Data-analyse
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Les marchés frontières sont en quelque sorte les petits frères des marchés émergents – et comme chez tous les enfants, certains grandissent plus vite que d’autres. Les heureux élus peuvent passer dans la « classe supérieure », le groupe des marchés émergents de certains promoteurs d’indices, dont le plus connu est MSCI. Pour les investisseurs prudents, il n’est pas recommandé de s’aventurer seul sur ces territoires exotiques, puisque les marchés frontières sont des pays du tiers-monde dont l’évolution est souvent cahoteuse. Mais si la catégorie a sous-performé en 2020, elle offre aussi toujours des opportunités pour les investisseurs actifs. 

Pour Investment Officer, Thomas De Fauw, analyste chez Morningstar, consacre le top 5 de cette semaine aux marchés frontières.

Ces derniers offrent en premier lieu une possibilité de diversification aux investisseurs, car la catégorie affiche généralement une corrélation faible avec les actions internationales ; en effet, leurs places boursières en sont à leurs débuts et sont souvent moins bien intégrées dans le système financier planétaire. Les moteurs de ces marchés sont souvent les investisseurs locaux, généralement des spéculateurs fortunés, plutôt que des fonds ou investisseurs institutionnels. Or, ces particuliers sont généralement plus sensibles à l’actualité locale qu’à ce qui se joue aux États-Unis ou en Europe. 

Comme pour les marchés émergents, MSCI a aussi consacré un indice aux marchés frontières. Le groupe de pays actuellement repris dans l’indice est très hétérogène. Pour l’Europe, il s’agit de la Croatie, de l’Estonie, de la Lituanie, du Kazakhstan, de la Roumanie, de la Serbie et de la Slovénie. Tous les pays d’Amérique latine sont en revanche parvenus à obtenir le statut de marché émergent, sauf la Jamaïque, le Panama et Trinidad et Tobago, qui ont un statut à part : ils ont bien un indice dédié, mais ne sont pas repris dans un indice plus large. 

L’Asie compte également trois marchés frontières : le Bangladesh, le Sri Lanka et le Vietnam ; le Moyen-Orient est représenté par Bahreïn, la Jordanie, le Koweït, le Liban et Oman. Alors qu’un seul pays africain est repris dans l’indice MSCI Emerging Markets (l’Afrique du Sud), le MSCI Frontier Markets inclut en revanche le Kenya, l’île Maurice, le Maroc, le Nigeria, la Tunisie et les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. 

Koweït et Vietnam

En réalité, le MSCI Frontier Markets, calculé sur la base de la capitalisation ajustée au flottant, est composé pour moitié d’actions koweïtiennes et vietnamiennes. Le secteur financier pèse 52 %. Trois banques du Moyen-Orient (National Bank of Kuwait, Kuwait Finance House et Ahli United Bank) représentent déjà ensemble 30 % de l’indice. 

Les rumeurs vont actuellement bon train sur l’intégration du Koweït et du Vietnam dans le groupe des marchés émergents. Pour ce surclassement, MSCI adopte des critères stricts et relativement transparents, notamment en matière de capitalisation boursière, de liquidité, de cours de change et d’accessibilité. Le promoteur d’indice a reporté sa décision sur le Koweït début 2020. La sortie d’un pays de l’indice, comme cela a été le cas du Pakistan ou de l’Argentine, peut avoir des répercussions sur de nombreux portefeuilles axés sur les marchés frontières. Toutefois, un grand nombre de gérants actifs ne suivent pas religieusement l’indice, mais cherchent plutôt les entreprises prometteuses. Ces dernières restent alors souvent en portefeuille ; pour la plupart des titres, les volumes échangés sont faibles.

Logiquement, les investisseurs dans les marchés frontières aiment anticiper les promotions de pays, susceptibles d’entraîner des flux de trésorerie relativement importants, puisque davantage de fonds sont alloués aux marchés émergents. La catégorie des marchés frontières reste donc, en quelque sorte, l’antichambre des marchés émergents, et l’on peut s’interroger sur sa pertinence et son utilité. Or, en théorie, les investisseurs actifs pourront profiter du fait que les investisseurs professionnels délaissent la catégorie. Ces actions affichent donc régulièrement des valorisations extrêmes, surtout après une phase de panique ou d’euphorie. Un catalyseur est, dans de nombreux cas, nécessaire pour convaincre le marché du bien-fondé d’un investissement.  

Aventuriers et capital-investisseurs

Les marchés frontières restent donc surtout un terrain de jeu pour les aventuriers et les spécialistes du capital-investissement, qui apportent du capital de croissance aux jeunes entreprises pour qui l’alternative, le crédit bancaire, est souvent très chère. À l’inverse des fonds classiques, ces investisseurs en capital-risque – une véritable niche – se montrent souvent plus patients. Il est courant qu’ils mettent leurs fonds à la disposition du gérant pour 7 à 10 ans. 

Sur les huit premiers mois de l’année, le MSCI Frontier Markets a perdu 15 % de sa valeur en euros, alors que les marchés émergents se sont déjà en partie redressés après les dégagements dont ils avaient fait l’objet. Et nous constatons que ces marchés frontières, douze ans après, n’ont jamais reconquis le sommet de 2008. Mais sur la décennie écoulée, le rendement de l’indice MSCI Frontier Markets atteignait 4,3 % en euros, devançant légèrement l’indice MSCI Emerging Markets. 

Outre les fonds axés sur les marchés frontières, il existe aussi une multitude de fonds et d’ETF spécialisés dans certains pays ou régions de la catégorie, qui peuvent présenter un certain intérêt. Pour les gérants de fonds, voyager aux quatre coins de la planète pour rencontrer les entreprises est chronophage et onéreux, ce qui explique en partie la structure de coûts plus élevée de ces fonds. En outre, ces marchés hétérogènes font rarement tous belle figure au même moment. Ainsi, une crise au Moyen-Orient peut coïncider avec une conjoncture favorable au Bangladesh, une dévaluation en Argentine avec une hausse des cours pétroliers au Nigeria. 

Le top 5

Le top 5 de cette semaine, qui porte sur la catégorie Morningstar des fonds d’actions des marchés frontières, tient compte des performances des huit premiers mois de l’année 2020.

Le fonds Fisher Investments Institutional Frontier Markets occupe la première place. Il s’agit d’un tout petit fonds lancé en 2017 et géré depuis par Wiliam Glaser et Aaron Anderson. Le fonds a fait bien mieux que son indice de référence depuis le début de l’année, notamment grâce à l’exposition à MercadoLibre, une société argentine d’e-commerce cotée sur le NASDAQ qui a généré sur la période un rendement de plus de 90 %. 

Si l’Argentine n’est officiellement plus un marché frontière, la valeur sa place dans le mandat. Ces actions peuvent être négociées sur une Bourse étrangère – c’est le cas pour 15 % de l’actif net. 

Globant est une autre entreprise argentine axée sur la technologie qui profité de la popularité générale du secteur. Fisher a également en portefeuille des sociétés kenyanes, vietnamiennes et koweïtiennes. 

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