La différence entre les gagnants et les perdants sur le marché actions américain est devenue très importante, déclare Angel Agudo, gestionnaire du Fidelity America Fund. De nombreux ‘perdants’ de ces dernières années sont sous-estimés par le marché.
« Je vois beaucoup d’opportunités dans les entreprises qui ont été punies par les investisseurs. Et ce n’est pas seulement dû aux ventes du dernier trimestre 2018. Certains secteurs ont été très durement touchés au cours des deux dernières années, comme les actions financières et du secteur de la santé », explique Agudo à Investment Officer.
L’Espagnol est un investisseur de valeur dans la tradition de son compatriote Francisco Paramés. « J’aime acheter des entreprises confrontées à des problèmes structurels. Cela peut être parce que la demande de leurs produits les plus importants a chuté, ou parce qu’ils ont des problèmes de gouvernance. »
La banque Wells Fargo et Oracle sont des exemples de sociétés de ce type dans son portefeuille. « La situation financière de Wells Fargo est excellente et la banque est financée de façon très prudente. Pourtant, le ratio cours-bénéfice est très faible. »
Ceci est dû à un scandale de vente liée illégale et de surfacturation de certains emprunteurs immobiliers, suite auquel la banque s’est vu infliger une amende record d’un milliard de dollars. De peur que la banque n’ait pas suffisamment fait le ménage, les investisseurs continuent d’accorder à Wells Fargo une réduction sur la valorisation.
« Mais je pense que le pire est derrière nous. Wells Fargo a maintenant remplacé la moitié du conseil d’administration et le CEO, et apporté des améliorations substantielles dans le domaine de l’ESG ».
Bien sûr, il se pourrait qu’il y ait d’autres cadavres dans le placard, reconnaît aussi Agudo. « C’est pourquoi j’investis de manière asymétrique. De plus, je regarde toujours les inconvénients, et je n’achète que si j’estime la probabilité que j’aie raison supérieure à la probabilité que les choses tournent mal. Comme j’investis principalement dans des entreprises à la réputation entachée, elles comportent toutes des risques. L’art consiste à veiller à répartir ces risques et à ne pas avoir une trop grande exposition à un type particulier de risque. »
Pas le moment de jouer les héros
De toute façon, ce n’est pas le moment de prendre trop de risques, estime Agudo. « Nous sommes en fin de cycle. La Fed réduit son bilan, nous avons subi les effets des réductions d’impôts et les tensions entre les États-Unis et la Chine n’aident pas non plus le marché. Ce n’est pas le moment de jouer les héros. Par exemple, mon exposition au commerce international est inférieure à celle de l’indice. Je vois les meilleures opportunités dans les entreprises qui réalisent leur chiffre d’affaires principalement aux États-Unis. En 2016, j’étais dans une position beaucoup plus agressive et j’avais une allocation plus importante aux entreprises cycliques. »
En raison de sa préférence pour les entreprises de valeur, Agudo n’est pas exposé aux géants américains de la technologie. Les quatre principales sous-pondérations du Fidelity America Fund sont Microsoft, Apple, Alphabet et Amazon. Cela explique directement pourquoi la performance du fonds d’Agudo a été très inférieure à celle de la concurrence au cours des trois dernières années. Le rendement annualisé pour la période s’est établi à 11,3 % fin décembre, contre 28,4 % pour l’indice. »
Priced for perfection
Agudo : « Je n’ai rien contre des entreprises comme Amazon. C’est même une entreprise fantastique, avec un système logistique sans pareil, une position unique sur le marché et un grand nombre de clients fidèles.»
Mais la chute de plus de 30 % du cours de l’action Amazon au quatrième trimestre de l’année dernière n’était-elle pas un bon point d’entrée ? Au contraire, Agudo estime que cette chute du cours a prouvé qu’investir dans Amazon est extrêmement risqué, car les attentes des investisseurs sont très élevées.
« Pour de nombreux titres technologiques, les investisseurs attribuent une grande partie de la valeur future à ces entreprises. Avant la chute du cours, Amazon était priced for perfection : l’entreprise aurait dû maintenir sa croissance actuelle pendant encore dix ans afin de réaliser sa valorisation boursière de l’époque. La chute du cours au quatrième trimestre ne signifiait pas qu’Amazon était devenue bon marché, mais qu’au lieu de dix ans, seulement cinq ou six ans de croissance fantastique des bénéfices avaient été pris en compte. »