Le congrès annuel BZB-Fedafin a également offert le temps et l’espace nécessaires pour organiser une table ronde sur le secteur des assurances. Les quatre protagonistes autour de la table de discussion, et non des moindres, étaient Dorsan van Hecke, CEO d’Athora Belgium, Michel Lüttens, membre du comité de direction du Groupe P&V, Heidi Delobelle, CEO d’AG Insurance et Hein Lannoy, CEO d’Assuralia. Pendant une demi-heure, ils ont dévoilé leurs cartes (digitales) sur la base des questions de Bjorn Cumps, professeur à la Vlerick Business School.
La numérisation est un atout
Ces dernières années, la numérisation a fait sa percée dans le secteur et la question est de savoir où doit se situer l’équilibre entre physique et online. Pour Hein Lannoy, le contact physique restera toujours présent, surtout lorsque les personnes sont victimes d’un sinistre, comme ce fut le cas lors des inondations en Wallonie. Il souligne cependant que la numérisation est irréversible et qu’elle prendra de plus en plus d’importance dans le monde des assurances. « Pour les courtiers et les intermédiaires, il n’y a pas de retour en arrière possible, c’est pourquoi ils feraient mieux de l’adopter. »
L’avantage, c’est qu’ils disposent des données et informations nécessaires pour s’engager sur cette voie numérique. » Michel Lüttens acquiesce, affirmant que la numérisation renforce le pouvoir des intermédiaires et augmente leur valeur ajoutée. « Le plus grand défi pour notre secteur aujourd’hui est de savoir comment apporter un contenu de qualité aux clients et augmenter sa fréquence. Les clients indiquent d’ailleurs clairement qu’ils attendent cette proactivité. »
Dorsan van Hecke est d’avis que chaque intermédiaire doit pouvoir décider lui-même où se trouve le juste milieu entre numérisation et contact physique. Heidi Delobelle va même plus loin en soulignant que cela doit s’inscrire dans la stratégie de distribution car chez AG, la distribution se fait aussi bien via les courtiers que via la banque. « Nous constatons que la numérisation se présente différemment selon qu’il s’agit du soutien de la banque ou d’un courtier, car les processus sont différents, par exemple dans l’utilisation des outils de simulation. Et tandis que la relation était autrefois plutôt linéaire, il s’agit aujourd’hui davantage d’une relation triangulaire entre la compagnie, le courtier et l’assuré. Et compte tenu de la numérisation, il est important que les données soient partagées entre les différentes parties. »
Donner au client une position centrale dans un environnement de plus en plus réglementé
Selon Heidi Delobelle, chacun se consacre aujourd’hui à l’expérience client. « Dans le passé, nous partions des produits, qui devaient répondre aux besoins du client. Aujourd’hui, nous sommes en pleine transition afin d’améliorer l’expérience client. Il est important pour chacun de garder le client satisfait. En effet, la seule chose que le client puisse faire, c’est partir. » Selon Dorsan van Hecke, pousser les produits appartient au passé. « La raison pour laquelle nous sommes tous ici, c’est qu’à un moment donné, le client nous donne sa confiance.
Et si vous n’y travaillez pas, à un certain moment, vous perdrez votre activité. C’est une vision très limitée et nous le ressentons également dans notre canal de distribution. » Le CEO d’Athora Belgium ajoute qu’aujourd’hui, la vision est entièrement axée sur la manière d’établir et de maintenir une relation avec les clients. « C’est là que situe la plus grande partie de la valeur ajoutée et que se fait la différence. Des mesures doivent être prises afin de pérenniser la relation avec le client à long terme en standardisant les données et en examinant ensemble les processus afin qu’il soit plus facile pour le courtier indépendant d’offrir une vue d’ensemble efficace et efficiente au client. »
Réglementation
La réglementation a également été abordée lors de la table ronde. Hein Lannoy a indiqué d’emblée que compte tenu de la réglementation européenne, les assureurs n’ont pas d’autre choix que de donner à leurs clients une position centrale. « Et c’est ce qui me manque un peu dans la charte présentée par BZB-Fedafin pour le secteur. En matière de rémunération, il faut toujours veiller à ne pas créer de conflit d’intérêts entre différents produits. » Delobelle souligne quant à elle que la réglementation plus stricte a imposé à chacun des tâches supplémentaires.
« Nous essayons d’automatiser un maximum de choses grâce à la numérisation. Le courtier dispose ainsi de plus de temps pour créer de la valeur ajoutée, c’est-à-dire pour mieux connaître le client et lui donner des conseils plus personnalisés. » Van Hecke acquiesce et indique qu’au sein des agences, la charge opérationnelle augmente. « Mais dans le même temps, l’élasticité des coûts du client diminue, ce qui signifie que vous ne pouvez pas tout simplement répercuter ces coûts, c’est pourquoi nous faisons tout notre possible pour réduire les coûts lors de la mise en œuvre de la réglementation. Cela doit rester viable pour tous, sans quoi au bout du compte, c’est le client qui paie.
Nous ne pouvons pas consacrer plus de temps à l’exécution de tâches opérationnelles qu’à l’examen des besoins et exigences du client. » Lüttens tient également à ajouter qu’en raison de la réglementation supplémentaire, la gestion des agences est devenue beaucoup plus efficace qu’il y a quelques années. « L’augmentation d’échelle a également permis une meilleure organisation et une efficacité accrue. » Lannoy acquiesce et insiste sur le fait qu’il n’y a qu’une seule réponse à cette question, à savoir une efficacité accrue.
Open insurance
Le professeur Cumps veut également parler de l’open insurance, l’assurance ouverte qui, au sens large, facilite l’échange de données et d’informations, ouvrant ainsi davantage de possibilités au secteur. Heidi Delobelle souligne qu’AG Insurance se consacre résolument au beyond insurance, ainsi qu’elle le décrit elle-même. « Le courtier est d’ailleurs idéalement placé pour commercialiser de nouveaux produits, axés par exemple sur les soins de santé. Et il pourra aussi améliorer la relation avec le client et la rendre plus généreuse. »
Michel Lüttens fait remarquer que ce ne sera pas facile car, contrairement aux banques, la fréquence des contacts est plus faible. « En tant qu’assureurs, pouvons-nous aspirer à un open banking model ? Je ne pense pas, il faut être réaliste. Au sein du Groupe P&V, nous devons partir de ce qui fait notre force : les solutions d’assurance, mais aussi l’assistance. C’est pourquoi je préfère parler d’insurance as part of a platform avec des courtiers qui amènent les clients sur la plateforme et peuvent tenir compte d’aspects locaux. » Delobelle est d’accord et pense que lorsqu’on s’éloigne trop du cœur de métier, on ne peut plus être crédible en tant qu’assureur.
Van Hecke souligne quant à lui que la construction d’un tel portail nécessitera de lourds investissements. « Nous allons essayer de nous rationaliser au maximum afin de faire face à l’afflux de données et d’être ainsi en mesure d’assembler les différentes pièces du puzzle, car c’est bien de cela qu’il s’agit au bout du compte. » Hein Lannoy, pour sa part, voit des opportunités pour les agences de courtage à faire ‘leur propre truc’ dans l’open insurance. « Pour ce faire, il faut bien sûr avoir une certaine taille afin de pouvoir supporter tous ces coûts de développement. On constate que cela se produit déjà à l’étranger, c’est pourquoi je suppose qu’il en ira de même en Belgique. » Delobelle répond en déclarant qu’aujourd’hui, il y a clairement une tendance chez les courtiers à aller vers des agences plus grandes, mais que cela ne se produit pas à la même vitesse que chez les banques. Dorsan van Hecke va même encore plus loin et affirme que l’attentisme est la pire chose qui puisse leur arriver en tant que secteur.
Agences
« Lorsque j’entre dans une agence, je vois en fait des entrepreneurs qui ont envie de développer leur stratégie. Ceux qui se demandent comment ils peuvent se développer davantage sont beaucoup plus constructifs que ceux qui pensent uniquement à la manière de protéger et préserver leur activité existante. » Pour Lüttens, l’immobilisme n’est pas une option, sans quoi des acteurs étrangers viendront leur couper l’herbe sous le pied. « Des structures plus grandes apparaîtront, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il y aura moins d’agences. Je vois trois forces motrices pour cette évolution : l’efficacité, la spécialisation et l’importance d’être présent localement pour le client afin d’augmenter la disponibilité. »
Principaux défis
Le professeur Cumps conclut en résumant les principaux défis auxquels sont confrontés les courtiers, soulignés par ses quatre panélistes. « Ne sous-estimez pas l’importance de l’expertise et de la vision stratégique et optez pour les bons partenaires. Sachez où se trouve votre valeur ajoutée et concentrez-vous là-dessus. Soyez proactif, réfléchissez à la manière dont vous pouvez réussir et développez encore davantage la relation de confiance avec le client. »