Pierre Harkay
Pierre Harkay

« Activons les comptes dormants et orientons davantage d’acteurs non commerciaux vers les fonds d’impact. » Selon Pierre Harkay, CEO d’Impact Finance Belgium, il existe de nombreuses opportunités inexploitées pour diversifier le financement des fonds axés sur l’amélioration sociale.

Qu’il s’agisse de technologies agricoles durables ou de logements sociaux, l’investissement d’impact consiste à investir dans de nouveaux projets qui cherchent à résoudre un problème social ou environnemental concret et dont les résultats doivent être mesurables.

Étant donné que ces projets impliquent parfois de grandes incertitudes financières, la clé consiste à réduire le risque des placements des investisseurs institutionnels en faisant appel à d’autres types de capitaux, explique Pierre Harkay. Depuis la fin de l’année dernière, l’économiste dirige l’association Impact Finance Belgium (IFB), qui compte plus de 50 membres, dont des fonds privés, des banques, des fondations, des assureurs et des investisseurs publics.

Cette réduction des risques peut se faire par le biais de la blended finance, où diverses parties – telles que des fondations, des agences gouvernementales, des family offices et des investisseurs institutionnels – investissent ensemble, en assumant une partie du risque. L’objectif partagé est alors d’obtenir un « retour sur investissement » social en plus des rendements financiers.

Nouvelles sources de financement

De l’argent de la loterie aux fonds syndicaux en passant par les fonds souverains, il existe théoriquement toute une gamme d’options pour le financement complémentaire des fonds d’impact. « En tant que plateforme sectorielle, nous essayons de favoriser l’innovation financière sur le marché belge. Nos voisins sont beaucoup plus avancés dans ce domaine », explique M. Harkay.

Le patron de l’IFB fait référence à la Stichting Doen aux Pays-Bas, qui finance en moyenne 250 projets verts, sociaux ou créatifs et plus de 700 initiatives d’habitants chaque année. La Fondation reçoit 30 millions d’euros par an de la Postcode Loterij (23 millions d’euros) et de la Vriendenloterij (7 millions d’euros). Le soutien à ces centaines de projets passe par deux canaux : des subventions directes et des prêts rendus possibles par l’argent de la loterie, des investissements ou des prêts convertibles provenant du fonds de capital-risque Doen Participaties. Il s’agit d’un fonds renouvelable : tous les revenus provenant des intérêts, des dividendes et des sorties à chaque fois sont réinvestis dans des start-ups durables et sociales.

Un autre exemple international est le SDG Loan Fund, un fonds de plus d’un milliard de dollars qui aide les pays émergents à atteindre leurs objectifs de développement durable par le biais de prêts. L’argent provient d’investisseurs institutionnels, dont Allianz Global Investors, la banque de développement néerlandaise FMO, le groupe financier suédois Skandia et la MacArthur Foundation. La FMO prend en charge les pertes initiales et MacArthur fournit une garantie partiellement non couverte.

« La perception selon laquelle investir dans les marchés émergents comporte un risque accru – qui souvent ne reflète pas le niveau réel de risque – peut être décourageante pour les investisseurs institutionnels. Pour nous, la blended finance est un outil financier innovant qui permet d’accélérer l’allocation de ressources à ces domaines à plus grande échelle », a déclaré Allianz lors du lancement du fonds en 2023.

Comptes dormants

Impact Finance Belgium plaide également depuis un certain temps pour que les plus de 700 millions d’euros qui se trouvent sur des comptes dormants en Belgique – de l’argent bloqué auprès du gouvernement parce que le propriétaire ne s’est pas manifesté depuis des années – soient utilisés pour des investissements à impact. Il n’est pas nécessaire de le faire directement : les actifs dormants peuvent également être utilisés comme garantie.

Le Royaume-Uni montre la voie. Le principal investisseur d’impact Better Society Capital (BSC) a obtenu quelque 425 millions de livres sterling provenant de comptes bancaires dormants depuis sa création en 2011, complétés par 200 millions de livres sterling provenant de quatre banques, dont Barclays et HSBC

Le gouvernement britannique a décidé en juin d’activer 440 millions de livres sterling supplémentaires provenant de comptes dormants dans le cadre de la Dormant Assets Scheme Strategy. L’argent servira à financer des projets communautaires pour les jeunes, des associations caritatives locales et des prêts d’urgence pour les familles démunies en Angleterre. L’attribution des dotations se fait, entre autres, par l’intermédiaire des fonds de patrimoine des collectivités locales. De grands noms de la finance comme JP Morgan, Schroders et Aberdeen collaborent au projet.

L’épargne-pension avec impact

En France, depuis la loi Fabius de 2001, il existe un cadre juridique étendu pour les fonds dits 90/10 destinés à la constitution de retraites complémentaires, qui peuvent être consacrés jusqu’à 10 % à des investissements d’impact. Les Français appellent cela la finance solidaire. Les employeurs sont tenus de proposer à leurs salariés un fonds 90/10 comme option de retraite professionnelle.

« Cet exemple français peut nous inspirer pour faire quelque chose de similaire en Belgique, sans devoir obliger les assureurs ou les fonds de pension par le biais d’une loi. Le fait est qu’il existe de nombreuses possibilités de créer de nouveaux leviers pour l’investissement d’impact. Nos voisins le prouvent », explique M. Harkay.

L’ambition d’IFB reste d’augmenter la part de la finance d’impact en Belgique, de quelques points de pourcentage aujourd’hui à 10 % des actifs belges sous gestion d’ici 2030. 

Un autre chantier de l’organisation consiste à examiner les investissements à impact et les investissements durables de manière plus conjointe, car il existe de nombreux chevauchements dans la pratique. « Auparavant, les parcs éoliens étaient considérés comme des investissements d’impact alors qu’aujourd’hui, ils sont considérés comme des investissements durables », note Pierre Harkay.

« IFB reconnaît le rôle tout aussi important de l’investissement durable, en tant que stratégie complémentaire de l’investissement d’impact. Ces deux approches sont essentielles pour répondre aux besoins de financement de la transition sociale et environnementale, mais aussi pour renforcer l’indépendance géopolitique et la résilience de notre économie, des thèmes plus que jamais d’actualité », conclut-il.

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