La Fed pivotera deux fois cette année et l’inflation devrait se refroidir considérablement l’année prochaine.
C’est ce qu’affirme Samy Chaar, économiste en chef pour le gestionnaire d’actifs suisse Lombard Odier, lors d’un entretien avec Investment Officer. « Nous ne nous contentons pas de faire des prévisions macroéconomiques, nous travaillons à partir d’un modèle fiduciaire avec lequel nous voulons également aider nos collègues à prendre des décisions d’investissement. Nous nous concentrons vraiment sur les données macroéconomiques clés qui orientent les marchés. Nous voulons sécuriser les intérêts et les actifs de nos clients et les faire profiter des marchés. Cela peut se faire aussi bien par le biais de fonds que d’ETF, de lignes directes et de produits dérivés. »
« Il y aura deux pivots. Le premier consiste à passer d’une stratégie de relèvement des taux d’intérêt à une politique de maintien des taux. Le second pivot consistera à passer d’une situation de statu quo à une baisse réelle des taux d’intérêt en mars 2024. Mais pour l’instant, même si tout évolue dans la bonne direction, l’inflation est encore trop élevée. »
Chaar affirme que l’élément le plus important pour les investisseurs reste le discours sur l’inflation et ce qu’il signifie en fin de compte pour la croissance et pour les investisseurs ainsi que, par extension, pour les bénéfices des entreprises. « Le plafond de la dette était un risque secondaire, tout comme les tensions bancaires, la situation en Chine et d’autres questions géopolitiques sensibles, mais à court et moyen terme, sur une période de six à neuf mois, cela reste le thème déterminant sur les marchés. »
Selon Chaar, nous surmontons progressivement les chocs de 2022, en particulier les chocs liés à l’inflation et à la chaîne d’approvisionnement, ainsi que la situation géopolitique autour de l’Ukraine. « Nous considérons 2023 comme une année de transition. En 2024, nous devrions finalement connaître une situation plus normale sur le plan macroéconomique, à condition bien sûr de ne pas subir d’autres chocs. Mais en termes d’inflation et de taux d’intérêt, nous pensons que la situation va se normaliser, avec un taux d’inflation raisonnable de 3 %. Il est peu probable que l’inflation retombe à 1 %, mais elle ne devrait pas non plus remonter à 4 ou 5 %. Si nos prévisions sont correctes, la banque centrale américaine pourra adopter une politique plus neutre. »
Cependant, Chaar prévient que 2023 sera une année de transition, au cours de laquelle une politique monétaire plus restrictive restera à l’ordre du jour. Cela s’applique aussi bien à la politique de la Fed qu’à celle de la BCE. « Tout cela prend du temps, nous devons donc faire preuve de patience. Ramener l’inflation vers 2 ou 3 % est un marathon, pas un sprint. Et quiconque court un marathon sait que les dix derniers kilomètres sont les plus difficiles. Atteindre d’ici la fin de l’année une inflation de 3 % aux États-Unis devrait être un objectif réalisable. En Europe, il est plus probable que cela se produise au cours du premier semestre de l’année prochaine. »
Différences de croissance
Les différences de croissance entre les États-Unis et l’Europe demeurent importantes. Les États-Unis continuent de croître beaucoup plus rapidement que l’Europe. Par conséquent, de nombreux gestionnaires d’actifs continuent de privilégier les États-Unis à l’Europe. Selon Chaar, les facteurs sont connus : une croissance de la productivité plus élevée et un meilleur profil démographique aux États-Unis par rapport à l’Europe.
« Dans un scénario neutre, les États-Unis peuvent afficher une croissance moyenne d’environ 2 %, contre environ 1 % pour l’Europe. Cette année, en 2023, l’Europe est cependant mieux placée pour surpasser les États-Unis. En effet, la Fed mise désormais fortement sur un recul de l’inflation vers les 3 %. Nous prévoyons donc une légère récession aux États-Unis. En Europe, la croissance devrait être inférieure à la moyenne, c’est-à-dire inférieure à 1 %. La croissance européenne devrait donc être raisonnablement solide et nous ne tablons dès lors pas sur une récession. »
Chaar affirme que les perspectives de croissance à long terme pour la Chine ne sont pas si positives, car le pays est acculé par les États-Unis et connaît encore des problèmes dans le secteur immobilier. De plus, la démographie n’est pas brillante non plus et la Chine a du mal à passer d’une industrie manufacturière à une industrie de consommation. « Les vents contraires à long terme pour la Chine sont particulièrement difficiles. À court terme, nous sommes un peu plus positifs que le consensus grâce à la réouverture, car la consommation intérieure se porte plutôt bien. L’industrie manufacturière est faible, mais c’est le cas partout dans le monde. »