La dynamique inflationniste sous-jacente dans la zone euro reste si faible que la Banque centrale européenne continuera à mener une politique monétaire très souple pour le moment. Un nouveau programme d’achat d’obligations suivra après la fin du programme d’urgence temporaire pour la pandémie.
C’est ce qu’affirme Jaco Rouw, Senior Portfolio Manager Fixed Income chez NN Investment Partners, dans une conversation avec notre plateforme sœur Fondsnieuws. En mars dernier, la BCE a lancé le programme d’achat pandémique (Pepp), dont le volume est de 1850 milliards d’euros. L’objectif était de traiter les risques majeurs que la pandémie de corona fait peser sur le bon fonctionnement des marchés du crédit et les perspectives économiques de la zone euro.
Pour l’instant, la BCE n’est pas prête à réduire ses achats, même si l’économie s’est considérablement redressée. Même si nous assisterons à une forte reprise économique au cours des prochains trimestres, l’impact négatif du corona sur l’économie persiste», explique M. Rouw pour justifier la position de la banque centrale. Le produit intérieur brut de la zone euro est toujours bien en deçà des niveaux antérieurs à la pandémie et ne devrait pas se rétablir complètement avant 2022. Dans ce contexte, le programme d’achat reste justifié».
Crédibilité de la BCE
M. Rouw estime également que la hausse de l’inflation n’est pas une raison pour réduire prématurément les achats d’obligations. L’inflation est très volatile à court terme et pourrait augmenter fortement pour atteindre 3 % au second semestre de cette année. Cela est dû en partie à des effets de base, tels que la hausse des prix du pétrole et l’annulation de la réduction temporaire de la TVA en Allemagne. L’inflation de base ne dépasse pas clairement 1,5 % et retombera à un niveau relativement bas d’environ 1 % l’année prochaine, une fois que les effets d’une année sur l’autre se seront estompés», déclare M. Rouw.
On est encore loin de l’objectif d’inflation de la BCE, qui a été relevé la semaine dernière à 2 %. Si nécessaire, la BCE autorisera le dépassement du nouvel objectif. Elle visait auparavant une inflation proche de 2 % à moyen terme. Bien que la banque centrale tolère un dépassement temporaire, M. Rouw pense qu’il y a peu de chances que l’inflation reste élevée.
Une inflation durablement plus élevée nécessite une croissance plus forte des salaires, mais la croissance des salaires en Europe reste très modérée. Par rapport à la période de forte inflation des années 1970, les syndicats sont aujourd’hui beaucoup moins puissants et le marché du travail est nettement plus flexible. Par conséquent, une spirale salaires-prix n’est pas à l’ordre du jour.
La BCE a indiqué que le programme d’achat en cas de pandémie se poursuivra au moins jusqu’en mars de l’année prochaine et qu’elle réinvestira les remboursements des obligations achetées jusqu’à la fin de 2023. Rouw : «Nous nous attendons à ce que la banque centrale réduise ses achats au quatrième trimestre. Le plus important, cependant, est ce qui va se passer ensuite. Il est fort possible qu’un nouveau programme, plus restreint, soit mis en place, étant donné que l’inflation de base est bien inférieure au nouvel objectif et que l’économie ne s’est pas encore totalement redressée.
Pour maintenir sa crédibilité, M. Rouw estime que la BCE doit continuer à assouplir sa politique monétaire, sinon le marché ne prendra pas l’objectif d’inflation au sérieux. La banque centrale garde également un œil sur les rendements obligataires dans la périphérie de la zone euro, même si elle ne le communique jamais explicitement. Un nouveau programme d’achat est donc également destiné à empêcher un resserrement monétaire en Italie ou en Espagne, par exemple.
Le taux d’intérêt allemand reste négatif pour longtemps
Ces achats supplémentaires viendront s’ajouter au programme d’achat APP existant. M. Rouw s’attend à ce que, même si les volumes mensuels diminuent quelque peu, la BCE continue à acheter toutes les nouvelles émissions d’obligations d’État en 2022 et reste également active sur le marché secondaire dans une moindre mesure. Dans cet environnement, les rendements allemands à dix ans pourraient augmenter légèrement l’année prochaine mais resteront négatifs. Il finira par repasser au-dessus de zéro, mais cela pourrait prendre trois ans. La BCE restera un acheteur important sur le marché obligataire pour les années à venir. Pour l’instant, les investisseurs en obligations d’État ne doivent donc pas craindre de subir des pertes en capital», déclare M. Rouw.
Il ne prévoit pas non plus de hausse des taux d’intérêt dans un avenir proche. En 2008, juste avant la crise du crédit, et en 2011, avant la crise de l’euro, la BCE a relevé les taux d’intérêt trop tôt et elle ne veut pas commettre cette erreur une troisième fois», explique M. Rouw. Nous sommes également habitués aux taux d’intérêt négatifs et les banques peuvent bien gérer cela. Ce n’est que lorsque l’inflation et les prévisions d’inflation atteindront 2 % que les taux d’intérêt seront relevés. Les spécialistes des études de marché pensent que le taux directeur n’atteindra pas 0 % avant 2026 et nous pensons également que c’est un scénario réaliste›.
M. Rouw s’attend à ce qu’à un moment donné, le marché anticipe une politique monétaire moins accommodante de la part de la BCE. Cela pourrait entraîner une légère hausse des rendements des obligations d’État en euros et une augmentation modérée des écarts de risque sur les obligations d’entreprise.
Il existe également un scénario dans lequel la croissance et l’inflation s’accélèreront dans les années à venir, par exemple en raison d’une moindre mondialisation ou d’une plus grande pression à la hausse sur les salaires. Dans ce cas, la BCE commencera à réduire ses dépenses plus tôt et ramènera rapidement le taux d’intérêt à zéro. Le taux d’intérêt allemand à dix ans pourrait alors tomber à 1 % en quelques mois, mais ce n’est pas notre scénario de base.