La performance relative des marchés émergents par rapport aux marchés développés est cyclique. Actuellement, nous nous trouvons dans un cycle baissier. Aujourd’hui, presque tout le monde est négatif, mais surtout en Chine, il existe des entreprises affichant d’énormes flux de trésorerie qui sont très innovantes et offrent des opportunités pour un gestionnaire actif.
C’est ce que déclare Gino Delaere (photo), spécialiste des marchés émergents et gestionnaire de fonds chez Econopolis, depuis Singapour, où il vit et travaille depuis des années. Il se montre ainsi beaucoup plus positif que Jan Longeval, qui s’est exprimé hier et opte pour une pondération neutre, tout au plus, des marchés émergents dans un portefeuille diversifié.
« Lorsqu’on examine la performance relative des marchés émergents par rapport aux marchés développés, on constate clairement qu’elle évolue en cycles haussiers et baissiers. Le cycle haussier le plus récent a commencé après l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Il n’y avait pas de fin et the sky was de limit.
Les marchés émergents affichaient alors des performances bien meilleures que celles des marchés développés – jusqu’en 2010-2011 environ. À ce moment-là, le marché avait extrapolé tout le positif des dernières années à l’infini, pour ainsi dire. Conséquence, les valorisations n’étaient plus bon marché et on renforçait les capacités comme si la plupart des marchés émergents allaient continuer à ce rythme effréné. Bien sûr, c’était le sommet (relatif), parce qu’à l’époque, tout le monde était positif ! »
Delaere souligne qu’aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation totalement différente. En effet, quasiment tout le monde est négatif et nous observons presque exactement l’inverse, ce qui n’est pas illogique en termes de sentiment après une dizaine d’années de sous-performance relative.
La faible allocation actuelle des gestionnaires mondiaux aux marchés émergents illustre ce sentiment. Il affirme également que les niveaux de valorisation sont devenus beaucoup moins élevés, mais que, comme souvent après une période de sous-performance, l’intérêt est faible.
« Il ne faut pas oublier qu’à des niveaux de valorisation beaucoup plus élevés, il y avait beaucoup d’intérêt, alors qu’à des niveaux de valorisation plus bas, il y en a moins. Pour arriver à une valorisation plus basse et à un plancher définitif, il faut une mauvaise nouvelle. C’est certainement le cas aujourd’hui avec l’incertitude réglementaire en Chine. Cependant, tout cela n’est pas vraiment inattendu. Le plus inattendu ou surprenant est la réaction du marché, car les mesures sont pleinement conformes aux objectifs politiques annoncés précédemment (notamment, une plus grande attention accordée aux inégalités, à l’environnement, etc.)
Pas exceptionnel
C’est toujours avant l’aube qu’il fait le plus sombre, mais Delaere souligne que ce à quoi nous assistons actuellement en Chine au niveau de l’indice n’est en rien exceptionnel.
« Il s’agit tout simplement de la volatilité de l’indice MSCI Chine. Des corrections de 35 à 40 % ne sont absolument pas aussi exceptionnelles qu’on le pense. Toutes les corrections n’ont pas été directement suivies d’une forte reprise, mais elles ont toujours constitué des opportunités d’achat pour l’investisseur qui regarde un peu au-delà de la fin de l’année. »
Investissement actif
Delaere est partisan de l’investissement actif sur ces marchés. En sélectionnant des actions, il est bien entendu possible de faire de bonnes affaires même dans ce cycle négatif.
« Anta Sports, par exemple, a été multipliée par 12 dans nos portefeuilles depuis que nous avons inclus l’action ; même de très grands noms comme TSMC ont bien performé. On peut donc toujours trouver des histoires individuelles intéressantes, mais il faut bien reconnaître qu’avec de nombreux vents contraires (dans le cycle relatif baissier), cela peut être assez difficile, c’est pourquoi nous avons jugé nécessaire d’avoir une présence locale permanente en Asie (notamment à Singapour) afin de pouvoir garder le doigt sur le pouls. Cela nous donne un avantage concurrentiel par rapport à d’autres gestionnaires d’actifs. Depuis la Belgique, il est beaucoup plus difficile d’entrer en contact avec le marché et les entreprises. »
Secteur de l’éducation
Enfin, le spécialiste fournit encore quelques explications concernant le secteur le plus touché en Chine, l’éducation. Il n’y est pas investi et n’en a pas l’intention, car ces modèles économiques vont effectivement être radicalement modifiés (contrairement à JD, Alibaba, Tencent, Baidu, etc., pour lesquelles l’impact final sur la croissance des bénéfices sera relativement limité).
« Ici, à Singapour, c’est également le cas : les enfants vont chez un tuteur pour suivre des cours supplémentaires avant même de commencer l’école, afin d’être en avance sur les autres élèves une fois que l’école commencera réellement. Ensuite, tout au long de l’enseignement primaire, il s’agit de réunir constamment de l’argent auprès de la famille (élargie) afin de pouvoir payer des cours du soir supplémentaires pour les enfants.
En effet, les parents craignent que s’ils ne le font pas alors que d’autres parents le font, leur propre enfant prenne du retard. Et seuls les meilleurs étudiants réussissent les examens très stricts qui leur assurent directement la sécurité de l’emploi dans des entreprises publiques, notamment, et un emploi garanti à vie, pour ainsi dire. »
Le gros inconvénient est que les enfants ne peuvent plus jamais vraiment être des ‘enfants’ et que la famille vit dans un stress permanent, car ces examens déterminent d’emblée les perspectives d’avenir de l’enfant. Cela coûte beaucoup d’argent et constitue donc une lourde charge pour la famille.
Delaere : « Ceux qui veulent deux ou trois enfants n’en ont généralement pas les moyens aujourd’hui. C’est pourquoi l’abolition de la politique de l’enfant unique n’allait vraisemblablement pas avoir un impact trop important, un énorme problème à long terme pour la Chine.
Il était donc important de supprimer ce stress et ces soucis d’argent afin que les gens aient à nouveau plus d’un enfant. C’est donc ce qui a ainsi été mis en place.
En fait, il s’agit d’une très bonne mesure pour les personnes, les familles, les enfants et la société en général, même si, pour l’instant, elle n’a pas directement trouvé d’écho dans la presse grand public.
Même à ces niveaux inférieurs, nous ne sommes pas intéressés par les entreprises d’éducation chinoises car, comme je l’ai déjà indiqué, ce secteur est en train de changer radicalement au profit du consommateur, et au détriment des entreprises qui offraient cette éducation complémentaire », conclut Delaere.