À l’occasion d’une table ronde, Romain Boscher (CIO Equities) (photo), Marty Dropkin (Global Head of Research Fixed Income) et Charles-Henri Kerkhove (Investment Director Multi Asset) du gestionnaire d’actifs Fidelity International ont livré leurs perspectives pour 2020. Le trio se dit modérément optimiste mais entrevoit encore des opportunités, malgré une excellente année 2019. Notons également que les trois hommes ont également mis en avant le rôle des banques centrales.
Actions : un optimisme modéré
CIO de la branche « actions », Romain Boscher se dit moyennement optimiste et avance pour cela trois motifs sérieux. Premièrement, la politique monétaire souple persistante et l’assouplissement budgétaire soutenu vont générer un vent favorable, étant donnée la pression accrue sur les pouvoirs publics pour les contraindre d’apporter leur contribution. Deuxièmement, le rendement par action va connaître une nouvelle hausse, ce qui au final pousse les cours à plus long terme. « Tant pour 2020 que pour 2021, nous tablons sur une croissance à un chiffre du rendement par action. Une nette amélioration par rapport à 2019, quand il n’était pas question de croissance bénéficiaire. » Et troisièmement, le nombre d’investisseurs (institutionnels) en quête de rendement contraints d’en venir aux actions va se multiplier. Romain Boscher ajoute qu’à plus long terme, les bourses ne seront pas guidées par des événements géopolitiques tels que le Brexit, la guerre commerciale et les tensions entre les États-Unis et l’Iran.
Il épingle aussi une quatrième raison assez significative. « En 2019, le rallye de marché a finalement été uniquement porté par les entreprises mêmes, via l’acquisition de leurs propres actions, et le soutien des banques centrales telles que la Bank of Japan, avides de racheter des actions. Depuis 6 à 8 semaines, l’investisseur traditionnel s’est également réveillé. Inutile de dire que le retour de ce dernier peut donner une bonne impulsion.
Au niveau des actions, le CIO estime qu’il est temps de passer à un portefeuille plus équilibré. « Il est temps de multiplier les small caps, les titres de qualité et les investissements en Europe et au Japon. Nous misons aussi particulièrement sur les actions susceptibles de générer du rendement. En revanche, nous liquidons les actions américaines onéreuses et les valeurs de croissance. »
Obligations : une inflation sous-estimée
Pour le spécialiste des obligations Marty Dropkin, la mission est plus complexe parce que grâce à l’intervention massive de banques centrales, 2019 a été une année record absolue pour les obligations. Il ne s’attend pas d’emblée à une récidive car les spreads ont déjà régressé sensiblement. « Mais même sans récession ou choc d’inflation, nous comptons malgré tout sur de beaux rendements pour les obligations à rendement élevé ou high yield. » C’est au niveau de l’inflation que Marty Dropkin entrevoit encore les principales opportunités « car le marché sous-estime trop l’inflation et ne tient pas assez compte du faible taux de chômage et de la hausse des salaires. » Marty Dropkin voit également du potentiel dans les obligations liées à l’inflation, en particulier aux États-Unis.
En ce qui concerne l’investment grade, le spécialiste de Fidelity perçoit davantage de valeur en Europe qu’aux États-Unis. « La cotation moyenne est plus attrayante tandis que les fondements sont plus solides. Les entreprises américaines ont ainsi augmenté leur taux d’endettement ces dernières années, ce qui est bien moins le cas de leurs homologues européennes. » Pour les titres high yield européens et américains, il ne s’emballe pas vraiment, car les spreads sont historiquement basses et la marge est faible si une récession venait à frapper. Les obligations des pays émergents sont quant à elles intéressantes, bien qu’uniquement celles libellées en dollars américains. « Cela permet de constituer une petite couverture. »
Multi-asset : glissement des accents défensifs
Pour Charles-Henri Kerkhove, qui se concentre sur la gestion multi-asset, ces deux dernières années ont été atypiques car la corrélation entre les classes d’actifs a été extrêmement élevée. « Cette forte corrélation s’explique par la présence des banques centrales sur les marchés. » Selon lui, c’est pour cela que tout est devenu plus cher, au moment même où les investisseurs défensifs par nature en quête de rendement, comme les assureurs entre autres, sont entraînés vers un risque plus élevé. « Car si l’on adopte une position trop défensive au cours des prochaines années, on perdra de l’argent à cause de l’inflation croissante », souligne le gestionnaire de Fidelity.
Concrètement, il constitue aujourd’hui un volet défensif dans les portefeuilles via des positions en yen japonais, obligations souveraines chinoises et alternatives telles que les infrastructures et les énergies renouvelables. Pour un rendement optimal, il mise sur les instruments high yield asiatiques auxquels l’incitant chinois devrait profiter. Sa préférence va également aux obligations américaines plutôt qu’européennes et il privilégie les actions européennes et japonaises au détriment des américaines.