Alors que le règlement européen SFDR vient d’entrer en vigueur, Etienne de Callataÿ (Orcadia Asset Management) souligne la nécessité de pivoter son patrimoine vers les investissements durables qui disposent encore de perspectives de croissance significatives pour les prochaines décennies.
Etienne de Callataÿ (Fondateur et économiste en chef d’Orcadia Asset Management) était l’invité de l’Ecofin Club, à l’occasion d’une conférence online consacrée à l’investissement responsable qui s’est déroulée le lendemain du vote d’une nouvelle règlementation européenne appelée Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), qui vise à mettre encadrer plus fermement le Green Washing dans le secteur des fonds de placement.
L’objectif du SFDR est de mettre plus de transparence dans le domaine de l’investissement responsable. Dans un premier temps, les gestionnaires vont devoir communiquer sur la dimension responsable de leurs investissements, tandis que les grosses entreprises ne devront le faire qu’en 2022. « La communication des gestionnaires d’actifs sera donc volontairement floue dans l’attente d’avoir les informations de la part des entreprises, mais il est probable que le régulateur se montrera relativement clément dans un premier temps ».
Extra-financiers
L’investissement responsable ajoute des critères extra-financiers aux critères financiers qui étaient autrefois utilisés dans la gestion des fonds de placement. « Ces critères concernent notamment des indicateurs en matière environnementale, sociales ou de gouvernance ; et ils ne remplacent pas l’analyse traditionnelle de la valeur des sociétés », souligne Etienne de Callataÿ.
Depuis quelques années, l’investissement responsable a le vent en poupe au niveau des capitaux collectés, notamment en raison d’un impact sur les émissions de carbone qui sera beaucoup plus important que les efforts faits au quotidien. « Les menaces sont toujours plus présentes, et l’environnement est aujourd’hui au cœur des préoccupations des populations partout autour de la planète ». Dans le même temps, les investisseurs sont également en train de changer avec l’arrivée des Millennials et des femmes, qui sont beaucoup plus conscients des enjeux environnementaux.
« Chez nos clients, il y a aujourd’hui une volonté manifeste d’avoir une cohérence entre les investissements et les valeurs (« éviter de manger bio et avoir son argent investi dans Monsanto »), de ne pas pénaliser la génération suivante, et de faire directement pression sur les entreprises ». Et Etienne de Callataÿ souligne que les entreprises sont aujourd’hui beaucoup plus conscientes de leur image, et font des efforts pour ajuster leur comportement. « Les personnes qui ont téléchargé l’application Yuka ces dernières années ont ainsi poussé certains distributeurs à modifier leur comportement et à revoir la qualité des produits qu’ils proposent dans leurs rayonnages ».
Pas de pénalité
Et la performance des investissements responsables durant les dernières années montre que les entreprises avec un meilleur profil de durabilité ont dégagé des performances significativement supérieures par rapport au reste du marché depuis 2007, et ce dans toutes les régions géographiques.
« L’idée qu’une contrainte puisse conduire à un meilleur résultat n’est pas nécessairement neuve. Le marchand avisé est celui qui ne profite pas de la faiblesse de certains clients, et soigne ainsi sa réputation ».
Etienne de Callataÿ souligne également qu’il n’est pas encore trop tard pour s’exposer sur ces sociétés tournées vers le futur. « Nous sommes aujourd’hui au début d’une transition qui va durer plusieurs décennies, et les entreprises bien positionnées sur ces thématiques ont des perspectives de croissance très attractives ».
Freins institutionnels
Il fustige également la réticence des banques à promouvoir plus activement l’investissement responsable, ce qui explique la faible proportion de ces actifs financiers vertueux dans les portefeuilles.
« La banque a clairement son rôle à jouer dans ce changement dans les mentalités. Le problème est que le secteur peut également avoir une face sombre, notamment de la part des grandes banques qui auront des conflits d’intérêts avec certains acteurs de secteurs controversés. Les anciennes banques ne partent pas d’une feuille blanche ».
« En outre, il y a des freins organisationnels et institutionnels pour faire bouger les clients vers de nouveaux placements, notamment après la longue période de surperformance des investisseurs durables par rapport aux placements traditionnels. Pour un banquier, rien de tel qu’un client qui dort ; car un client qui change de fonds pourrait être aussi tenté de changer de gestionnaire ».