Dans ses perspectives, Kempen Capital Management a cité le ‘big government’ en tant que facteur déterminant pour les rendements de différentes classes d’actifs. Dans un scénario de base, les stratèges de Kempen s’attendent à ce que la répression financière maintienne les taux d’intérêt en dessous de la croissance nominale sur toute la courbe des taux d’intérêt. On ne table cependant pas sur une inflation galopante, déclarent les stratèges Lars Dijkstra et Joost van Leenders.
Afin d’étayer ses hypothèses, Kempen se pose quatre questions importantes. L’influence du gouvernement sera-t-elle permanente ? L’inflation va-t-elle vraiment augmenter ou non ? La COVID-19 va-t-elle conduire à une démondialisation structurelle ? Et enfin, la transition climatique sera-t-elle accélérée ou influencée par la pandémie ?
Dijkstra : « La situation initiale a changé de façon spectaculaire, en raison de l’importance de la dette publique. Il a fallu une pandémie pour comprendre que les politiciens doivent agir. En raison des taux d’intérêt extrêmement bas, les gouvernements peuvent investir. Deuxièmement, les développements climatiques s’intensifient. Surtout en Europe, ces dépenses seront structurelles dans les années à venir. À notre avis, la faible croissance de la productivité sera compensée par une augmentation des dépenses relatives au climat. Et quatrièmement, il n’y aura pas de croissance plus élevée, mais davantage d’inflation et des bénéfices plus faibles en raison du ‘big government’.
Scénario central
Dijkstra : « Le ‘big government’ est une caractéristique de notre scénario central. Nous nous attendons à une faible croissance en raison de la démographie et de la faible croissance de la productivité. Nous tablons également sur une inflation limitée en raison des importants écarts de production, ainsi qu’à une faible croissance de la productivité en raison des dépenses R&D limitées et du frein à la mondialisation. Les entreprises aspirent à une diversification dans la chaîne d’approvisionnement, mais la production mondiale reste la norme. À notre avis, l’intervention gouvernementale rediminuera après la crise du coronavirus. Dans l’intervalle, la répression financière maintient les taux d’intérêt en dessous de la croissance nominale.
Rendements attendus à long terme
Pour les principales classes d’actifs, Kempen a revu ses perspectives à long terme à la baisse par rapport à l’année dernière. Il s’agit en l’occurrence des rendements annuels attendus pour les cinq à dix prochaines années. Dijkstra : « Le changement le plus important se situe aux États-Unis, où les taux d’intérêt ont fortement baissé. Les actions américaines se sont beaucoup mieux comportées grâce à ce faible taux d’actualisation, c’est pourquoi les rendements attendus y ont également diminué. Nous n’avons pas tellement ajusté nos autres hypothèses. Sur les actions européennes, on peut encore arriver à un rendement attendu de 6 %, et les actions de valeur se rapprochent même de 8 %. Il y a donc encore une prime de risque à saisir de ce côté-là. Enfin, dans le passé, les taux d’intérêt réels négatifs, et en particulier les taux d’intérêt à court terme, ont toujours été un facteur de hausse des prix de l’or. »
Distressed debt
Dijkstra et son équipe voient également un grand potentiel dans la distressed debt, qui peut se comporter favorablement dans ce cycle. « Les petites capitalisations sont également intéressantes à long terme. Toutefois, la grande question pour les investisseurs est de savoir comment constituer un portefeuille pérenne. En effet, ils doivent tenir compte de rendements relativement faibles et donc, adapter leurs objectifs ou prendre davantage de risques. Les primes de risque sont normales et la prise de risque est donc récompensée. Les actions européennes de valeur sont particulièrement intéressantes, à condition que la reprise économique soit forte et que les taux d’intérêt augmentent.
Dovish
Van Leenders souligne que les banques centrales sont intervenues très rapidement. « Selon moi, la discussion portant sur ce que les banques centrales peuvent faire et sur le fait qu’elles touchent à leurs limites s’est tue. Il y a encore énormément de possibilités. Nous ne savons pas où se situe la limite. La banque centrale japonaise achète même directement des actions. L’Average Inflation Targeting appliqué par la Fed est un véritable game changer. Ce n’est pas une révolution, mais une évolution. Le message est que la plupart des décideurs politiques ne s’attendent pas à ce que la Fed augmente les taux d’intérêt avant 2023. Cela crée une base sous la courbe des taux d’intérêt, et la situation n’est pas très différente en Europe non plus. Les États-Unis ne retrouveront pas leur ancien niveau économique de la fin de 2019 avant la fin de l’année prochaine, et il faudra encore plus de temps à l’Europe. »
Nouvelle histoire pour les actions
Van Leenders : « Nous sommes confrontés à une deuxième vague de contaminations, et les marchés s’inquiètent à ce sujet. Les gouvernements ne veulent pas de nouveaux lockdowns nationaux, et ce n’est d’ailleurs pas encore nécessaire. Les consommateurs peuvent cependant devenir plus prudents. Vous pouvez passer à une sorte de scénario de reprise en racine carrée ou revenir à un W. Les bénéfices attendus des entreprises sont actuellement au plus bas. Les bénéfices attendus pour 2021 pour les États-Unis auront entièrement récupéré par rapport à 2019 et seront même légèrement supérieurs. La question est bien sûr de savoir s’il est possible d’avoir une économie à 95 % avec 100 % de bénéfices. Il y a beaucoup de nouvelles positives dans les cours. En attendant, il existe toujours des risques importants, tels qu’un Brexit dur et les élections aux États-Unis. Nous devrons donc écrire une nouvelle histoire pour les actions. »