Par le biais d’une lettre de mise en demeure, la Commission européenne a demandé à la Belgique d’aligner sur le droit de l’Union ses règles en matière d’exonération des revenus des dépôts d’épargne (voir ici). La Commission fait valoir que les critères à remplir par les dépôts pour bénéficier de l’exonération sont contraires à la libre circulation des services (article 56 du TFUE et article 36 de l’accord EEE). À cet égard, la Commission renvoie à la jurisprudence antérieure de la Cour de justice, à savoir l’arrêt Van der Weegen du 8 juin 2017. (C-580/15).
1. Exonération des revenus des dépôts d’épargne
En vertu de la législation belge (article 21, premier alinéa, 5° du CIR 92), les intérêts des comptes d’épargne réglementés sont exonérés de l’impôt sur le revenu des personnes physiques jusqu’à une certaine limite. Au-delà de cette limite, ils sont taxés à un taux favorable (15 % au lieu de 30 %). Bien qu’en principe, ce régime favorable s’applique également aux intérêts perçus sur les dépôts d’épargne étrangers, dans la pratique, l’exonération est systématiquement refusée. En effet, cette exonération ne s’applique que si les dépôts d’épargne répondent à certains critères. Par exemple, le dépôt d’épargne doit prévoir une structure de double rémunération, constituée d’un intérêt de base et d’une prime de fidélité.
Dans sa réponse à une question préjudicielle, la Cour de justice avait déjà considéré ces critères comme contraires à l’article 56 du TFUE et à l’article 36 de l’accord EEE il y a quelques années dans l’arrêt Van der Weegen (C-580/15). La Cour avait jugé que l’imposition d’une structure de double rémunération semble être ‘propre’ au marché bancaire belge, ce qui pourrait constituer une entrave à la libre circulation des services. L’évaluation in concreto d’un éventuel obstacle au droit de l’Union avait toutefois été laissée aux tribunaux nationaux.
Le tribunal national in casu (Flandre occidentale (section de Bruges) 8 janvier 2019 - confirmé par la Cour d’appel de Gand le 17 mars 2020), ainsi que la jurisprudence qui s’en est suivie, a jugé, conformément à l’arrêt de la Cour de justice, que la réglementation belge était contraire au droit de l’Union, de sorte que l’exonération devait également s’appliquer aux comptes d’épargne étrangers.
Cependant, la législation n’a pas été modifiée à ce jour. L’administration belge ne se conforme pas non plus à cette jurisprudence (voir par exemple circulaire n° 2020/C33 du 21 février 2020) et s’avère maintenant avoir porté l’affaire devant la Cour de cassation (voir ici). En fonction de la portée du pourvoi en cassation, une nouvelle question préjudicielle peut être soumise à la Cour de justice.
2. Procédure d’infraction
Outre le contentieux évoqué plus haut, la Commission européenne a donc décidé, le 30 octobre 2020, d’engager une procédure d’infraction. La lettre de mise en demeure constitue le point de départ de cette procédure. La Belgique a maintenant deux mois pour répondre à la violation présumée du droit de l’Union. En fonction de cette réponse, la Commission européenne peut soit retirer son recours, soit adresser un avis motivé. Un avis motivé précise en détail l’infraction au droit de l’Union et les mesures à prendre dans un certain délai pour y mettre fin. Si l’avis n’est pas suivi par l’État membre, la Commission européenne peut porter l’affaire devant la Cour de justice.
Il reste à voir si la Belgique sera en mesure de fournir à la Commission européenne une réponse adéquate à la violation présumée du droit communautaire, ou si elle alignera directement l’exonération des dépôts d’épargne sur le droit de l’Union. Compte tenu des précédentes condamnations de la Belgique par la Cour de justice, il semble peu probable que la Commission européenne se contente de retirer son recours, de sorte que cette voie procédurale pourrait éventuellement mettre un terme à la violation continue du droit de l’Union.