L’appétit mondial pour les fonds d’actifs non cotés, dont le capital-investissement, est immense. Euroclear, le géant bruxellois des valeurs mobilières, capitalise sur cette tendance en intégrant les fonds de marchés privés de BlackRock sur sa plateforme de négociation.
En tant que dépositaire de titres et acteur majeur du règlement des transactions, Euroclear s’impose comme un leader mondial des échanges boursiers internationaux, avec un montant vertigineux de 39 600 milliards d’euros d’actifs en dépôt. La société, dont les principaux actionnaires incluent l’État belge, Euronext Bruxelles et le London Stock Exchange, a fait du marché en plein essor des actifs privés l’une de ses priorités stratégiques depuis plusieurs années.
Elle capitalise ainsi sur une demande mondiale en forte croissance pour ce type d’investissements. « Un nombre croissant d’investisseurs souhaitent diversifier leur portefeuille en se tournant vers les marchés privés, avec un intérêt particulièrement prononcé pour le segment du capital-investissement (entreprises non cotées). Naturellement, la quête de rendement joue également un rôle dans cette tendance », explique Jorgen Muylaert, porte-parole d’Euroclear.
Cette orientation stratégique a récemment conduit à l’acquisition et à l’intégration technologique de Goji, une plateforme britannique spécialisée dans les marchés privés. Grâce à l’accord annoncé en début de semaine avec la société américaine BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, Euroclear est désormais en mesure de récolter les fruits de ces efforts.
Projet pionnier
BlackRock distribuera ses fonds sur les marchés privés, qui affichent un encours de 167 milliards de dollars, via FundsPlace, la plateforme de négociation d’Euroclear, ce qui offrira à 2500 banques et autres investisseurs institutionnels à travers le monde un accès standardisé à ces fonds. Il s’agit notamment de fonds de capital-investissement, de dette privée (crédits non bancaires) ainsi que de fonds investissant dans l’immobilier privé ou dans de grands projets d’infrastructure soutenus par les pouvoirs publics.
BlackRock espère, grâce à FundsPlace, lever plus rapidement de nouveaux capitaux pour ces fonds de marchés privés, tout en réalisant des gains d’efficacité en matière de gestion et de distribution. Initialement simple plateforme de trading, FundsPlace s’est transformée au fil des ans en un hub plus large proposant une gamme étendue de services numériques, tels que l’onboarding des investisseurs, la conservation des titres et le reporting.
Bien que l’offre de BlackRock ne soit pas entièrement nouvelle (des fonds de marchés privés sont déjà disponibles via FundsPlace), l’échelle de l’opération est sans précédent. « Nous la considérons en tout cas comme un projet pionnier, car il s’agit d’un accord majeur pour les deux parties », souligne Jorgen Muylaert.
ELTIF 2.0
Cette alliance marque une nouvelle étape dans la démocratisation des fonds de marchés privés, d’abord pour les clients fortunés, puis pour le grand public d’investisseurs particuliers. « Nous nous engageons à rendre les marchés privés plus accessibles à un plus grand nombre d’investisseurs », promettent Euroclear et BlackRock.
BlackRock entend ainsi utiliser le règlement ELTIF 2.0 (European Long-Term Investment Fund) comme levier pour lancer de nouveaux fonds. Ce label européen, remanié l’année dernière, concerne notamment les fonds investissant dans des actions non cotées et des projets d’infrastructure, et vise à stimuler les investissements à long terme dans l’économie européenne.
Bien que des fonds ELTIF d’autres acteurs soient déjà disponibles sur FundsPlace, l’arrivée de BlackRock pourrait propulser cette catégorie à un tout autre niveau. Par ailleurs, ELTIF 2.0 intensifie la concurrence entre les plateformes de négociation. L’allemand Moonfare, par exemple, servira également de plateforme, mais en s’adressant directement aux investisseurs.
Guichet unique
BlackRock utilise déjà FundsPlace pour ses fonds d’investissement traditionnels et ses ETF. Désormais, les fonds de marchés privés viennent s’ajouter, offrant ainsi une solution de guichet unique aux 2500 contreparties potentielles.
Les fonds d’actifs non cotés et les fonds traditionnels sont-ils en train de converger ? Selon Amin Naj, fondateur de FundFront et expert en investissements alternatifs à Londres, cet accord rend les marchés privés accessibles au plus grand nombre. « En tant que l’une des plus grandes infrastructures financières mondiales, Euroclear standardise désormais le règlement des fonds de marchés privés, à l’instar des opérations d’achat et de vente de fonds d’investissement », écrit-il dans une analyse publiée sur LinkedIn.
« Les actifs sous-jacents sont évidemment différents, mais en termes d’accessibilité et de gestion, nous réduisons progressivement les différences entre les fonds de marchés privés et les fonds d’investissement traditionnels », confirme quant à lui Jorgen Muylaert.