Francesco Sandrini (Amundi) souligne le besoin de conserver une bonne diversification dans les positions sur les actions, et privilégier les émissions investment grade dans la partie obligataire tout en se montrant prudent sur la dette à haut rendement.
Francesco Sandrini est actif depuis plus de 20 ans au sein de l’ancien groupe Pioneer Investments, et depuis plus de 10 ans comme responsable de la gestion multi-actifs. Suite au rachat du groupe par Amundi, il est également devenu le responsable de la gestion multi-actif au sein du gestionnaire français. A ce titre, il supervise aujourd’hui plus de 300 milliards d’euros en encours, et reste encore directement impliqué dans la gestion des grands fonds mixtes d’Amundi depuis Dublin. Nous avons eu l’occasion de le rencontrer à l’occasion de l’Amundi World Investment Forum qui se tenait au début du mois de juin à Paris.
Comment analysez-vous la situation actuelle ?
Francesco Sandrini : « Mon rôle au sein de l’équipe de gestion flexible est d’identifier les grandes tendances macroéconomiques autour desquelles nous allons piloter nos portefeuilles. Je suis par contre moins impliqué directement dans la sélection des actions individuelles. Aujourd’hui, il faut bien constater le changement de paradoxe au sein des marchés financiers. Alors que pendant des années, il avait été possible de réaliser de bonnes performances entre prenant du risque à long terme sur les marchés boursiers, en compensant par des positions obligataires qui permettaient de stabiliser le portefeuille en cas de récession ou de plus forte volatilité sur les marchés boursiers, l’inflation est aujourd’hui en train de bouleverser les règles du jeu».
De quelle manière ?
F.S. : « Il est aujourd’hui obligataire de se montrer beaucoup plus tactique dans l’exposition de nos portefeuilles, et pivoter rapidement en fonction des conditions de marché. Une grande partie de l’ajustement qui n’a pas encore été totalement réalisé au niveau des valorisations des actifs financiers. Au début de l’année, la politique de resserrement des taux des banques centrales semblaient créer un contexte favorable aux valeurs bancaires et aux matières premières. L’invasion de l’Ukraine a provoqué un changement de paradigme qui nous a forcé à modifier rapidement notre allocation sectorielle, en réduisant rapidement notre exposition sur les valeurs financières ».
Quel est le risque principal pour les marchés financiers ?
F.S. : « Durant les 10 derniers années, la politique des banques centrales a entraîné la création d’un énorme endettement public. Si elles resserrent trop rapidement leur taux, les conséquences pour les marchés obligataires vont être très importantes, avec une piste d’atterrissage pour l’économie qui va devenir de plus en plus étroite. Je pense donc qu’elles vont avoir une attitude plus attentiste, et éviter de resserrer trop rapidement jusqu’à étrangler l’économie. Pour les investisseurs, il est aujourd’hui primordial de prendre en compte l’inflation, privilégier les rendements réels plutôt que les rendements nominaux, être attentif à la diversification des portefeuilles, et ne pas se cacher dans une allocation visant à minimiser les risques ».
Comment cela se traduit au niveau de l’allocation d’actifs ?
F.S. : « Au niveau des actions, il faut aujourd’hui mettre en œuvre une approche de stock-picking dynamique, être attentif à la bonne santé financière des entreprises, et privilégier les allocations sectorielles qui vont apporter du rendement réel dans les portefeuilles, comme par exemple le secteur de l’énergie et de l’infrastructure. Il faut également maintenir un bon niveau de diversification et privilégier les sociétés qui disposent d’une bonne capacité de fixation des prix. Au niveau de la poche obligataire, il faut sortir de la stratégie de minimisation de la duration pour commencer à se positionner sur des émissions corporate de bonne qualité (Investment Grade) d’une maturité plus longue, si nous partons du principe que les banques centrales ne vont pas chercher à provoquer une explosion en essayant de contrôler l’inflation à tout prix. Pour ce qui est de la dette à haut rendement, ces sociétés sont entrées dans la crise avec beaucoup de liquidités sur leur bilan, et ce matelas de protection est aujourd’hui en train de se réduire progressivement. Je m’attends à voir une hausse des défauts dans le futur, lorsque les sociétés les plus fragiles auront épuisé leurs réserves. Enfin, au niveau monétaire, nous continuons de privilégier le dollar, qui devrait atteindre la parité avec l’euro dans le futur ».
Et pour les matières premières ?
F.S. : « Nous avons commencé l’année avec des positions sur les métaux (cuivre, nickel, aluminium). Le ralentissement de la tendance économique en Chine nous a ensuite forcés à être plus sélectif, pour privilégier davantage les matières premières agricoles et le pétrole, qui devraient encore rester soutenus pour le futur proche. Si les banques centrales premières parviennent à contrôler l’inflation, nous reconstituerons probablement une allocation sur l’or. Comme pour les autres classes d’actifs, il faudra se montrer très tactique dans notre allocation ».
Faut-il encore s’intéresser aux actions européennes ?
F.S. : « A court terme, nous pensons que cette classe d’actifs devra encore être utilisée avec prudence au vu des problèmes d’approvisionnement persistants dans certains domaines, et au vu de l’accélération de l’inflation et des coûts de production. Dans l’ensemble, il faut toutefois souligner que les indices boursiers européens ont relativement bien résisté par rapport à d’autres indices ».
Et les marchés émergents ?
F.S. : « Notre positionnement est aujourd’hui relativement limité, car nous sommes encore dans une période de renforcement du dollar. En outre, la Chine a été également une source de risque sur les marchés financiers ces derniers mois. A la marge, nous avons toutefois commencé à reconstituer une position sur les A-Shares chinoises, dans le cadre de la mise en place d’une politique économique plus favorable de la part des autorités chinoises ».