Dans un environnement qui va rester défavorable aux actions, Frank Vranken (Edmond de Rothschild) estime que le rendement réel positif va rester l’arme à privilégier pour les investisseurs au début 2023.
Pour Frank Vranken (Chief Investment Officer chez Edmond de Rothschild), les marchés financiers ont bénéficié pendant plus de 10 ans d’une manne financière des banques centrales. « Nous assistons aujourd’hui à une changement complet d’environnement qui a des conséquences pour la manière dont il faut envisager ses investissements. L’année 2022 a été exceptionnelle, avec des performances qui ont été très négatives tant pour les actions que pour les obligations. Ce type de configuration est historiquement très inhabituel et ne devrait pas se répéter dans le futur ».
Normalisation
Pour les prochains mois, il souligne que la hausse des taux directeurs va entraîner une baisse de l’inflation, et que la grande question va être la rapidité de la décrue de la hausse des prix. « Si les banques centrales occidentales n’atteignent pas rapidement leur objectif d’une inflation à 2%, elles seront tentées de poursuivre leur politique d’austérité et maintenir leurs taux sur des niveaux élevés », soit un contexte qui resterait relativement défavorable pour la valorisation des actions.
« La question n’est pas de savoir si nous allons avoir une récession, mais à quel point celle-ci sera profonde. Si l’endettement doit augmenter et si le déficit doit être financé, la hausse des taux sur les emprunts souverains risque de se poursuivre et provoquer un retour des interrogations sur la périphérie européennes ». Pour l’ensemble de ces raisons, il estime qu’il faut également rester prudent avant de revenir sur la dette souveraine européenne.
Dette d’entreprise
Dans le même temps, Frank Vranken estime que les bénéfices des entreprises risquent encore d’être ajustés à la baisse durant les prochains mois. « Ce contexte explique que nous restions assez prudents pour les placements boursiers pour le début de l’année prochaine ». Dans ce contexte, il pense également que les portefeuilles investis en actions doivent privilégier les entreprises qui dégagent des flux de trésorerie élevés, et qui sont en mesure de distribuer des dividendes attractifs. « La croissance attendue des dividendes devrait rester supérieures à la hausse attendue de l’inflation. En outre, ces actions sont généralement moins volatiles que les actions qui ne versent pas de rémunération à leurs actionnaires ».
Cette prédilection pour les actifs susceptibles de générer des rendements réels attractifs l’amène également à surpondérer les actifs privés (infrastructure, etc) dans les portefeuilles, ou les obligations d’entreprises de bonne qualité sur les marchés obligataires. « Nous sommes actuellement surpondérés sur la dette d’entreprise, tant en Europe qu’aux Etats-Unis ».
« Le maintien des taux directeurs sur un niveau élevé ne va pas être positif pour les actions, mais bien pour les classes d’actifs qui peuvent délivrer du rendement de manière consistante. Les placements qui peuvent permettre de battre l’inflation et de maintenir le pouvoir d’achat durant les prochaines années vont être au centre de la stratégie d’investissements pour les prochains mois ».
Deuxième tour
Dans l’ensemble, il souligne rester sous-pondérer sur les actions, notamment sur l’Europe et les marchés émergents, avec des positions neutres sur le Japon et les Etats-Unis. « Le marché américain doit rester privilégié par rapport à l’Europe, principalement parce que l’économie est assurée ne va pas subir une crise énergétique durant les prochains mois. Nous apprécions également des marchés comme le Japon ou la Suisse ».
« Le premier pays va bénéficier de la faiblesse de sa devise durant les prochains trimestres, avec des valorisations qui sont retombées sur des niveaux attractifs ; tandis que le second est nettement moins exposé que le reste de l’Europe continentale aux apports en énergie fossile, vu qu’une très grande partie de son énergie (environ 60%) provient de sources hydroélectriques ».
Frank Vranken estime également que la deuxième partie de l’année 2023 pourrait toutefois offrir de meilleures perspectives si l’environnement évolue plus favorablement que prévu. « Mais le risque est néanmoins d’avoir un exercice 2023 qui restera plutôt morose au niveau boursier». Il souligne également que la fin de la surperformance du dollar constituera une bonne nouvelle pour les marchés émergents, qui pourraient retrouver quelques couleurs dans le courant de l’année prochaine.