Les crédits privés sont populaires auprès des investisseurs à la recherche de plus de rendement. Mais leur progression s’est transformée en prolifération, et les prêteurs semblent semblent se contenter de moins en moins de garanties. « Si quelque chose doit nous inquiéter pour les deux ou trois ans à venir, c’est bien cela. »
C’est l’avertissement donné par Anton Pil, managing partner de JP Morgan Global Alternatives, lors d’un grand événement médiatique organisé cette semaine à Londres par le gestionnaire d’actifs.
Pil indique que le marché des crédits privés – des prêts qui, à l’inverse des obligations par exemple, ne sont pas négociés sur un marché public – a pris une ampleur de plus de 1 000 milliards de dollars. Ces prêts peuvent servir toutes sortes de fins. Il peut s’agir de prêts hypothécaires, à des PME, mais aussi, par exemple, pour couvrir les coûts d’un procès.
Un marché parallèle
Les crédits privés peuvent offrir des rendements de 7 à 15 pour cent, ce qui est évidemment bienvenu dans un monde où certains prêts n’offrent que des intérêts négatifs. Mais attention, avertit Pil : « Ce segment a longtemps été dominé par les banques. Il est à présent aux mains d’entités privées que personne ne surveille. C’est un véritable marché parallèle. »
Selon Pil, le gros de ces prêts se fait avec un faible protocole d’accord, voire pas de protocole du tout. Qu’est-ce que cela signifie ? Pil : « Un protocole d’accord fixe que la partie adverse ne liquidera pas d’éléments sans en discuter préalablement avec le prêteur. En 2007, nous nous sommes fait du souci car un quart de ce marché ne fonctionnait qu’avec de faibles protocoles. Aujourd’hui, la proportion est de près de 80 %. »
Les crédits privés font partie d’un groupe d’instruments d’investissement classé comme « alternatifs ». Il s’agit d’un concept large incluant des stratégies qui évoluent assez indépendamment des marchés d’actions et obligations conventionnels. Outre les crédits privés, le capital privé, l’immobilier, les fonds spéculatifs et l’infrastructure relèvent de cette catégorie.
Des alternatives de croissance
À présent que les actions sont devenues chères et que les obligations n’offrent presque aucun rendement, il est parfaitement logique que ces formes alternatives d’investissements aient le vent en poupe. Le marché des « alternatives » s’est développé pour passer de 6 900 milliards de dollars en 2012 à 10 400 milliards de dollars en 2017, et il est attendu que cette croissance se poursuive pour atteindre 17 000 milliards de dollars en 2022, selon les chiffres présentés par Pil.
« La croissance a longtemps été due aux investisseurs institutionnels », explique-t-il, « mais, ces derniers temps, de plus en plus d’investisseurs particuliers intègrent ce segment. »
Outre les crédits privés, Pil met en évidence deux autres « alternatives ». Tout d’abord, les fonds spéculatifs qui, selon lui, font leur retour. « Ils étaient tombés en disgrâce pendant quelques années, mais nous constatons désormais une nouvelle demande de la part d’investisseurs. »
Selon Pil, le secteur des fonds spéculatifs s’est amélioré : les plus faibles ont disparu, les rendements sont de nouveau attrayants et les commissions de gestion sont en baisse.
Pil estime également que l’immobilier commercial mérite que l’on s’y attarde car il peut constituer un bon investissement en ces temps de tensions inflationnistes croissantes. « Nous avons 800 bâtiments aux États‑Unis et 50 projets de développement en cours. Notre principal problème est que nous ne parvenons pas à trouver assez de personnel, ce qui signifie que les salaires augmentent, construire coûte donc plus cher, et le propriétaire qui possède déjà un bâtiment s’en trouve protégé. »