionnaires de fonds mixtes ou les stratèges sont presque unanimement négatifs sur les obligations d’État européennes et les Bunds allemands en particulier. Ces dernières semaines, le taux d’intérêt allemand à 10 ans est passé de -0,35 % à -0,06 %, laissant les investisseurs en Bunds face à une perte de plusieurs pourcents. 

Tobias Burggraf d’Ethenea considère cependant les obligations de son pays sous un angle différent et ne veut pas les écarter d’emblée. « Cette année, nous verrons peut-être des taux d’intérêt légèrement positifs, mais pas davantage. La probabilité d’une forte hausse est particulièrement faible et il y a plusieurs raisons à cela. » 

Tout d’abord, Burggraf affirme que les Bunds sont toujours considérés comme très sûrs et constituent l’un des rares actifs bénéficiant d’une notation AAA, qu’ils ne peuvent selon lui pas perdre. En effet, l’Allemagne a une économie stable et une faible dette, surtout par rapport à des pays du sud de l’Europe comme l’Italie et la Grèce. 

« Nous pensons donc que la demande des investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension, les compagnies d’assurance et les banques, restera élevée. Leur plus gros problème est aujourd’hui le manque d’alternatives. Le nombre d’émetteurs notés AAA a fortement diminué ces dernières années. En raison des conditions de financement favorables pour les entreprises et les gouvernements, grâce à la politique monétaire souple, ils se sont endettés davantage, ce qui a entraîné une baisse de la qualité moyenne des crédits. »

Disponibilité limitée

Ce qui amène Burggraf à sa deuxième raison : la disponibilité limitée car, selon les calculs de Bloomberg, seuls 11 % des Bunds sont disponibles. Outre tous ces institutionnels, qui conservent d’ailleurs généralement les titres jusqu’à leur échéance et retirent ainsi des liquidités du marché, il y a aussi les banques centrales comme la BCE et la Bundesbank qui continuent à acheter des Bunds allemands. Et, avec une main plus légère de la BCE, il ne s’attend pas directement à une normalisation des marchés obligataires.

« Il est un fait que la BCE va ralentir son programme d’achat d’actifs et, à terme, l’arrêter. Cela ne signifie pas pour autant que l’argent va se tarir, car la BCE réinvestira dans des Bunds les fonds provenant des coupons et des obligations qui arrivent à échéance et ce, jusque fin 2024 au moins. Le montant des obligations achetées sera maintenu à un niveau constant, mais ne diminuera pas. »

Protection contre les turbulences du marché

Burggraf estime également que les Bunds constituent une excellente protection contre les turbulences du marché. « Ils sont synonymes de qualité et de sécurité, des caractéristiques que recherchent les investisseurs. Bien sûr, si vous êtes un investisseur de 20 ans et que vous pouvez investir sur plusieurs décennies, vous pouvez surmonter un krach boursier de 20, 30 ou même 40 %. En revanche, si vous êtes plus conservateur ou si vous approchez de l’âge de la pension, vous souhaiterez de plus en plus investir dans des produits sûrs, comme les Bunds. Parce qu’en cas de turbulences sur les marchés, tous les actifs de moindre qualité, y compris les obligations d’entreprises, chuteront avec les actions. Les Bunds allemands, par contre, prendront de la valeur et resteront très liquides. » 

Pour le gérant d’Ethenea, il est difficile de dire quand surviendra le prochain krach. « Mais il est certain qu’il y en aura un à un moment donné. D’ailleurs, nous sommes également convaincus que 2022 sera beaucoup plus difficile et volatile que 2021, car le soutien des banques centrales va progressivement diminuer. » Burggraf ne pense donc pas que ce soit une mauvaise idée d’allouer une partie de son portefeuille à des Bunds. « Nous ne disons pas qu’il s’agit du meilleur investissement de tous les temps, mais simplement qu’il constitue une bonne couverture contre les corrections du marché. »

Défis

Mais les Bunds sont-ils intéressants à long terme et pourraient-ils par exemple être remis en cause par des hausses de taux d’intérêt de la BCE, une inflation obstinément élevée et un gouvernement allemand plus prodigue ? « Pour le long terme et certainement pour les investisseurs particuliers, les Bunds ne sont pas intéressants. Ils ont un rendement négatif et un portage négatif, or un rendement négatif est à long terme très difficile pour les épargnants et les investisseurs à long terme. Nous préférerions voir des rendements plus élevés car la situation actuelle est difficile à maintenir à plus long terme, mais dans les conditions actuelles du marché, avec l’approche actuelle de la BCE, nous tablons sur le fait que les taux d’intérêt resteront bas pendant une plus longue période. » 

Tobias Burggraf souligne qu’une hausse des taux d’intérêt serait une mauvaise nouvelle pour les Bunds. « La seule question qui se pose est de savoir si la BCE va réellement le faire. À court terme, c’est très peu probable. La BCE a clairement indiqué qu’elle ne relèverait pas les taux d’intérêt tant qu’elle n’aurait pas cessé d’acheter des obligations. Et en décembre 2021, la banque centrale a annoncé qu’elle continuerait à acheter des obligations tout au long de l’année 2022. Autrement dit, pas de hausse des taux d’intérêt cette année ! Nous supposons que la première hausse des taux n’interviendra pas avant la mi-2023 et les Bunds pourraient alors se retrouver quelque peu sous pression. Mais nous parlons d’une augmentation limitée, de 25 à 50 points de base. Pas davantage, car des pays comme l’Italie ou la Grèce ne seront pas en mesure de supporter la charge d’intérêt plus élevée. »  

Augmentation des émissions et de l’inflation

Pour Burggraf, il est clair que d’autres Bunds seront émis dans un avenir proche. « En 2022, le nouveau gouvernement allemand de gauche libérale augmentera les dépenses publiques pour financer les nouveaux programmes de relance. Le frein à la dette allemand (Schuldenbremse) a déjà été suspendu pour cette année. Son impact sera plutôt limité. Nous avons déjà constaté une augmentation des émissions en 2020 et 2021 sous l’influence de la pandémie, et même là, l’impact a été limité. Les banques centrales continueront en effet à apporter leur soutien. » Selon le gérant d’Ethenea, l’inflation est toujours mauvaise pour les Bunds. « Mais nous pensons que l’inflation va se calmer et revenir à l’objectif de 2 % dans les prochains mois. Cependant, si l’inflation reste élevée ou hors de contrôle, elle pèsera lourdement sur les Bunds. C’est une réalité », conclut-il.
 

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