
Herman Daems a été président de BNP Paribas Fortis pendant 13 ans. Comment ce professeur est-il devenu l’un des administrateurs les plus puissants du pays ? Pourquoi a-t-il un jour foncé de Pékin à Paris ? Et pourrait-il encore être président de BNP Paribas Fortis aujourd’hui ?
Au-delà de sa carrière académique, le baron Herman Daems s’est forgé une solide réputation de capitaine d’industrie. Il a été président de la société d’investissement Gimv, du groupe d’imagerie Barco, de la KU Leuven et de la maison d’édition Lannoo, entre autres. Pendant 13 ans, il a également été président du conseil d’administration de BNP Paribas Fortis, la plus grande banque du pays.
« Cependant, j’ai toujours eu l’ambition d’être professeur avant tout. J’ai cette mauvaise habitude de vouloir expliquer les choses aux gens. »
Comment est-il alors devenu l’un des administrateurs les plus puissants du pays ? « J’ai simplement continué à faire ce que j’aime. Avec le recul, je pense que c’est ce qu’il y a de plus important. »
« Vous avez deux types de personnes : les gens qui vont eux-mêmes l’avant, et les gens qui sont tirés vers l’avant. Je suis plutôt du genre à me faire tirer vers l’avant. J’ai souvent été tiré par les autres ou par les circonstances. Parce qu’au début de ma carrière, je n’ai jamais dit : voilà ce que je veux accomplir, ce que je veux atteindre, ou le poste que je veux obtenir. Je n’ai jamais fait ça. »
Dire non
Malgré ses 78 ans, l’agenda d’Herman Daems est toujours très chargé. Aujourd’hui, par exemple, il est président de la holding de la famille Jan De Clerck et membre du conseil d’administration de l’Opéra flamand. Il dirige également le European Corporate Governance Institute, un réseau international composé essentiellement de juristes et d’économistes qui travaillent sur la gouvernance d’entreprise dans le monde entier.
« Lorsque les gens vous appellent et vous demandent de faire quelque chose, c’est parce qu’ils pensent que vous pouvez faire la différence. Et s’ils vous le demandent, vous ne devez pas non plus les laisser tomber », dit M. Daems. « Mais je reconnais que j’ai toujours du mal à dire non. Pour moi en tout cas. Car si je siège dans un conseil d’administration et que je suis convaincu qu’une proposition n’est pas bonne, je le dirai très clairement. »
Est-ce que cela flatte son ego qu’on lui demande encore d’occuper des postes aussi divers ? « J’ai souvent entendu ça. Les gens disent : ils vous le demandent, vous vous sentez honoré et vous le faites. Mais ce n’est pas si simple. Si je sens que je vais jouer un rôle de figuration ou s’ils pensent que je n’exprimerai aucune critique, je passe. »
Réputation
En tant qu’administrateur, Herman Daems s’est forgé une solide réputation. « Je n’ai bas bâti cette réputation en étant un suiveur. Ma réputation vient principalement du fait que je suis critique, tout en y mettant les formes. »
Il critique notamment la manière dont de nombreuses entreprises et organisations gèrent encore aujourd’hui leur conseil d’administration. « J’ai entendu quelqu’un dire récemment : « L’intelligence artificielle aidera beaucoup les conseils d’administration. Nous recevons des dossiers de 800 pages, ce n’est plus possible. » Je me dis, là il y a quelque chose qui ne va pas. Ce n’est pas l’IA qui va résoudre ce problème. Vous ne pouvez résoudre ce problème qu’en obligeant la direction et le président du conseil d’administration à réfléchir : a-t-on vraiment besoin de ces 800 pages ? »
De tels pavés sont parfois utilisés pour dissimuler des informations. L’inverse se produit aussi : parfois, les administrateurs reçoivent trop peu d’informations ou des informations trop superficielles. « Administrer, c’est gérer l’ignorance. Vous siégez dans un conseil d’administration, vous devez juger toutes sortes de choses, mais vous ne savez jamais si vous avez toutes les informations. Une bonne relation entre le conseil d’administration et la direction est donc cruciale. La direction doit comprendre que les administrateurs ont besoin d’informations. Et les administrateurs doivent comprendre que ces informations sont confidentielles. »
De Pékin à Paris
Pendant 13 ans, Herman Daems a été président de BNP Paribas Fortis. Lorsque le poste lui a été proposé, il était président du groupe d’investissement Gimv. « Je venais de faire 12 ans et j’étais à un an de la retraite. Ce que peu de gens savent, c’est que je suis devenu président de BNP Paribas Fortis à la demande des Français. Lors des négociations entre BNP Paribas et le gouvernement fédéral, il a été convenu que les Français auraient le droit de nommer le président. Je pense que les Français ont eu raison de dire : nous allons élire un Belge, ce qu’ils n’avaient d’ailleurs pas dit au préalable au gouvernement. »
La question est venue de manière inattendue. « J’étais à Pékin à l’époque, pour une activité de Gimv. C’est là que les Français m’ont appelé. J’ai ensuite pris un vol de Pékin à Paris. Le matin, j’ai eu une longue conversation avec la direction de BNP Paribas sur place. C’est en revenant de Paris à Louvain que j’ai décidé d’accepter la proposition. »
Pas un banquier
Au moment de sa nomination, Herman Daems n’avait pas de formation bancaire classique. À l’époque, il avait beaucoup plus d’expérience avec les entreprises industrielles, notamment par le biais de Gimv. Il venait plutôt du monde des capitaines d’industrie que de celui de la banque.
Considère-t-il cela comme un avantage ou un inconvénient ? « Un avantage. Plus personne ne voulait avoir affaire avec des banquiers. Tout le monde avait le sentiment qu’ils avaient mal agi. Il y avait un besoin urgent d’un profil différent dans les salles de conseil. Ma nomination ne serait pas possible aujourd’hui. »
À juste titre ? « Non, je ne crois pas. Je pense que le fait que la BCE décide qui peut devenir directeur d’une banque est une mauvaise chose », déclare M. Daems. « Avant la crise, on disait souvent : il y a trop de banquiers au conseil d’administration, ou tout simplement des gens qui n’y comprennent rien. Ils n’ont donc pas pu évaluer correctement les risques, basés sur des modèles mathématiques complexes. La première réaction après la crise a donc été de faire monter d’autres profils à bord. »
« Mais aujourd’hui, le cap est de nouveau tout autre. Les conseils d’administration sont à nouveau presque exclusivement composés de personnes issues du secteur bancaire. Je pense que c’est une erreur. C’est un repli sur soi. On manque l’occasion d’apporter d’autres perspectives. »
Un vent nouveau
Il a été président de BNP Paribas Fortis pendant 13 ans. « J’étais content lorsque ça s’est terminé. Je n’ai jamais insisté pour rester. J’étais content car il est bon d’avoir un vent nouveau de temps en temps : de nouvelles idées, de nouvelles approches. »
« Parce que j’avais constitué ce conseil d’administration petit à petit. Surtout pour le volet indépendant, j’ai contribué à trouver les bonnes personnes. Nous avions également mis au point tout un processus concernant le déroulement des réunions et le fonctionnement des comités. À un moment donné, il est bon que quelqu’un d’autre s’y intéresse. Quelqu’un qui dit : nous allons maintenant adopter une approche un peu différente. Ou s’organiser autrement. »
Relatif
Ce qui le rend le plus fier aujourd’hui ? « Le fait que j’aie pu faire ce que j’ai fait. Et peut-être aussi que je sais bien enseigner. Ou du moins que je savais bien enseigner. Mais je me rends compte en même temps à quel point tout cela est relatif. »
« Je fais souvent des conférences, j’assiste donc à toutes sortes d’événements. Les gens viennent alors me voir et me disent : « vous étiez mon professeur. ». C’est toujours flatteur. Je leur demande ensuite où ils ont suivi des cours avec moi. Il m’arrive alors d’obtenir des réponses curieuses. Quelqu’un m’a dit : « À Anvers. » J’ai trouvé cela extraordinaire, car je n’y ai jamais enseigné. Quelqu’un d’autre a prétendu avoir pris des leçons avec moi à l’Insead. Je n’y ai jamais enseigné non plus. »
« Je ne dis pas cela pour me moquer, mais pour montrer à quel point tout cela est relatif. Les gens pensent qu’ils se souviennent de vous ou de ce que vous avez fait. Mais tout finit par s’estomper. »
Écoutez l’intégralité du podcast Le Miroir avec Herman Daems pour découvrir :
- Comment une promenade de deux heures change sa vie académique et professionnelle
- Ce que Harvard lui a appris sur l’art de poser des questions, et pourquoi cela est essentiel pour une bonne gouvernance
- Ce qu’il changerait d’un coup de baguette magique
- Pourquoi il est parfois déçu par les administrateurs
- Ce que lui apporte son titre de noblesse
- Ce qu’il se demande encore en tant que père et grand-père
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