Le célèbre investisseur Michael Burry a pris une position courte sur Tesla et table sur un environnement inflationniste dans les années à venir. Sa position est ainsi diamétralement opposée à celle de Cathie Wood, la ‘reine de la disruption’, qui ne s’attend pas à une inflation forte et durable, et continue de miser sur les entreprises disruptives à croissance hyper rapide.
Les faits sont désormais connus : les valeurs technologiques à croissance rapide, souvent à caractère disruptif, ont fortement chuté, ce qui est étroitement lié à la forte hausse des taux d’intérêt à long terme aux États-Unis. Les actions à croissance rapide sont des actifs dits ‘à duration longue’, et la recherche montre qu’elles sont presque trois fois plus sensibles aux variations des taux d’intérêt à long terme que les actions à croissance moins rapide.
La pandémie avait tellement gonflé les valorisations qu’elles étaient progressivement devenues euphoriques et exagérées. Ces valorisations gonflées sont maintenant corrigées.
Selon nous, la correction de ces actions à croissance rapide n’est pas tant imputable à la hausse (des attentes) de l’inflation aux États-Unis, qui est déjà supérieure à 4 %, qu’à une contraction multiple résultant de cette hausse des taux d’intérêt à long terme, ainsi qu’à une normalisation naturelle des valorisations après une hausse parabolique en 2020.
On peut le constater sur le graphique ci-dessous (provenant de l’investisseur hongkongais Puru Saxena). Certaines entreprises à croissance particulièrement rapide voient leurs multiples de valorisation (valeur future de l’entreprise par rapport au chiffre d’affaires) chuter brutalement.
À toutes fins utiles, nous ne considérons pas les méga-capitalisations technologiques américaines telles qu’Apple, Amazon, Alphabet et Microsoft comme des valeurs d’hyper-croissance. Dans le jargon des gestionnaires de fonds, nous pourrions plutôt les qualifier d’actions GARP (growth stocks at a reasonable price). Ces actions présentent également des caractéristiques de valeur.
En effet, les dernières semaines et les derniers mois ont montré qu’elles ont annoncé des résultats incroyablement solides.
La génération massive de flux de trésorerie leur permet d’acquérir des entreprises plus petites et de racheter leurs propres actions. Elles sont tellement présentes dans notre vie quotidienne qu’elles sont devenues pour ainsi dire des ‘services publics’.
Hypercroissance
Ci-dessous, on voit le célèbre ETF Innovation d’ARK Investment, qui a entamé une forte baisse et vient de rebondir sur la ligne de résistance de 50 % de Fibonacci, un indicateur technique clé. Il reste maintenant à voir comment cet indice va évoluer.
Cathie Wood versus Michael Burry
Si nous examinons les dix premières positions de l’ETF Innovation d’ARK Investments, nous voyons des entreprises comme Tesla, Teladoc, Roku, Square et Shopify.
Le point commun de toutes ces entreprises est qu’elles ont réalisé ces dernières années un énorme rendement pour leurs actionnaires. Wood a été l’un des premiers gestionnaires à exprimer des objectifs particulièrement ambitieux pour l’action Tesla. Cela lui avait valu les railleries de la communauté des investisseurs, mais elle a eu raison.
Ces entreprises peuvent être considérées comme des ‘compounders’ : elles misent fortement sur la croissance composée de leur chiffre d’affaires, ce qui leur permet pour ainsi dire d›‘acheter’ leurs futurs bénéfices. Amazon le fait également. À un moment donné, Amazon se négociait en 2016 à 150 fois les bénéfices. Les investisseurs qui cherchent à évaluer ces actions doivent donc regarder au-delà du ratio cours/bénéfice.
Mais aujourd’hui, la vision de Wood est concurrencée par un célèbre shorter, Michael Burry, qui, en 2008, avait parié avec succès contre le marché hypothécaire américain, qu’il jugeait frauduleux et malade, et qui a eu raison. L’histoire a été adaptée dans l’excellent film Le casse du siècle (‘The Big Short’).
Il est le fondateur de Scion Capital, un fonds spéculatif basé sur la valeur. Il a enregistré un rendement de 490 % entre novembre 2000 et juin 2008 (environ 25 % sur base annuelle), contre un rendement cumulé de -6,5 % pour le S&P sur la même période.
Tesla compte maintenant un shorter notoire de plus. Burry a en effet pris une position courte de 534 millions de dollars (800 100 actions) au premier trimestre 2021. En février, il déclarait déjà : « My last Big Short got bigger and Bigger and BIGGER. » Il a récemment lancé des attaques contre Tesla au sujet des droits d’émission inclus dans les chiffres.
Inflation
Wood a une vision macroéconomique selon laquelle la vague actuelle d’inflation sera temporaire. Dans un récent tweet, elle déclarait : « Notre confiance dans le marché haussier des actions et la place de l’innovation a augmenté alors que les craintes d’une #inflation à long terme - qui, selon nous, s’avéreront infondées - se sont intensifiées. Nous voyons évoluer trois puissantes sources de #déflation : la bonne déflation, la mauvaise déflation et la déflation cyclique. »
Sur ce plan également, la position de Burry est diamétralement opposée. Il a en effet acheté des positions courtes sur des obligations d’État américaines à long terme. Il s’attend à une hausse des taux d’intérêt à long terme ainsi qu’à une augmentation de l’inflation.
Fait particulièrement remarquable, il voit de la valeur dans les mégacapitalisations technologiques telles qu’Alphabet et Facebook, sur lesquelles il a acheté des options d’achat. Ces entreprises ont un fort pouvoir de fixation des prix.
Conclusion
Burry ne doit pas être sous-estimé, car sa vision est particulièrement bien étayée. Mais d’un autre côté, Cathie Wood a également effectué une analyse particulièrement solide des entreprises technologiques disruptives de son portefeuille.
Beaucoup dépendra de la situation macro-économique que nous connaîtrons. Si nous nous retrouvons un environnement désinflationniste, les entreprises de Wood rebondiront fortement. Les pressions inflationnistes seront par contre favorables à Burry. Le jury n’a pas encore délibéré…