Haiyan Li-Labbé (Carmignac) souligne la valorisation attractive du marché chinois, mais également les facteurs de risque qui ont contribué à saper le potentiel du marché en 2021 et 2022. Elle table toutefois sur un contexte plus favorable durant les prochains trimestres.
Après avoir longtemps été la principale analyste de Carmignac sur la Chine, Haiyan Li-Labbé a pris les rennes en 2019 du fonds Carmignac Portfolio China New Economy. Après avoir rapidement doublé sa performance durant sa première année d’existence, ce produit a cependant subi des vents contraires violents durant les exercices 2021 et 2022. La tendance est toutefois devenue plus favorable suite à l’annonce de la réouverture de l’économie chinoise durant le dernier trimestre de l’année dernière. « Dans l’ensemble, nous avons dégagé une meilleure performance que notre catégorie Morningstar de référence, avec toutefois une volatilité plus forte en raison de notre positionnement sectoriel ».
Nouvelle vague
La stratégie qu’elle gère est investie dans la nouvelle économie chinoise, notamment sur les valeurs biotech, le commerce en ligne, les centres de données ou encore les voitures électriques. « Si ce positionnement sectoriel nous a fortement profité pendant la période du COVID, il s’est retourné contre nous à partir de 2021 suite à la liquidation du fonds Archegos et avec la mise en place d’un cadre règlementaire plus contraignant pour les géants de l’internet et les sociétés actives sur l’éducation en ligne ».
Par la suite, les déboires rencontrés par les promoteurs immobiliers très endettés et le maintien prolongé d’une approche zéro COVID ont contribué à maintenir la pression sur le prix des actions. « Et pour couronner le tout, les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis ont refait leur apparition, notamment suite à l’invasion de la Russie et les tensions géopolitiques autour de Taïwan », constate encore Haiyan Li-Labbé.
Positions fortes
Elle estime néanmoins que les fondamentaux soutenant le fonds restent solides. « Dans les années à venir, la Chine doit innover et s’automatiser pour remplacer les travailleurs car la population est en train de vieillir rapidement. L’économie est de plus en plus basée sur la consommation de la classe moyenne et une montée en puissance du secteur de la santé ».
Elle pointe que la Chine est également au cœur de la transition énergétique mondiale, avec une domination dans plusieurs catégories, notamment la production de panneaux solaires ou des composants d’éoliennes. « Le pays dispose également d’immenses étendues pour développer ses capacités de production d’énergie propre. Cette stratégie répond aussi à la volonté des autorités de s’affranchir des importations de pétrole, qui représentent deux-tiers du pétrole consommé en Chine et doivent être achetées avec des dollars ».
Technologie
Un autre argument pour le marché chinois est la montée en gamme du pays, avec des produits qui viennent concurrencer directement ceux fabriqués dans les pays occidentaux. « La Chine exporte aujourd’hui plus de voitures que l’Allemagne, ce qui aurait été impensable il y a quelques années ».
Haiyan Li-Labbé souligne que l’embargo des Etats-Unis sur les semi-conducteurs est de nature à stimuler l’innovation technologique chinoise durant les prochaines années. « Ils seront obligés de trouver leur propre voie pour développer des puces, notamment avec leur champion national SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corporation) qui sont pour l’instant très en retard par rapport à TSMC. C’est une évidence que le pays arrivera un jour à produire ses propres semi-conducteurs de haute performance ».
Positions fortes
Carmignac Portfolio China New Economy a un positionnement qui diffère fortement de son indice de référence. « Nous cherchons à identifier les secteurs qui vont être les gagnants structurels, et sélectionner les sociétés qui vont être les leaders dans ces domaines, avec des bilans sains et une bonne génération de flux de trésorerie. Nous apprécions également les sociétés qui sont en train de se tourner vers les marchés étrangers ».
La principale position du fonds est Miniso Group, qui dispose de 5500 boutiques (dont 2200 en dehors de la Chine) spécialisées dans la vente d’objets du quotidien. « Le groupe n’a pas d’usine, et innove sur le design original de leur gamme de produits, avec 150 nouvelles références qui sont lancées chaque semaine. Dans son segment, le groupe n’a pas vraiment de concurrence en Chine ou à l’étranger, avec une situation financière qui est très saine et un potentiel de croissance qui reste significatif ».
Chindata est la deuxième plus grosse position, cet opérateur de Data Center avec ByteDance (la maison-mère de TikTok) comme client principal affichant une croissance extrêmement rapide (30 à 40% par an) avec une valorisation qui reste attractive. Enfin, Daqo New Energy complète le Top3 du portefeuille, ce leader mondial dans la production de polysilicone étant un des rouages essentiels pour l’industrie des panneaux solaires. « Ce groupe très rentable envisage de racheter 20% de ses actions en circulation cette année ».
Technologie
Dans l’ensemble, Haiyan Li-Labbé souligne qu’un voyage récent en Chine lui a permis de constater que le pays est toujours plus digital et urbanisé, avec des investissements d’infrastructure qui sont aujourd’hui beaucoup plus raisonnés et respectueux de l’environnement. « Il reste bien entendu de nombreux facteurs de risque (règlementaire, géopolitique, etc), mais la valorisation est particulièrement attractive avec des investisseurs internationaux qui restent massivement sous-exposés sur la classe d’actifs ».