Quelle est pour l’UE la prochaine étape vers la taxonomie verte, le SFDR et l’écolabel ? Martin Spolc, responsable de la Sustainable Finance Unit de la DG Stabilité financière, services financiers et union des marchés de capitaux de la Commission, a présenté un plan en six points destiné à hisser les critères ESG au niveau supérieur, lors du Sustainable Finance Forum à Luxembourg le 28 octobre.
Les professionnels du secteur des services financiers se débattent pour l’instant avec les premières phases des nouveaux critères pour les rapports de développement, la labellisation et la taxonomie verte. Il reste du pain sur la planche pour fixer ces procédures innovantes, mais la Commission européenne envisage d’ores et déjà l’avenir.
Au printemps et l’été derniers, une consultation publique avait livré près de 650 réactions qui, selon Martin Spolc, peuvent être subdivisées en six grands thèmes de politique. La Commission les détaillera lors de l’annonce de ces propositions le mois prochain.
Financement des activités écologiques
« Nous devons avant tout changer les mentalités : il faut passer du concept de financement plus vert à celui de financement d’activités vertes et faire en sorte de soutenir les entreprises du secteur financier dans leur transition durable », explique Martin Spolc. En d’autres termes, l’objectif est d’encourager les financements porteurs d’un impact : les investissements dans des biens et services qui favorisent activement la préservation de l’environnement. Cela contraste fortement avec une grande partie des activités d’investissement durable actuelles, axées sur la limitation des entreprises et activités les moins durables.
Le deuxième objectif est lié à la phase de reprise post-Covid-19, qui nécessitera des financements publics massifs, à savoir directement de l’UE. « Nous devons mieux aligner le cadre des financements durables dans le secteur privé sur les outils utilisés par le secteur public et veiller à ce que ces fonds encouragent le secteur privé à prendre les mesures adéquates », ajoute-t-il. Il cite notamment les normes d’émission d’obligations vertes que les pouvoirs publics peuvent appliquer pour l’émission de leurs propres obligations.
Responsabilité sociale et gouvernance
La Commission souhaite également être le moteur d’investissements et de bonnes pratiques pour d’autres dimensions du développement durable, à travers des défis d’objectifs sociétaux et de gouvernance. « Nous examinons pour l’instant s’il y a lieu d’étendre la taxonomie aux objectifs sociétaux », précise-t-il.
« En ce qui concerne la gouvernance, la Commission européenne a déjà annoncé une initiative majeure pour l’an prochain », explique Martin Spolc en renvoyant à l’initiative sur la corporate governance durable, actuellement en phase de consultation publique.
Quatrièmement, l’UE a fixé le délai ultime pour une Europe climatiquement neutre à 2050, en fixant les ambitions énergétiques et climatiques correspondantes pour 2030. « Nous devons mieux expliquer comment présenter ces objectifs clés dans la pratique et ce que cela signifie pour toutes les entreprises, et pas uniquement celles du secteur financier », affirme-t-il.
« Le cinquième défi concerne la résilience », poursuit-il. « Nous devons non seulement tenir compte des risques auxquels sont confrontées les institutions individuelles, mais aussi de ceux que rencontrent des systèmes entiers, et de la résilience dont ils doivent faire preuve. » Il renvoie à la crise sanitaire pour illustrer comment on aurait pu mieux préparer le secteur financier et l’économie réelle à faire face au stress.
Une action de l’UE en tant que norme internationale
Le dernier défi réside dans l’adoption d’une perspective internationale. « Nous sommes convaincus que nous atteindrons nos objectifs ambitieux, mais l’Europe n’est responsable que de 10 % des émissions mondiales », avance Martin Spolc. « Nous devons trouver des manières d’accélérer cette évolution positive, non seulement au sein de l’Union européenne, mais aussi dans d’autres pays. »
Une partie de ces plans sont déjà en chantier. La Commission a en effet créé l’an dernier l’International Platform on Sustainable Finance, qui réunit des décideurs d’importantes juridictions en vue d’échanger des expériences dans les pratiques de politique et de marché.
Ce sont là les lignes directrices des ambitions à moyen et long termes, mais d’autres initiatives seront déployées dans les mois à venir. Martin Spolc évoque par exemple les projets qui doivent assurer le fonctionnement optimal des règles actuelles. « Nous devons collaborer avec des experts de l’ensemble du monde des entreprises ; pas seulement du secteur financier, mais aussi du monde académique et des ONG. Nous devons faire en sorte de comprendre les différents secteurs économiques et l’expertise scientifique probante. »
Un forum de discussion formel a été mis en place pour travailler durant ces prochaines années « à la faisabilité et l’exploitabilité de la taxonomie dans la pratique, et de pouvoir ensuite l’étendre au-delà des objectifs environnementaux. » La prochaine révision de la directive de reporting non financier inclura en outre les normes de développement durable dans les informations transmises par les entreprises.
Ce travail repose sur la foi en « un partenariat solide entre les secteurs public et privé ». Tout comme pour les initiatives actuelles qui sont déployées, il faut instaurer des normes méthodologiques plutôt que des règles contraignantes. L’intention est de mobiliser du capital et des entrepreneurs afin de favoriser le développement durable.
L’objectif final est de faire évoluer les mesures de l’UE vers une norme internationale indiquant comment les pouvoirs publics peuvent répondre au dynamisme du secteur privé. « Les parties prenantes devraient considérer le tsunami législatif comme un instrument positif et utile, plutôt que comme un fardeau réglementaire », conclut Martin Spolc.