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Après la récente vague de fusions et d’acquisitions, les banques privées belges se préparent à une bataille concurrentielle féroce. Nouveaux venus, acteurs de niche et grandes banques doivent désormais faire leurs preuves dans un paysage remodelé.

Lors de la présentation de ses résultats semestriels, BNP Paribas Fortis a qualifié de « changement de paradigme » les derniers développements sur le marché belge de la banque privée, où les acquisitions se succèdent.

La Banque Nagelmackers, la plus ancienne banque de Belgique, précédemment aux mains des Chinois, a été vendue cet été à la banque régionale française La Caisse d’Épargne Hauts de France. Il s’agit de la deuxième banque patrimoniale bruxelloise à passer sous pavillon français en peu de temps. Un an plus tôt, Degroof Petercam avait été rachetée par Indosuez Wealth Management, une filiale du groupe Crédit Agricole. À la surprise de nombreux acteurs du secteur bancaire, Belfius a laissé filer ces deux opportunités. La banque publique nourrit de grandes ambitions dans le domaine de la banque privée et devra désormais faire cavalier seul.

Nagelmackers s’intègre dans une structure encore plus vaste que prévu. La semaine dernière, la Caisse d’Épargne Hauts de France a annoncé un « projet de rapprochement » avec sa banque sœur en Normandie. Les deux établissements font partie du grand groupe BPCE, qui comprend également la société de gestion d’actifs Natixis. Cette alliance a pour ambition de créer une banque unifiée « au service des clients, de la Normandie aux Pays-Bas ». La banque bruxelloise n’a pas souhaité dévoiler les implications concrètes de cette alliance pour les clients de la Banque Nagelmackers, car le processus d’acquisition n’est pas encore finalisé.

Le marché anversois est également en pleine effervescence. En juillet, Delen Private Bank a racheté son homologue Dierickx Leys. La banque néerlandaise Van Lanschot Kempen avait, quant à elle, précédemment acquis Accuro et Mercier Vanderlinden. Tous les services belges de conseil en investissement sont désormais regroupés au sein de la nouvelle entité Mercier Van Lanschot.

Par ailleurs, la banque privée suisse Lombard Odier a ouvert un nouveau bureau à Anvers la semaine dernière. Ce dernier est rattaché au bureau principal de Bruxelles. Si l’on excepte la Suisse, la Belgique est le seul pays européen où Lombard Odier possède deux bureaux.

Réglementation

D’après BNP Paribas Fortis, la consolidation du secteur n’est pas le seul facteur de ce changement de paradigme. « La forte pression réglementaire entraîne une augmentation des coûts et des investissements pour tous les acteurs de la banque privée. »

Ces deux aspects sont indissociables, explique Kasper Peters, Chief Strategy Officer et expert du secteur financier chez Deloitte Belgique. « Dans le secteur de la banque privée, l’échelle devient de plus en plus importante pour rendre les coûts liés à la conformité et à la réglementation plus supportables. Les régulateurs exigent une transparence totale sur l’origine des fonds des clients. Il suffit de penser à des processus tels que know-your-customer (KYC) ou know-your-transaction (KYT). C’est une bonne chose pour lutter contre l’argent d’origine criminelle, mais les coûts liés à la lutte contre le blanchiment d’argent ainsi qu’à d’autres réglementations deviennent problématiques pour de nombreux petits acteurs, ce qui conduit à des fusions ou à des acquisitions ».

Guerre des talents

Il existe également une dynamique parallèle et paradoxale. Alors que les banques privées développent toutes sortes d’applications et outils numériques pour leurs clients (où l’échelle représente également un avantage concurrentiel, précise Kasper Peters), une véritable guerre des talents fait simultanément rage pour attirer les meilleurs banquiers privés.

« Nos clients apprécient plus que jamais la combinaison de la numérisation croissante et de l’interaction humaine. La proximité humaine est importante, tout comme l’accessibilité et la personnalisation des canaux numériques », déclare BNP à ce sujet.
ING Belgique a également inscrit le private banking parmi ses priorités pour cette année, notamment en matière de recrutement. La banque souhaite renforcer les synergies entre ses divisions Private Banking et Business Banking. « Notre part de marché dans le Private Banking est plus petite que dans le segment Business Banking », a expliqué Peter Adams, CEO d’ING Belgique, lors de la présentation des résultats semestriels.

« Nous avons donc encore du pain sur la planche pour devenir la banque de référence en matière d’épargne et d’investissement auprès des entrepreneurs qui sont déjà clients chez nous. Pour ce faire, nous avons développé de nouveaux services et investi dans le recrutement de banquiers privés supplémentaires. »

Compte tenu de l’évolution de l’environnement des taux d’intérêt, il n’est pas illogique que les grandes banques se tournent vers le marché de la banque privée. La baisse des taux risque d’exercer une pression sur les marges d’intérêt, qui constituent une source de revenus traditionnelle pour les banques. Par conséquent, les revenus provenant des frais et commissions sur la vente de produits d’investissement prendront une importance croissante. « La récente surenchère autour des alternatives aux bons d’État a également hypothéqué les marges d’intérêt des banques pour l’année à venir », observe Kasper Peters.

Segmentation de la clientèle

De nombreux clients de la banque privée – pour lesquels un patrimoine investissable d’au moins 250 000 euros est généralement requis – confient leur fortune à plusieurs établissements financiers, à la fois pour répartir les risques et pour mettre les banques en concurrence. Selon BNP, l’appétit pour de nouveaux types d’actifs est important. Pour la très grande majorité des investissements, les familles fortunées n’ont pas besoin d’un banquier privé.

Il devient crucial de se doter d’une identité propre. Les banques privées vont devoir se différencier davantage.

Kasper Peters, consultant chez Deloitte

« Il devient crucial de se doter d’une identité propre. Les banques privées vont devoir se différencier davantage », affirme Kasper Peters. Selon lui, la segmentation classique de la clientèle – une pyramide de services et de produits en fonction du montant du patrimoine – est obsolète. « Un entrepreneur du secteur technologique et un héritier passif d’une famille fortunée peuvent disposer d’un patrimoine similaire, mais avoir des attentes totalement différentes. Par exemple, l’entrepreneur sera davantage attiré par le capital-investissement. D’autres critères à considérer sont le degré d’implication souhaité par le client dans la gestion, le profil ESG du client, ou encore son niveau d’acceptation du numérique. Nous constatons que les banques privées commencent à adapter leur modèle de service, mais le chemin est encore long. »

Personnalisation

L’« hyperpersonnalisation » est le nouveau mot d’ordre chez certaines banques privées. Selon Kasper Peters, il serait cependant excessif de s’attendre à des investissements sur mesure ou à des algorithmes financiers personnalisés pour les clients de la banque privée. « Les produits financiers véritablement sur mesure ne sont accessibles qu’aux personnes ultrafortunées. Néanmoins, la personnalisation peut se manifester dans d’autres domaines, comme dans les applications ou via les invitations à des événements tels que tournois sportifs ou expositions. Ces événements sont importants pour de nombreux clients, qui y voient une opportunité de développer leur réseau professionnel. Les banques privées créent du lien en réunissant les personnes. »

Avec l’arrivée des nouveaux acteurs français cherchant à rentabiliser leur entrée sur le marché belge, les grandes banques qui visent un accroissement de leur part de marché et les banques de niche qui se renforcent, le marché belge de la banque privée semble plus concurrentiel que jamais. Les avancées technologiques, comme l’IA, viennent encore accentuer le bouleversement du secteur. « Tous les acteurs devront sortir de leur zone de confort. Cela promet des étincelles, mais cela ne peut être qu’au bénéfice des clients », conclut Kasper Peters.

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