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Les fonds à haut rendement font souvent face à des problèmes de liquidité en cas de cessions massives. Les investisseurs axés sur le haut rendement doivent-ils pour autant s’inquiéter ?

Une enquête de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) montre que quatre fonds à haut rendement sur dix manquent de liquidité si, en une semaine, ils doivent faire face à des sorties représentant 5 à 10 % de l’actif sous gestion. En effet, les fonds d’obligations à haut rendement ont en général assez peu d’emprunts liquides en portefeuille. « En moyenne, 13 % seulement des obligations détenues par les fonds à haut rendement peuvent être qualifiées de très liquides – contre 40 % environ pour ceux ciblant la dette émergente », explique un porte-parole de l’AEMF.

Les fonds à haut rendement sont donc très sensibles aux dégagements. « Beaucoup de ces titres sont moins liquides. Si les investisseurs retirent soudainement 5 ou 6 % des actifs, la baisse du prix sur le marché est encore accentuée par l’absence de liquidité et la vente forcée des obligations », explique Andrew Wilmont, gérant du fonds Pictet European High Yield.

Or, une sortie de 5 à 10 % de l’actif du fonds, hypothèse adoptée par le test de résistance de l’autorité européenne, n’est pas un scénario exceptionnel. Andrew Wilmont confirme : « Ce scénario s’est produit fin 2018. Du fait de cessions massives, le cours des obligations à haut rendement a baissé en moyenne de 3,5 %. »

« Si les tensions se multiplient, la liquidité devient forcément limitée », reconnaît aussi David Forgash, responsable du haut rendement européen chez Pimco. « Mais j’ai été surpris d’apprendre que 40 % des fonds à haut rendement rencontrent des problèmes pour des cessions de 5 à 10 % de l’actif du fonds. »

Dans un marché où la part des obligations assez illiquides est aussi élevée, le danger est réel. « Dans des circonstances de marché normales, beaucoup d’obligations à haut rendement, surtout dans le segment le moins bien noté, sont peu échangées. Dans un contexte de tensions, le peu de liquidité qui existe habituellement disparaît vite », alerte Adam Darling, gérant du fonds Jupiter Global High Yield Short Duration Bond.

Tests de résistance

Pour les gérants de fonds à haut rendement, il est donc extrêmement important de bien se préparer au manque de liquidité. « Nous avons des procédures spéciales pour ne pas tomber dans les 40 % de fonds épinglés par le test de l’AEMF. Pour chaque fonds géré, nous menons régulièrement des tests de résistance et simulons des sorties importantes », explique-t-il.

Pimco évalue aussi régulièrement la trésorerie nécessaire pour éviter un choc de liquidité dans certains scénarios. David Forgash explique : « Nous le faisons sur la base des données historiques, mais aussi de manière prédictive. Nous simulons par exemple l’impact de plusieurs issues du Brexit, ou alors d’un décrochage ou d’une envolée des cours pétroliers. »

Un scénario que Pimco n’avait probablement pas testé était le départ soudain de son gérant phare, Bill Gross, en 2014, qui a entraîné dans son sillage des milliards de dollars - des sorties qui avaient concerné tous les fonds de la maison. « Malgré ces dégagements massifs, nous n’avons dû fermer aucun fonds », nuance David Forgash.

L’importance de la trésorerie

La manière la plus sûre de limiter le risque de liquidité consiste à détenir suffisamment de trésorerie. Chez Pimco, le montant des liquidités nécessaires est déterminé par une équipe spéciale de gestion des risques : « Si le portefeuille comporte une part assez importante d’obligations illiquides, c’est cette équipe, et non le gérant de fonds, qui décide d’augmenter ces liquidités. »

En général, plus les liquidités augmentent, plus le bêta baisse, ce qui nuit souvent à la performance. Mais David Forgash a la parade : « Nous augmentons le bêta en ayant recours à des swaps sur rendement total . »

Mais la détention de trésorerie et les swaps de rendement total ont aussi un « coût d’opportunité » et limitent l’allocation. En cas de sorties massives, des obligations doivent souvent être vendues. Et le cas échéant, il est confortable de pouvoir le faire. « Globalement, nous détenons des obligations de grandes entreprises, dont la pérennité n’est pas menacée. Il est plus facile de trouver un marché pour ces titres dans un contexte difficile », affirme Andrew Wilmont.

Stratégie « waterfall » ou « prorata »

En cas de dégagements massifs, son fonds peut, après avoir employé ses liquidités, vendre en premier lieu les obligations liquides. Il s’agit de l’approche « waterfall ». Si un fonds ne possède que peu d’obligations faciles à négocier, ou si un gérant préfère ne pas affecter le profil du portefeuille, il peut adopter l’approche « prorata » : des portions égales du portefeuille sont vendues.

Ici, des actions moins liquides doivent parfois être cédées, ce qui entraîne souvent des nettes baisses des cours. L’AEMF estime les pertes supplémentaires de ces effets secondaires à 27 points de base. Le « choc de rachat » pour les fonds obligataires à haut rendement peut atteindre 11 % au total en cas d’adoption de l’approche « prorata », contre 8,4 % pour l’approche « waterfall ».

Même si elle semble plus complexe, Pimco a tout de même opté sans hésiter pour l’approche « prorata ». « Nous voulons préserver à tout moment la composition du portefeuille. Une fois nos liquidités épuisées, nous optons donc pour une cession au prorata », explique David Forgash. Selon lui, Pimco peut se le permettre grâce à l’accent mis sur la conservation des liquidités. « Notre modèle d’activité vise à fournir des liquidités lorsque les autres ne le peuvent pas, et donc aussi à pouvoir vendre des obligations [dont le cours a nettement diminué] pendant un choc de liquidité. »

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