Le Conseil européen a bloqué la nouvelle directive européenne imposant la responsabilité sociale des entreprises aux grandes entreprises. La semaine dernière, l’Allemagne, l’Italie et la France ont retiré leur soutien à la proposition qu’elles avaient pourtant approuvée en décembre.
La directive Corporate Sustainability Due Diligence (CSDDD) a vocation à responsabiliser davantage les entreprises dans la maîtrise des risques ESG tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. La directive est une initiative du Parlement européen (PE), et le texte a fait l’objet de plus de deux ans de négociations avec la Commission européenne et le Conseil européen. Ce « trilogue » s’est conclu en décembre 2023 par un résultat convenant entre autres que le secteur financier serait exclu de la portée de la directive.
Le Conseil européen a toutefois décidé de bloquer l’adoption formelle du résultat des négociations. Lors d’une conférence de presse mercredi soir, Lara Wolters (photo), eurodéputée néerlandaise qui a mené les négociations au nom du PE, a qualifié ce revirement de « scandale » et a fait état d’un « mépris flagrant » pour le Parlement européen ainsi que de « chaos au sein du Conseil ».
Trois grands pays, l’Allemagne, l’Italie et la France, ont retiré au dernier moment leur soutien à la proposition. En Allemagne, c’est le désaccord régnant au sein de la coalition qui a conduit à cette décision. Concernant la France et l’Italie, Lara Wolters a indiqué mercredi : « Manifestement, les entreprises ont une influence sur les dirigeants politiques. » Il semblerait que la France souhaite relever le seuil d’applicabilité de la CSDDD aux entreprises de 5 000 collaborateurs ou plus. Selon Lara Wolters, il s’agit là de « manœuvres politiques » qu’elle qualifie de « profondément inquiétantes ». « La crédibilité de l’ensemble du processus de négociation européen est en jeu, avertit-elle. Avant, les négociations se concluaient par une poignée de main, et le reste n’était plus qu’une formalité ; aujourd’hui, les dirigeants politiques peuvent tout simplement faire fi des accords précédemment pris en leur nom. »
Pour l’heure, on ignore si la CSDDD est définitivement abandonnée. Les élections européennes se tiendront en juin, et il arrive fréquemment qu’une nouvelle législation soit finalisée quelques mois avant l’intronisation d’un nouveau parlement. La présidence belge aura néanmoins à gérer toutes sortes de tentatives de compromis avant que cette directive ne parvienne à ce stade. « Le problème actuel, c’est que des dirigeants font volte-face au dernier moment pour des raisons politiques », conclut Lara Wolters.