Etienne de Callataÿ (Orcadia Asset Management) souligne la tendance des marchés à exagérer la matérialité des peurs, et table sur un contexte économique qui va rester globalement favorable durant les prochains trimestres.
Etienne de Callataÿ (Co-fondateur et économiste en chef chez Orcadia Asset Management) était récemment l’invité de l’Ecofin Club pour une présentation consacrée aux perspectives économiques dans le contexte anxiogène que nous traversons actuellement. Dans un premier temps, il a rappelé toutes les tensions auxquelles les investisseurs doivent actuellement faire face : la crainte d’une reprise de l’épidémie de COVID-19, les tensions géopolitiques (Russie-Ukraine, Chine-Taïwan), les effets du changement climatique, la hausse de l’inflation, l’impact des taux élevés sur les marchés financiers, et bien entendu les tensions sociales qui commencent à faire leur apparition face à la baisse du pouvoir d’achat.
Bonnes nouvelles
« Dans ce contexte, il serait possible d’estimer que tout va mal. Mais ce serait oublier que nous avons naturellement un biais qui nous pousse à nous focaliser sur les mauvaises nouvelles. De même, nous également un biais d’appréhension par rapport au passé, qui nous pousse à occulter les mauvais moments, et à avoir des souvenirs totalement tronqués par rapport à la réalité de l’époque ».
« Il y a en fait beaucoup de bonnes choses dans le contexte actuel, et les mauvaises nouvelles ne sont pas réellement mauvaises parce qu’elles ne sont pas réellement nouvelles ». Il souligne par exemple que l’instabilité de notre relation avec la Russie ne date pas d’hier, de même que les menaces qui pèsent sur l’existence de Taïwan depuis 1949, voire les menaces climatiques ou la dépendance de l’Europe dans certains domaines cruciaux (énergie fossile, semi-conducteurs, etc).
Parmi les bonnes nouvelles qu’il identifie à l’heure actuelle, il pointe par exemple la relative faiblesse de l’armée russe, qui permet de relativiser la menace militaire que ce pays pourrait représenter pour l’Union Européenne. De même, le programme anti-fragmentation mis en place au niveau de la BCE envoie aujourd’hui un signal fort pour le futur. « Bref, les crises sont l’état normal du monde, et l’économie n’a jamais été un long fleuve tranquille ».
Pas de récession
Au niveau macroéconomique, il s’attend à une détérioration de la tendance pour les prochains mois, mais il estime que rien ne pointe actuellement vers une récession économique profonde durant les prochains trimestres. « Nous attendons une croissance (en termes réels) de 2,6% pour 2022, ce qui reste encore largement au-dessus de la tendance à long terme de la zone euro (qui tourne autour de 1 à 1,5%)».
Dans le même temps, l’inflation va rester un facteur d’attention. « Il est facile d’attribuer la montée de prix de l’énergie à la guerre en Ukraine, mais c’est oublier qu’une bonne partie des facteurs inflationnistes étaient déjà présents avant l’invasion. De même, il ne faut pas oublier que l’inflation américaine (causée par une surchauffe sur le marché du travail) est fondamentalement différente de l’inflation européenne (causée par la hausse des prix énergétique) ».
Etienne de Callataÿ souligne également que cette hausse des prix de l’énergie permet aujourd’hui d’accélérer une transition qui peinait à se mettre en place. « Nous aurions du mettre en place depuis vingt ans une politique de hausse progressive du coût des énergies fossiles, ce qui nous aurait permis d’éviter d’avoir à nous approvisionner vers des pays aussi bienveillants que la Russie ou l’Arabie Saoudite ».
Rester positifs
Les menaces actuelles sont réelles, mais l’économie devrait montrer une bonne résilience avec une inflation qui devrait persister. « L’inflation n’a pas que des aspects négatifs, car elle permet par exemple de soulager l’endettement public et de réallouer les ressources économiques vers les sociétés ou les secteurs générant le plus de valeur ajoutée aux yeux des clients. Elle permet également de mieux partager les gains de productivité, qui ont été fortement accaparés par les entreprises et les actionnaires durant la période de basse inflation. La hausse des salaires n’est pas une mauvaise chose pour les économies ».
De même, il pointe qu’au niveau environnemental, le plus dommageable serait aujourd’hui de ne rien faire face à l’urgence climatique. « Ce qui doit inquiéter les investisseurs, ce sont les éléments que nous ne connaissons pas. Parce que ce que nous connaissons, nous sommes en mesure de pouvoir en anticiper les effets négatifs. La valeur actuelle d’une entreprise dépend de la position qu’elle occupera dans 10 ans. Et une entreprise qui choisit de ne pas adapter son modèle de fonctionnement face à ce problème court le risque d’être pénalisée lourdement durant les prochaines années ».
S’il souligne que les banquiers centraux ont fait également un mauvais travail pour anticiper le retour de la hausse des prix, il souligne qu’une « inflation comprise entre 2 et 6% constitue généralement un environnement favorable aux placements financiers ». Il pointe que les entreprises ont la possibilité d’adapter leur prix à l’évolution économique. « Les bénéfices des sociétés cotées, plus puissantes d’un point de vue économique, pourraient même être dopés dans ce contexte ».