
Frank Vranken est Chief strategist officer chez Edmond de Rothschild Europe. À quel moment les clients sont-ils devenus agressifs ? Quand rentre-t-il chez lui énervé ? Et pourquoi il veut devenir guide touristique à Louvain ?
Frank Vranken (58 ans) a commencé sa carrière en 1992 à la Banque Indosuez Belgique et a ensuite occupé divers postes chez ABN Amro, Fortis, BNP Paribas Fortis et Puilaetco Dewaay Private Bankers.
« Lorsque je repense à mes différents employeurs, ils m’ont souvent donné l’occasion, en tant que jeune professionnel, de me perfectionner ou d’élargir mes horizons. Parfois, il s’agissait d’opportunités d’apprentissage, parfois de décisions de la direction avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Des décisions qui allaient trop loin pour moi, qui me donnaient l’impression de perdre ma liberté intellectuelle ou de ne plus pouvoir exploiter pleinement ma vision globale du produit. Cela a toujours joué un rôle important pour moi. »
Aujourd’hui, je ne démissionnerais pas aussi facilement.
Avec le recul, il ferait certains choix différemment. « Quand on est jeune, on est plus impétueux. Aujourd’hui, je resterais plus longtemps dans certaines banques et je ne démissionnerais pas aussi facilement. On pense parfois : je n’accepte pas ceci ou je n’aime pas cela. Mais il s’agit souvent d’une affaire personnelle. On s’aperçoit par la suite que certains managers font beaucoup de bruit, mais qu’en même temps ils ne restent pas éternellement. Tôt ou tard, ils s’en vont. Peut-être faut-il parfois attendre un peu plus longtemps avant de décider de tout abandonner. C’est la réflexion que j’ajouterais aujourd’hui. »
Agressivité
En 2008, M. Vranken travaillait au sein de la division banque privée de Fortis. Aux premières loges, il assiste à la crise financière et à la chute de la grande banque. Ce fut le moment le plus difficile de sa carrière.
« Certains clients ont complètement dépassé les bornes. Il y avait beaucoup d’agressivité, au téléphone et dans les contacts personnels. Mais je peux comprendre cela aussi. Les gens qui avaient misé gros sur Fortis ont vu leurs économies durement gagnées s’envoler. Cela affecte profondément. »
« Dans ces moments-là, il faut adopter une approche psychologique : apaiser le client, mais aussi prendre ses distances. Avec nos collègues, nous étions en plein cœur de la tempête. Nous avions l’impression d’être otages de la situation. Tout le monde s’est mis à travailler ensemble pour gérer cette situation. Mais dès que la tempête s’est calmée, la colère refoulée a refait surface. Parmi les collègues également. C’était une période difficile, mais aussi très instructive. »
Frank Vranken lui-même est resté remarquablement calme. « La banque et la direction ont bien sûr commis de graves erreurs, mais j’ai pu les remettre dans le contexte de l’époque. J’ai été particulièrement choqué par la dureté des réactions de mon entourage. Je me souviens d’un collègue proche de la retraite qui avait reçu des actions en guise de prime au fil des ans. Celles-ci n’avaient soudain plus aucune valeur. On aurait pu tapisser les murs avec. Il rêvait d’acheter un appartement sur la côte avec ce capital. Ce rêve s’est soudainement évanoui. »
« Ce qui m’a alors étonné, c’est que la presse a posé peu de questions sur l’impact pour les salariés. L’accent a été mis sur les clients et la garantie de leur capital, et la banque a été pointée du doigt. Mais l’impact sur les salariés n’a guère retenu l’attention à l’époque. »
Fun
M. Vranken est passionné par les marchés financiers. « Cela a parfois mis en péril l’équilibre avec ma vie privée. J’en suis conscient. Si vous rentrez à la maison énervé, c’est souvent parce que vous n’avez pas pris suffisamment de temps pour votre propre bien-être. Parfois, vous sautez le déjeuner, vous restez trop longtemps devant votre ordinateur ou vous passez des appels sans jamais faire de pause. Vous ne vous accordez alors aucun moment de détente. Je devrais y prêter plus d’attention. »
« Je pense que cela implique aussi de se consacrer à d’autres activités. C’est pourquoi je suis actuellement en formation pour devenir guide touristique à Louvain. Cela m’apporte de la variété intellectuelle et c’est important. Je ne veux pas avoir tout le temps le nez dans les chiffres. »
L’intensification de la réglementation est une des raisons qui pousse Frank Vranken à se consacrer à de nouvelles passions. « Un grand nombre de réglementations ont été imposées aux banques privées par l’Europe. Ce qui est autorisé, ce qui est obligatoire, ce que nous devons tous demander au client. Sur le plan interne, des règlements supplémentaires ont également été ajoutés. Je pense qu’on est allé trop loin. Cela gâche en grande partie le plaisir du travail, non seulement pour moi, mais aussi pour mes collègues.
Les managers du secteur sont beaucoup plus préoccupés par la conformité qu’auparavant. Ils sont constamment soumis à des interrogatoires. On se demande parfois : est-il bien nécessaire d’en faire autant ? La différence est énorme, et souvent ça ne fait qu’empirer. Cela m’a amené à réaliser qu’il faut parfois savoir lever le pied. On ne peut pas se préoccuper uniquement de règles. »
Écoutez l’intégralité du podcast Le Miroir (en néerlandais) avec Frank Vranken et découvrez :
- Quelles sont les qualités indispensables à un bon stratège en investissement.
- Quelles sont les évolutions qui le préoccupent le plus en tant que stratège en investissement.
- S’il est un auditeur attentif.
- Pourquoi il aurait voulu parler davantage d’investissement à ses enfants.
- Si, avec tout ce qu’il sait aujourd’hui, il se lancerait-il encore dans la finance à 25 ans.
- S’il pense déjà à la retraite.