Une hirondelle ne fait pas le printemps. Après un début d’année en fanfare qui a fait grimper les actions immobilières européennes de quelque 15 %, grâce à la baisse des taux d’intérêt à long terme, la fête est déjà terminée nous voilà revenus à la case départ. Alors qu’auparavant, c’étaient des éléments externes (en particulier les taux d’intérêt) qui jouaient des tours aux actions immobilières, celles-ci ont dû faire face le mois dernier à des facteurs spécifiques au secteur. Petit tour d’horizon.
Commençons par les SIR (sociétés immobilières réglementées) belges. Sans exception, elles ont publié de bons résultats pour 2022, avec une augmentation moyenne du résultat courant par action de 6,5 %, avec les exceptions positives Care Property Invest (+17 %), Xior (+15 %), WDP (+13 %) et Aedifica (+9,4 %). Ces nouvelles positives ont permis à la plupart des SIR de récupérer quelques pour cent des importantes pertes enregistrées en 2022.
Le seul élément dissonant en termes d’évolution du cours était Care Property Invest, qui a procédé à la fin du mois de janvier à son augmentation de capital longtemps attendue, ce qui a entraîné une nouvelle pression sur le cours. Après une perte de 39 % en 2022, le cours de l’action a perdu encore 17 % cette année. Dans l’ensemble, les SIR belges n’ont pas vraiment affiché de mauvais résultats cette année, avec encore de nombreuses performances positives depuis le début de l’année.
En Allemagne, c’est plus grave, surtout chez les groupes actifs dans l’immobilier résidentiel. Vonovia, le plus grand acteur européen, a annoncé une réduction de moitié de son dividende. Des acteurs de taille moyenne comme LEG Immobilien, Grand City Properties et Tag Immobilien sont allés plus loin en annulant totalement leurs dividendes. Le fait est que ces groupes allemands sont vulnérables aux dépréciations de leur portefeuille immobilier, ce qui se traduit par un taux d’endettement plus élevé ; d’un autre côté, ils ont besoin de leur flux de trésorerie disponible pour financer les rénovations. Comme on le sait, les augmentations de loyer (notamment par le biais de l’indexation des loyers) sur le marché immobilier allemand sont limitées par le gouvernement, de sorte que les groupes immobiliers doivent puiser dans un autre tonneau.
Une possibilité consiste à rénover les appartements plus anciens pour les louer à un prix plus élevé, mais ces rénovations coûtent cher. L’annulation du dividende s’inscrit également dans ce cadre. Mais l’annulation du dividende ne se fait pas ‘en toute impunité’ : c’est le cours de l’action qui en fait les frais. Depuis le début de l’année, les pertes de cours ont atteint 15 % et plus et ce, après les fortes baisses déjà enregistrées en 2022.
Cela conduit à des valorisations invraisemblables, notamment des décotes de 70 % par rapport à la valeur intrinsèque et jusqu’à 5 à 6 fois le résultat courant par action. Le ‘marché’ ne s’intéresse pas du tout à ces paramètres de valorisation ultra-bas, mais plutôt au ratio dette/EBITDA, qui atteint pas moins de 15 pour certains de ces groupes allemands. Les ‘shorters’ misent désormais tout sur les augmentations de capital.
Chez les REITs britanniques, la situation est moins dramatique que chez les groupes immobiliers résidentiels allemands, mais pratiquement plus aucun n’a été dans le vert depuis le début de l’année. Ils subissent progressivement les nouvelles conditions du marché sous la forme de coûts financiers plus élevés (progressivement en raison de leurs couvertures de taux d’intérêt) et de réévaluations immobilières négatives et donc, de niveaux d’endettement plus élevés.
En Suède, nous observons une évolution similaire, mais avec des pertes de cours légèrement plus importantes. Les causes ne doivent pas être cherchées bien loin : la hausse des taux d’intérêt en couronnes suédoises et le taux d’endettement trop élevé de nombreux groupes.
Décevants en Allemagne, mauvais en Grande-Bretagne et pires en Suède, où devions-nous nous situer en tant qu’investisseurs immobiliers ces derniers mois ? Tout simplement dans l’immobilier commercial. Pratiquement tous les groupes avec de l’immobilier commercial sont encore dans le vert de plusieurs pour cent depuis le début de l’année, malgré les hausses de taux d’intérêt. Il ne faut pas chercher l’explication bien loin. Ce segment immobilier a connu des moments de crise, d’abord en 2017/18 en raison de divers problèmes au sein de chaînes de magasins internationales, puis en 2020/21 à cause de la pandémie.
Ces défis les ont amenés à réduire structurellement leur niveau d’endettement, ce qui est aujourd’hui un luxe bienvenu. En outre, les prix des loyers avaient baissé, mais ils peuvent maintenant se redresser progressivement. Une autre raison est la faible valorisation et le rendement élevé des dividendes, qui ont certainement attiré les parties intéressées ces derniers mois. Nous pensons que le segment positif de l’immobilier commercial peut tenir encore un certain temps.
Gert De Mesure est un analyste indépendant, un consultant en investissement et un expert en connaissance de l’agent d’investissement.