Le sentiment négatif à l’égard des marchés émergents crée un bon moment pour investir. Les tendances de croissance structurelle demeurent intactes, et les valorisations sont intéressantes.
C’est ce qu’affirme Projit Chatterjee, senior equity specialist et membre de l’équipe stratégique pour les marchés émergents qui gère le fonds Global Emerging Markets Opportunity Equity d’UBS AM, lors d’un entretien avec Investment Officer. Les pays émergents ne sont pas parvenus à répondre aux fortes attentes au cours de la dernière décennie. Depuis 2011, ils demeurent nettement en deçà des marchés boursiers développés.
Selon Projit Chatterjee, on peut parler d’une tempête parfaite : « Depuis 2016, les tensions entre les États-Unis et la Chine se sont accrues, affectant négativement certains secteurs en Chine. La pandémie de Covid et la guerre entre la Russie et l’Ukraine sont ensuite venues s’ajouter à l’équation. Plus récemment, la hausse des taux d’intérêt américains et un dollar fort ont constitué un nouvel obstacle pour les marchés émergents, en particulier pour les entreprises très endettées. Enfin, Pékin durcit la réglementation imposée aux entreprises, notamment pour lutter contre la domination des grandes entreprises technologiques et maîtriser le fort endettement du secteur immobilier. »
Tous ces facteurs n’ont rien arrangé au sentiment sur les marchés boursiers émergents et ont pesé sur les bénéfices, observe Projit Chatterjee. « Mais ces vents contraires s’atténuent quelque peu, bien que tous les risques n’aient pas encore disparu. La pandémie est passée et le gouvernement chinois relâche un peu la pression en matière de nouvelles réglementations. De plus, nous approchons de la fin du cycle de durcissement de la Réserve fédérale et il se peut que les taux d’intérêt soient revus à la baisse l’an prochain. Dans l’ensemble, les perspectives pour les marchés émergents se sont améliorées par rapport aux années précédentes. »
Un écart par rapport à l’indice de référence
Le fonds Global Emerging Markets Opportunity Equity investit mondialement dans les marchés boursiers émergents et a, ce faisant, la liberté de s’écarter sensiblement de l’indice de référence. Le fonds détient un portefeuille concentré avec un horizon d’investissement de cinq ans. « Avec une croissance bénéficiaire attendue de l’ordre de 10 à 15 % par an pour les années à venir, les perspectives sont excellentes pour nos entreprises. Il y a des opportunités d’achat, en particulier à présent que le sentiment est si négatif », affirme Projit Chatterjee.
Il s’intéresse notamment à la Chine. « Le marché boursier chinois est le deuxième mondial et il n’est pas cher. De nombreux problèmes sont à présent résolus. Si Pékin n’en est pas encore à stimuler fortement l’économie, elle prend tout de même des mesures pour soutenir le secteur immobilier. L’économie chinoise tient donc bon. Trois membres de l’équipe se sont récemment rendus en Chine pour s’entretenir avec des entreprises intéressantes. Il existe actuellement des opportunités d’acquérir sur le long terme des valeurs gagnantes à des prix plus bas. »
Selon Projit Chatterjee, les entreprises chinoises bénéficient encore de tendances structurelles fortes. « Les dépenses consacrées à la technologie et la R&D restent élevées. En outre, la transition vers une énergie propre implique de nombreux investissements. La consommation des ménages est quelque peu réduite du fait du ralentissement économique, mais elle repartira à la hausse à moyen terme. »
L’Inde est chère
Selon Projit Chatterjee, les actions chinoises sont bon marché par rapport aux autres marchés émergents. « Au cours des cinq dernières années, le ratio cours/bénéfice des marchés émergents a oscillé entre 10 et 20 selon le pays. Avec un RCB d’environ 10, les actions chinoises sont en queue de peloton, tandis que l’Inde constitue actuellement l’un des marchés boursiers les plus chers. Ces dix dernières années, les actions chinoises se sont négociées à 8 à 18 fois les bénéfices. La Chine est donc sous-évaluée, même par rapport au passé. »
Les investisseurs ne peuvent toutefois pas se fier uniquement au ratio cours/bénéfice, précise Projit Chatterjee. « Il faut également tenir compte des attentes et des risques. Beaucoup de choses ont changé en Chine, et les perspectives de croissance des entreprises chinoises ne sont plus aussi fortes que par le passé. » Hormis la Chine, les marchés émergents ne sont ni très bon marché, ni chers, note Projit Chatterjee. « De manière générale, la valorisation y est conforme à la moyenne historique des cinq dernières années. Il existe cependant d’intéressantes opportunités pour les investisseurs. Nous cherchons des entreprises exposées à des thèmes structurels et donc susceptibles de connaître une croissance supérieure à la moyenne. »
L’évolution des habitudes de consommation
Projit Chatterjee évoque l’évolution des habitudes de consommation vers des produits et services plus coûteux. La démondialisation crée également des opportunités, par exemple pour le Mexique, l’Inde et le Vietnam, qui sont des sites de production prisés par les entreprises désireuses d’être moins dépendantes de la Chine. « Outre les fournisseurs et producteurs de biens de consommation locaux, les banques bénéficient particulièrement de la tendance à la relocalisation, car les multinationales qui déplacent leur production doivent également nouer des relations avec les banques locales. »
En outre, toujours selon Projit Chatterjee, de plus en plus de consommateurs issus des économies émergentes ont accès à des comptes bancaires, ce qui stimule l’économie et le système bancaire. Il trouve également intéressants les fabricants de puces comme TSMC et Samsung Electronics. « Bien qu’une grande partie de la chaîne de valeur de l’intelligence artificielle et de la digitalisation se trouve aux États-Unis, les grands producteurs de puces se situent en Asie. On peut trouver suffisamment d’entreprises bien exposées à ces tendances, et notre tâche consiste donc à identifier parmi elles les potentielles valeurs gagnantes. »