Deux fonds d’investissement quasi automatisés et un stratège fictif : sans l’intelligence artificielle, ils n’existeraient pas. L’IA améliore le rapport risque-rendement car les fonds peuvent mieux se diversifier en élargissant leurs investissements, note Sara Baeten, General Manager Data-driven & Responsible Investing chez KBC Asset Management. « Mais il y a toujours une supervision humaine. »
Si la France a récemment été le berceau de nombreuses innovations en matière de gestion financière, la Belgique innove également dans le domaine financier. KBC propose ainsi deux fonds gérés à l’aide de l’intelligence artificielle depuis plusieurs années : l’Optimum Fund Enhanced Intelligence Global Allocation et le KBC Equity Fund Enhanced Intelligence Stock Selection Classic.
Aujourd’hui, plus de 500 millions d’euros sont investis dans les deux fonds. Les décisions d’investissement sont d’ailleurs presque entièrement basées sur l’IA : pour l’un des fonds, le modèle basé sur l’IA suggère des décisions d’allocation top-down et pour l’autre, un autre modèle d’IA sélectionne des actions selon une approche bottom-up. « Toutes les propositions d’investissement sont basées sur l’IA, précise Sara Baeten, mais le gestionnaire peut intervenir pour ne pas mettre en œuvre une idée générée par l’IA. »
Un stratège en IA
Le gestionnaire d’actifs belge a également adopté une deuxième approche. « Le modèle d’IA que nous avons développé pour nos fonds est également intégré dans la gestion d’autres fonds via la création d’un stratège en IA qui s’est vu attribuer un siège à la table du comité d’investissement », explique Sara Baeten (photo). « Ce participant fictif apporte des perspectives et des visions supplémentaires qui peuvent contribuer à influencer nos analyses et challenger les autres stratèges. »
Selon Sara Baeten, l’IA offre encore d’autres opportunités : « Grâce à l’IA, nous pouvons saisir, traiter et interpréter beaucoup plus de données. » Par exemple, l’IA peut déduire le sentiment des discours d’un CEO ou d’un CFO lors des présentations de résultats trimestriels. « Il s’agit là d’un type supplémentaire de données que l’IA permet d’intégrer dans les décisions d’investissement. »
L’intelligence artificielle peut également augmenter l’efficacité. « Nous aimons comparer cela avec un exosquelette, comme le harnais externe qui permet à un ouvrier d’usine d’utiliser une force musculaire supplémentaire », explique Sara Baeten. « Nous considérons pour ainsi dire l’IA comme l’exosquelette de nos gestionnaires, car grâce à cette intelligence supplémentaire, ils bénéficient de perspectives additionnelles qui leur permettent de prendre de meilleures décisions », ajoute-t-elle.
Développement interne
Comment l’utilisation de l’IA s’est-elle immiscée dans la gestion quotidienne des gestionnaires d’actifs ? Sara Baeten y voit une évolution naturelle, car les gestionnaires d’actifs travaillent depuis longtemps avec la gestion quantitative.
« Cela s’est développé à partir de la gestion quantitative et constitue en fait une étape logique dans ce type de gestion. L’IA nous permet de couvrir beaucoup plus de domaines qu’auparavant. En tant qu’acteur européen de taille moyenne, cela offre des perspectives supplémentaires parce que nous ne sommes pas un mastodonte financier comptant un bataillon entier d’analystes. Et plus nous pouvons élargir nos investissements, meilleure sera la diversification pour le gestionnaire d’actifs et meilleur sera le rapport risque/rendement. »
Sara Baeten fait référence à la loi fondamentale de la gestion active de Richard Grinold et Ronald Kahn, qui stipule que la productivité d’un gestionnaire actif dépend de la qualité de ses compétences et de la fréquence à laquelle ces compétences sont mises en pratique. Ce ratio d’information (RI) mesure la valeur ajoutée de chaque unité de risque ajouté. « L’IA permet d’augmenter le RI », ajoute-t-elle.
Le gestionnaire d’actifs a développé les modèles d’IA en interne. « Au sein de l’équipe Quant Research, nous travaillons avec des mathématiciens et des scientifiques spécialisés dans les modèles quantitatifs basés sur l’IA et les données », souligne la General Manager Data-driven & Responsible Investing, qui travaille chez KBC depuis 18 ans. « Nos modèles ont été entièrement créés au sein même de notre entreprise. »
Évolution
Compte tenu du potentiel, des possibilités d’amélioration et de l’émergence de l’IA générative, KBC Asset Management ambitionne d’étendre l’application de la technologie. « Même si les principes fondamentaux de la gestion resteront intacts, notamment en ce qui concerne l’allocation des risques et le rapport risque-rendement, nous pensons que le rôle de l’IA peut encore s’accroître, justement parce qu’il sera possible d’intégrer beaucoup plus de nouveaux types de données », prévoit Sara Baeten.
Au sein de KBC AM, cela se fait en réalité de manière continue, explique-t-elle. « Nous surveillons constamment nos fonds et examinons comment entraîner et remodeler nos modèles. Nous suivons également les nouvelles données qui arrivent sur le marché et nous demandons lesquelles nous pouvons intégrer pour améliorer notre modèle. Et plus nos modèles s’améliorent, plus nous souhaitons les développer, mais avec la prudence nécessaire. »
« L’humain et l’intelligence artificielle constitueront toujours la combinaison gagnante, souligne Sara Baeten. L’humain est nécessaire pour trouver de nouvelles perspectives, améliorer les modèles et capter de nouvelles tendances. » La hausse des taux d’intérêt après plus d’une décennie de baisse en est un bon exemple. Il s’agit d’un nouvel environnement sur lequel le modèle d’IA ne peut pas encore se prononcer, car il ne peut pas s’appuyer sur des données historiques. « C’est pourquoi la supervision humaine est aussi importante et le restera. Nous avons encore besoin des individus pour développer cette vision de l’avenir. »