Maintenant qu’une tempête fait rage sur les marchés financiers, l’équipe multi-actifs de Fidelity est explicitement à la recherche de valeurs refuges. Et même si cela peut paraître étrange, elle les trouve également dans les obligations d’État chinoises.
« La volatilité actuelle des marchés financiers nous place devant un défi majeur. En même temps, c’est une période où les fonds multi-actifs peuvent exploiter pleinement leur flexibilité, et c’est aussi ce que les clients attendent de nous maintenant », déclare Charles-Henri Kerkhove, Investment director chez Fidelity International. Depuis Francfort, il est le pont entre l’équipe multi-actifs (qui gère près de 50 milliards d’euros) et les différents clients finaux.
Selon Kerkhove, la possibilité de choisir parmi un large éventail de classes d’actifs est un atout que les fonds multi-actifs doivent exploiter pleinement. « Les stratégies multi-actifs classiques sont basées sur une répartition à parts égales entre actions et obligations, et prévoient une marge de déviation d’environ 10 %, par exemple. Ce type de stratégie est complètement dépassé et obsolète. Les clients veulent des solutions qui les aident de manière optimale à atteindre des objectifs clairs, tels que la réalisation d’un certain rendement, l’obtention d’un certain niveau de distribution de coupons ou la limitation de la volatilité. » C’est précisément pour cette raison que le Global Multi Asset Income Fund, le fleuron de la division multi-actifs de Fidelity, a la possibilité d’aller jusqu’à 50 % en actions ou 100 % en obligations.
Coronavirus
La pandémie de coronavirus signifie que la stratégie multi-actifs de Fidelity est sous-pondérée pour les actions comme pour les obligations, et surpondérée pour les liquidités. Kerkhove : « Les facteurs fondamentaux sont extrêmement négatifs. Nous serons confrontés cette année à une récession, qui sera en outre plus importante que ce qu’on suppose généralement. Nous ne nous attendons pas à une reprise rapide. Nous tablons par contre sur une reprise en U étirée, qui sera particulièrement douloureuse. Cette récession sera potentiellement beaucoup plus grave que celle de 2008. »
Les analystes de Fidelity estiment cependant qu’il y a quelques lueurs d’espoir. En effet, contrairement à 2007 et 2008, nous ne sommes pas confrontés à une crise financière. Au contraire, les banques joueront un rôle crucial dans la reprise. En outre, les prix peu élevés de l’énergie jouent en faveur des consommateurs et des entreprises, tandis que les banques centrales mettent également tout en œuvre et recourent même à des expériences inédites (comme l’hélicoptère monétaire) en vue de limiter les dégâts. « Néanmoins, il y a encore beaucoup d’incertitude sur le marché, c’est pourquoi il nous semble prématuré d’entrer à nouveau pleinement sur le marché. »
Le tableau actuel n’est pas non plus très rose d’un point de vue technique, estiment les analystes de Fidelity. Ils constatent encore une trop grande volatilité sur le marché, avec des décollectes importantes aussi bien pour les ETF que les fonds gérés activement. »
Valorisation
Il n’y a plus que concernant les valorisations que le gestionnaire d’actifs soit encore positif. Kerkhove : « En particulier en Europe et en Asie, les valorisations des actions ont de nouveau atteint des niveaux intéressants. Les deux régions ont déjà été très sévèrement pénalisées. C’est pourquoi nous ne sommes pas encore optimistes, car nous nous tablons encore sur une grande volatilité. Ceux qui ont un horizon d’investissement à long terme peuvent remettre un pied prudent sur le marché, mais pas davantage. » Pour les États-Unis, les perspectives sont encore plus négatives, car le pays n’en est qu’au début de la crise sanitaire.
Pas d’actions américaines
L’équipe multi-actifs de Fidelity a longtemps occupé une position sous-pondérée pour les obligations d’entreprises (surtout pour les obligations européennes). Pour les actions, la préférence revient à la Chine et, par extension, l’Asie. Kerkhove : « Cette région a une longueur d’avance dans la crise du coronavirus. Maintenant que les usines rouvrent systématiquement et que les gens sont de nouveau autorisés à voyager, l’économie peut s’y redresser graduellement. C’est une grande différence par rapport à l’Europe et les États-Unis. »
L’exposition aux actions américaines est également minime. Kerkhove : « Les bonnes performances de ces dernières années proviennent presque exclusivement du secteur technologique, où les valorisations ont fortement augmenté dans l’intervalle. En outre, les cours des actions aux États-Unis ont été fortement soutenus par des rachats d’actions propres. Cela disparaîtra en partie, car le plan de relance américain stipule explicitement que les entreprises ne peuvent pas racheter leurs propres actions lorsqu’elles reçoivent des aides d’État. »
Obligations d’État chinoises
Dans les circonstances actuelles, l’équipe multi-actifs de Fidelity est principalement en quête de valeurs défensives et de valeurs refuges. Comme toujours, elle les trouve dans les obligations d’État américaines, mais aussi dans le yen japonais et même les obligations d’État chinoises. « Cette dernière option est peut-être contre-intuitive, mais il s’agit de l’une des classes d’actifs les plus performantes depuis le début de cette année », déclare Kerkhove.
En outre, l’équipe multi-actifs de Fidelity s’intéresse en premier lieu aux classes d’actifs moins fortement liées au cycle économique. « Nous avons par exemple une préférence pour les infrastructures sociales, comme la construction de bâtiments universitaires, de prisons ou d’hôpitaux. Ces infrastructures sont louées à long terme à des autorités ou quasi-autorités. Pour cette classe d’actifs, la récession n’a pas d’impact sur le flux de revenus. Il en va de même pour la production d’énergie renouvelable, pour laquelle il existe un marché garanti. »
Alors, où les gestionnaires de fonds de Fidelity prennent-ils encore des risques dans leur stratégie multi-actifs ? Kerkhove : « Dans une certaine mesure, nous prenons des risques avec des obligations d’État de pays émergents. Nous nous intéressons notamment aux pays émergents qui n’exportent pas d’énergie et sont par conséquent sensibles aux prix des matières premières. De ce fait, nous sommes négatifs pour les pays d’Amérique latine, mais positifs pour les pays d’Asie du Sud-Est, comme la Malaisie, la Thaïlande, les Philippines ou l’Indonésie. »