Christophe Demain
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Christophe Demain est fasciné par la Bourse depuis son plus jeune âge, mais il lui arrive de se contenter de rendements plus faibles. « Comme nous sommes détenus à 100 % par l’État belge, il est logique que nous soutenions l’économie et la société belges », déclare le Chief Investment Officer de Belfius Insurance. Matthias Baillieul, Chief Financial Officer, se joint à la conversation.

En tant qu’assureur, comment garantissez-vous les rendements ?
Christophe Demain : « Comme nous sommes avant tout un assureur vie, nous souscrivons beaucoup d’assurances groupe pour lesquelles les entreprises versent une prime. Ce capital doit revenir à l’assuré lorsqu’il atteint l’âge de 65 ans, avec un rendement garanti. Nos investissements sont guidés par la nécessité de disposer de cet argent à temps pour payer les assurances groupe et les intérêts garantis, ainsi que les sinistres en assurance non-vie et nos propres coûts. C’est pourquoi nous privilégions principalement les investissements peu risqués et à taux fixe, qui représentent environ 85 % de notre portefeuille. Mais contrairement à d’autres assureurs, notre portefeuille ne se compose pas uniquement d’obligations d’État et d’obligations d’entreprises de catégorie investment grade. Nous avons également des prêts hypothécaires, qui représentent environ 25 % du portefeuille total, un héritage du passé. Cependant, ces prêts ont été un atout lorsque les taux d’intérêt étaient historiquement bas, car en Belgique, peu de prêts hypothécaires ont été accordés à moins de 2 %. »

Votre concurrent AG Insurance préfère les hypothèques néerlandaises parce qu’elles sont plus rentables et moins facilement refinançables. Pourquoi investissez-vous dans des hypothèques belges ?

MBMatthias Baillieul : « Notre portefeuille hypothécaire est un héritage du passé. Notre prédécesseur, Dexia avait frôlé la faillite après la crise bancaire. À l’époque, Belfius Assurances avait repris ce portefeuille pour aider la nouvelle Belfius Banque à obtenir des liquidités. En période de faibles taux d’intérêt, cela nous convenait bien, mais si les taux devaient à nouveau baisser fortement, le refinancement deviendrait effectivement un risque. C’est pourquoi nous réduisons progressivement notre portefeuille hypothécaire au fil des ans. La production de nouveaux prêts hypothécaires dans notre réseau passe principalement via le bilan de la banque. »

Comment diversifiez-vous les investissements les plus risqués ? 

Christophe Demain : « Dans le volet actions, nous avons aussi bien des actifs cotés que non cotés, du capital-investissement et de l’infrastructure. Pour nos investissements en obligations et en actions, nous disposons d’une équipe de 10 personnes qui gèrent 90 % du bilan. Nous gérons nous-mêmes nos investissements principaux, via des lignes directes. Nous avons également quelques participations, dont la plus connue est Euroclear. Pour les produits plus spécialisés, nous faisons appel à des gestionnaires d’actifs externes. Cette diversification nous permet d’obtenir un rendement supplémentaire significatif sur nos actifs. »

Pour quels types d’investissements faites-vous appel à des gestionnaires d’actifs externes ?

Christophe Demain : « Notamment pour nos investissements dans des fonds de capital-investissement, dont la majorité sont belges. Nous faisons également appel à des gestionnaires externes pour les fonds d’infrastructure, en particulier dans le domaine des énergies renouvelables. Ces fonds ne sont généralement pas belges, mais situés dans la zone euro. Il s’agit en général de gros coupons, avec des rendements élevés, récurrents et résistants à l’inflation. »

Comment investissez-vous dans l’immobilier ?

Christophe Demain : « Ici également, nous privilégions la sécurité, notamment avec de nombreux bâtiments loués via des contrats à long terme à l’État belge ou aux régions. Nous louons également des immeubles commerciaux à de grandes entreprises. Notre portefeuille représente plusieurs centaines de millions d’euros. Nous accordons une grande importance à la qualité des locataires, ainsi qu’à la possibilité d’indexer les loyers. Il y a quelques années, nous avons diversifié nos investissements en nous orientant vers les maisons de repos. Nous avons une petite équipe de quatre personnes dédiée à l’immobilier, c’est pourquoi nous maintenons une focalisation restreinte. Dans d’autres secteurs immobiliers tels que la logistique, le commerce de détail et le segment résidentiel, nous investissons via des sociétés immobilières cotées et non cotées. »

Comment assurez-vous la durabilité de vos investissements ?

Christophe Demain : « Nous avons toujours beaucoup travaillé pour les gouvernements, qui attendaient très tôt une politique ESG claire. Nous appliquons une politique ESG depuis 2005. Au niveau du groupe, nous partons de l’approche TAP, qui signifie Transition Acceleration Policy ou politique d’accélération de la transition. Il s’agit d’une approche rigoureuse, initialement basée sur celle du fonds de pension norvégien, mais devenue plus encore stricte dans l’intervalle, avec de nombreuses exclusions (tabac, armes, charbon, jeux, soja), un calendrier clair pour la réduction progressive des émissions de gaz à effet de serre et un dialogue avec les entreprises. Chaque investissement est évalué par nos spécialistes ESG. Nous pratiquons également l’investissement à impact, notamment dans les infrastructures, les centres de soins résidentiels ainsi que via notre participation dans la société de logement social Inclusio. »

L’investissement à impact signifie-t-il que vous vous contentez d’un rendement financier inférieur ?

Christophe Demain : « Inclusio investit dans l’immobilier social et réalise un rendement de 4 %, alors que dans la location résidentielle classique, on pourrait attendre un rendement de 6 %. Il s’agit donc d’un rendement inférieur à celui du marché, mais cela permet de générer un impact. Cela fait partie de notre engagement envers la société belge. Comme nous sommes détenus à 100 % par l’État belge (via la Société Fédérale de Participations et d’Investissement, Ndlr), il est logique que nous soutenions l’économie et la société belges. »

Vous êtes CIO depuis plus de 11 ans. Qu’appréciez-vous le plus dans votre travail ?

Christophe Demain : « Je suis passionné par les marchés financiers depuis mon plus jeune âge. Mon père était rédacteur en chef de L’Écho. À 15 ans, j’ai fait un exposé sur la Bourse à l’école. À dix-huit ans, j’ai investi en Bourse tout l’argent que ma grand-mère m’avait donné. Plus tard, j’ai été étudiant jobiste chez un agent de change. J’ai également travaillé pendant sept ans dans une salle des marchés. »

« J’aime l’incertitude, et sur les marchés, il y en a toujours. Pour quelqu’un ayant les mêmes intérêts que moi, c’est le plus beau métier qui soit. On voit tout ce qui se passe dans le monde, y compris les dernières innovations. Par exemple, nous investissons actuellement dans 120 start-ups. Ce qui est agréable dans le domaine des assurances, c’est qu’on peut vraiment travailler sur le long terme. Certains des fonds dans lesquels nous investissons ont une durée de vie de 25 ans. C’est avant tout une combinaison très intéressante de produits passionnants : start-ups, fonds, actions, obligations, infrastructures, et même quelques produits dérivés complexes, qui nécessitent une certaine gymnastique mentale. »

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