Les spécialistes de La Financière de l’Echiquier estiment que la visibilité va rester réduite durant les prochains mois, avec des marchés qui vont rester dominés par les traders et par la banque centrale américaine. Il faudra toutefois rester très attentif aux flux en provenance des particuliers américains.
Après avoir tenu leur webinar (Au Cœur Des Marchés) en ligne pendant toute la pandémie, Pierre Puybasset (Porte-parole de la gestion chez La Financière de l’Echiquier) et David Kruk (Responsable du trading desk chez La Financière de l’Echiquier) étaient de passage à Waterloo la semaine dernière pour tenir une édition non virtuelle de leur rendez-vous mensuel avec les investisseurs. Si le premier donne une vue macroéconomique, le second apporte des éclaircissements sur les mouvements qui se produisent dans le marché.
Pas de capitulation
« Le mois d’avril a été particulièrement compliqué », souligne David Kruk, « avec un recul de l’indice Nasdaq qui a atteint 12%. Une couche de pessimisme s’est installée, avec les tensions inflationnistes, le pétrole qui continue de grimper, les craintes d’une récession, et la trajectoire descendante pour les bénéfices par action. En Europe, les attentes sont aujourd’hui à 0% alors qu’elles étaient encore à 6% de hausse au début de l’année ».
Plus que jamais, David Kruk estime qu’il ne faut aujourd’hui pas aller à l’encontre de la volonté de la Réserve Fédérale, qui a aujourd’hui envie de stopper l’inflation des actifs financiers. « Les investisseurs doivent accepter le fait que la Fed ne soutient plus la hausse des cours. Pour autant, le marché n’a pas capitulé. Au vu de l’ensemble des nouvelles négatives annoncées, une correction plus importante aurait pu se produire ».
Fondamentaux
Il souligne également que la guerre en Ukraine est passée au second plan. « Le risque a été en grande partie intégré par les investisseurs, qui n’envisagent pas une aggravation du conflit. Le marché est aujourd’hui essentiellement un marché de traders, avec des entrées et des sorties très rapides du marché, sans regarder les valorisations. A l’heure actuelle, les fondamentaux ne sont pas du tout pris en considération ».
Pour autant, il souligne que les résultats trimestriels annoncés ces derniers jours ont été bons, notamment du côté des valeurs exposées sur la consommation (Procter & Gamble, LVMH, Heineken, etc). « Les courtiers américains sont toutefois très prudents, et tablent sur une trajectoire des résultats qui va devenir plus complexe à partir du deuxième trimestre, avec des marges qui vont se dégrader ».
Pas d’alternative
Pierre Puybasset rappelle que la politique monétaire américaine est aujourd’hui beaucoup plus restrictive, avec une trajectoire de hausse de son taux directeur qui va prendre entre 12 et 18 mois pour se diffuser dans l’économie. «La trajectoire de hausse de l’inflation n’est pas finie, avec la Fed qui doit rattraper son retard et est obligée d’accompagner sa politique d’un discours très dur afin de décourager à court terme les acteurs économiques et les investisseurs ».
En raison de la dégradation du contexte économique, Pierre Puybasset souligne que la Banque Centrale Européenne pourrait se montrer moins agressive, même si un abandon des taux négatif est néanmoins attendu d’ici la fin de l’année. Mais la récession pourrait également toucher les Etats-Unis. « Sur les 14 cycles de hausse de taux aux Etats-Unis depuis la Seconde Guerre Mondiale, 11 se sont terminés sur une récession. La probabilité d’un tel événement à augmenté à 35% pour un horizon de deux ans ».
Pour autant, il souligne qu’en dépit de la hausse des rendements obligataires, le niveau de l’inflation est aujourd’hui tel que les taux réels restent extrêmement négatif. « Un bonne explication de la résistance des cours est qu’il n’existe toujours pas d’alternative crédible aux actions pour les investisseurs, avec des flux entrants qui sont restés très vigoureux depuis le début 2022 ».
Particulier américain
Pour les trois prochains mois, David Kruk s’attend à ce que les grands indices continuent à évoluer dans une bande de fluctuation, sans avoir un effondrement ou une explosion des cours. « Personne n’a aujourd’hui intérêt à provoquer un effondrement des cours, qui placerait le consommateur américain en défaut, mais la Fed a clairement intérêt à provoquer un dégonflement lent de la bulle financière ».
Il indique qu’un facteur à regarder durant les prochaines semaines va être la direction des flux pour les particuliers américains. « Ils représentent aujourd’hui 30% du volume échangé sur l’indice S&P500. Leurs achats ont permis de soutenir les actions américaines durant les derniers mois. Toutefois, depuis deux semaines, les volumes se sont inversés car ils devaient payer leurs taxes mi-avril (400 milliards de dollars). Il sera intéressant de voir s’ils vont revenir, d’autant qu’ils disposent encore de moyens très importants sur leurs comptes bancaires (estimés à plus de 5.000 milliards de dollars) ».