Entretien à cœur ouvert avec Koen Hoffman, CEO du gestionnaire de patrimoine gantois Value Square, à propos du moment le plus difficile de sa carrière, de son attirance pour les outsiders et de ses enfants venus jouer sur son propre terrain de jeu.
Fils d’une mère enseignante et d’un père vendeur de cuisines, Koen Hoffman n’a découvert sa passion pour l’économie qu’après l’école secondaire. « J’étais un élève tout à fait moyen. Je ne me suis épanoui que pendant mes études en sciences économiques appliquées. C’est là que j’ai découvert la différence que fait la passion dans ce qu’on entreprend. »
En 1992, après ses études, il frappe à la porte de l’ancienne Kredietbank (aujourd’hui KBC) – l’unique fois au cours de sa carrière où il a postulé lui-même pour un emploi. « À l’époque, le marché de l’emploi traversait une période difficile. Difficile à imaginer pour les jeunes d’aujourd’hui, mais à l’époque, il fallait en moyenne entre six et neuf mois de candidatures pour décrocher un premier emploi. Certains de mes camarades de Vlerick ont même dû pointer au chômage pendant plusieurs mois au début de leur parcours. J’ai eu la chance de commencer à la Kredietbank, sans réellement savoir ce qui m’attendait. »
Après un bref passage au département Crédits, il se retrouve au service Corporate Finance, où il travaille sur le financement de projets d’usines chimiques et de centrales électriques. « C’est là que j’ai commencé à réaliser que c’est le flux de trésorerie qui paie les factures. Pour le financement de projets, ce sont en effet les flux de trésorerie futurs qui assurent le remboursement des prêts. Cette prise de conscience guide encore toutes mes décisions d’investissement et chez Value Square, le flux de trésorerie constitue la pierre angulaire de toutes nos décisions. »
Mr. IPO
À la Kredietbank, Koen Hoffman croise la route de Michel Vanderkeilen, alors CEO de KBC Securities. Cette rencontre inopinée va se révéler déterminante pour sa carrière, le propulsant moins de trois semaines plus tard dans la salle des marchés de KBC Securities. « Je ne savais rien de la Bourse et j’ignorais totalement ce que j’étais censé y faire. Je savais à peine ce qu’était une introduction en Bourse, alors qu’à l’époque, il commençait déjà à y en avoir un flux conséquent. J’ai alors décidé d’en faire ma passion. Et cette flamme brûle toujours. »
C’est durant cette période que KBC Securities s’est lancée dans l’arène des introductions en Bourse, rivalisant avec des noms établis tels que Petercam. « Nous tentions nous aussi de nous faire un nom dans le domaine des introductions en Bourse. Nous faisions alors figure de véritable outsider. Je trouve exaltant de partir de cette position. » Cependant, l’outsider n’est pas resté dans l’ombre et KBC Securities a introduit de nombreuses sociétés en Bourse. Koen Hoffman est finalement resté 20 ans chez KBC Securities, dont près de quatre en tant que CEO. Trends l’avait un jour surnommé « Mr IPO » et De Tijd le qualifiait alors de « roi des introductions en Bourse».
Police
Pourtant, le point le plus sombre de sa carrière est également lié à cette période. En effet, KBC Securities avait introduit en Bourse Lernout & Hauspie. Après la faillite de cette entreprise de technologie vocale en 2001, Koen Hoffman a été interrogé par la police. « Lors de l’enquête judiciaire qui a suivi la faillite, j’ai été interrogé pendant quatre jours. Toutes mes conversations ont été écoutées. Pour être clair, je n’ai jamais été accusé de quoi que ce soit, mais subir un interrogatoire pendant quatre jours est incroyablement intimidant pour un jeune homme. Ce fut une véritable leçon d’humilité. Cela m’a profondément affecté. Ensuite, j’ai pris des vacances pour la première fois. J’avais besoin de temps pour me remettre. »
De KBC à Value Square
En tant que CEO de KBC Securities, Koen Hoffman semblait bien parti pour intégrer un jour le comité exécutif de KBC, voire devenir le CEO du groupe, mais ce n’était pas son ambition. « Je ne me sens pas à la hauteur pour devenir CEO d’une banque comme KBC. Et surtout, ce qui me passionne le plus, c’est de rapprocher les personnes et les entreprises. Mais diriger plusieurs milliers de personnes aurait radicalement changé mon emploi du temps et m’aurait empêché de faire ce que j’aime le plus. J’ai donc conclu que cette voie n’était pas pour moi. Mais comme je n’ai jamais tenté l’expérience, je ne le saurai jamais. »
En 2016, Hoffman quitte KBC Securities pour Value Square. « J’ai de nouveau opté pour le rôle d’outsider. Rejoindre Value Square, c’était opter pour une boutique de fonds dotée d’une identité forte et d’une offre d’investissement répondant aux besoins des entrepreneurs. La mettre davantage en lumière me comble de bonheur. »
Envers du décor
Depuis son arrivée chez Value Square, Koen Hoffman occupe de nombreux mandats d’administrateur, notamment chez Fagron, Greenyard et MDxHealth. « Quand on siège au conseil d’administration, on apprend également à regarder l’envers du décor d’une entreprise. C’est là que l’on comprend ce que la gouvernance implique réellement. Fort de cette expérience, je porte en tant que gestionnaire d’actifs un regard différent sur les entreprises que nous analysons. »
Authenticité et réseautage
Koen Hoffman est connu pour son réseau étendu. Il y a quelques années, le journal De Tijd l’avait proclamé « plus influent administrateur de la Bourse de Bruxelles ». « Développer un réseau prend du temps, comme une tache d’huile qui s’étend lentement. Et le plus grand défi pour un réseauteur, c’est que son réseau vieillit avec lui. C’est pourquoi je consacre beaucoup de temps aux jeunes générations, afin d’apprendre à les connaître également. » Il prône une approche authentique du réseautage. « Le réseautage est un investissement. Beaucoup pensent qu’il suffit de se rendre à une réception. Ou bien ils cherchent à côtoyer les personnalités du moment. Mais il faut surtout se montrer loyal envers les gens avant qu’ils ne soient connus. C’est ainsi qu’on construit un réseau véritablement durable. »
Un même terrain de jeu
Koen Hoffman a dû jongler avec beaucoup de balles à la fois ces dernières années. « Je n’aurais jamais pu le faire sans ma femme, Alexandra. » Il a également deux enfants. Son fils Viktor a récemment quitté Carlyle Private Equity à Londres pour créer un fonds spéculatif activiste européen. Sa fille Elisabeth a récemment rejoint une équipe de capital-investissement chez McKinsey. « C’est assez perturbant de voir vos propres enfants apparaître dans votre réseau professionnel. Ils jouent désormais sur mon terrain de jeu. Mais je leur souhaite également de réussir et de s’épanouir dans ce milieu. Ils tracent chacun leur propre voie et je suis extrêmement fier d’eux. »
Cependant, Koen Hoffman n’a pas toujours été présent. « Je n’étais pas souvent à la maison et il y a eu une période où je travaillais à Londres pendant la semaine. Mais je pense aussi - et cela ne plaira pas à tout le monde - que l’importance accordée à la présence des parents auprès de leurs enfants est surévaluée. Les jeunes adolescents, entre 12 et 18 ans, sont surtout préoccupés par eux-mêmes, pas par leurs parents. En tant que parent, vous n’avez pas à être constamment à leurs côtés. Pendant la semaine, je n’étais pas souvent là, mais je ne pense pas les avoir lésés pour autant. Le contraire m’aurait rendu très malheureux et je suis convaincu que cela n’aurait pas été bénéfique pour eux. »
Ministre de l’Économie
« J’aurais aimé jouer un rôle en politique. J’en parlais récemment avec quelques personnes qui m’ont fortement déconseillé de le faire, et peut-être ont-elles raison. Et cela n’arrivera probablement jamais. Mais servir en tant que ministre de l’Économie pour enseigner à tous l’importance d’investir à long terme, plutôt que de se limiter à la vision à court terme dominante, cela aurait vraiment du sens. »