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Le spectre d’un mauvais appariement des liquidités hante les marchés et attise les incertitudes. Et pourtant, les investisseurs à long terme veulent accroître le risque de liquidité de leurs portefeuilles. 

Dans leur quête de rendement, de plus en plus d’investisseurs institutionnels décident d’augmenter le risque de crédit – un choix qui se justifie, estime Gerard Moerman, responsable des solutions d’investissement chez Aegon Asset Management. « Les fonds de pension et investisseurs institutionnels ont généralement des emprunts d’État, des obligations d’entreprises et éventuellement des obligations à haut rendement en portefeuille. Tout le monde a déjà relevé son risque de crédit. Mais vu la phase du cycle dans laquelle nous nous trouvons, l’on est en droit de douter de l’efficacité de cette stratégie. Il est plus intéressant d’apporter une diversification, soit d’autres sources de risques. C’est là que le risque de liquidité entre en jeu. » 

Le recours à des placements plus illiquides doit toutefois correspondre aux objectifs, à la propension au risque et surtout à l’horizon de placement de l’investisseur. Sur le long terme, ces placements sont souvent plus judicieux que l’on ne le pense. Une enquête d’Aegon AM montre ainsi que pour un fonds de pension type, il est raisonnable de conserver 30 à 40 % du portefeuille en placements illiquides.

Wouter Weijand, directeur des investissements chez Providence Capital, partage cet avis. L’évaporation des rendements l’a aussi incité à accroître le risque de liquidité pour ses clients fortunés, tout en évitant le risque de taux. Pour cela, le multi-family office opte pour des investissements à taux variable assortis d’un risque de crédit équivalent à celui des obligations à haut rendement. Une partie des portefeuilles est aussi investie dans la dette privée, qui se caractérise par des risques de crédit et de liquidité élevés, mais sert au mieux les intérêts de ses clients, dont le positionnement est surtout défensif. Et le caractère illiquide de ce type d’investissements est justement la source de rendement. 

Risque de liquidité

Selon lui, une part de 30 % d’investissements illiquides est raisonnable. « Nous tenons compte de l’ampleur du patrimoine, qui nous donne une bonne indication des délais dans lesquels le client pourrait avoir besoin de son argent. Plus le client est fortuné, plus cette période est longue et plus l’on peut opter pour des placements illiquides. En outre, nous tenons compte des préférences de risque des clients individuels et adaptons le contrat de gestion. Nous plaçons généralement entre 0 et 30 % du portefeuille dans des actifs illiquides – seules les fortunes supérieures à 50 millions d’euros atteignent ce plafond. »

Le marché est toutefois partagé sur le risque de liquidité. Les détracteurs évoquent ainsi la récente faillite de H2O et celle des fonds du britannique Neil Woodford, en juin, qui avait nécessité l’intervention du régulateur britannique ; pour eux, le risque de liquidité des portefeuilles est déjà trop élevé. 

Tests de résistance

Fin septembre, la Financial Conduct Authority a édicté de nouvelles règles de liquidité pour les fonds, afin de protéger les investisseurs qui possèdent des parts de fonds à capital variable investissant dans des actifs illiquides. L’AEMF, le régulateur européen, a aussi élaboré de nouvelles directives relatives aux tests de résistance pour les fonds d’investissement basés dans l’UE ; elles entreront en vigueur en septembre 2020. 

Pour Gerard Moerman, il s’agit d’une évolution logique. Mais selon lui, la prudence s’impose aussi vis-à-vis des catégories de placement liquides traditionnelles. « Ces actifs sont certes négociables, mais c’est au prix d’une volatilité accrue, comme en témoignent les fluctuations sur les marchés d’actions. » 

Et il n’est pas toujours facile de déterminer si une catégorie de placement est liquide ou illiquide. « Tout n’est pas blanc ou noir : le revenu fixe alternatif, par exemple, présente plusieurs nuances de gris. Un emprunt d’État allemand est très liquide, tandis qu’une obligation souveraine de Slovénie attirera beaucoup moins d’acheteurs, malgré la bonne note de solvabilité du pays. »

Le risque de liquidité est complexe à appréhender, car il se manifeste à plusieurs niveaux : celui du marché (soit la possibilité de vendre ou d’acheter des titres sur le marché) ou celui du portefeuille (soit la flexibilité permettant d’anticiper les flux entrants et sortants ou d’autres facteurs susceptibles de déséquilibrer un portefeuille). 

La liquidité de marché est déterminée par l’offre et la demande, avec l’aide des teneurs de marché. Mais la tâche de ces derniers est compliquée par les exigences de capital de plus en plus strictes. Comme l’explique Wouter Weijand, « jusqu’en 2017, les négociants pouvaient conserver de nombreuses positions, ce qui leur permettait de faire une offre attrayante, avec un effet positif sur les cours acheteurs et vendeurs. Vu les exigences de capital qui s’appliquent aujourd’hui aux banques et aux courtiers, les limites de position des négociants sont beaucoup plus strictes, ce qui restreint la liquidité de manière peu naturelle, et la fait même disparaître pour certaines catégories d’actifs où elle est censée être présente. »

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