Guy Lerminiaux
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Guy Lerminiaux affirme qu’en temps de crise, il faut rester calme. Le débat entre valeur et croissance est inutile, et les compositeurs en particulier devraient être dans le portefeuille.

Depuis 1998, Guy Lerminiaux a pu inscrire à son palmarès une surperformance de 2 % après déduction des frais. « En 1998, nous avons lancé chez Petercam un fonds d’action Euroland destiné à apporter une réponse institutionnelle au fonds belge. Bon nombre d’investisseurs institutionnels recherchaient une solution plus européenne sur mesure. Depuis le début, la construction du portefeuille n’a finalement pas changé. Les gestionnaires de portefeuille et moi-même y avons veillé. Nous nous sommes toujours concentrés sur les entreprises à croissance qualitative, en mettant l’accent sur les midcaps susceptibles de devenir des leaders du marché. 

Nous avons toujours misé sur le stock picking en adoptant une vision résolument top-down qui tient également compte de grands thèmes. Nous connaissons aussi très bien nos entreprises et avons appris à ne pas nous défaire trop vite les gagnants afin de leur permettre de ‘se constituer’. Mais lorsque le business case changeait, par exemple en cas d’augmentation regrettable de capital ou de dégradation du bilan, nous vendions. C’est ce qu’il faut faire en cas de changement fondamental. Un portefeuille perd parfois son alpha en conservant trop longtemps de mauvais éléments. »

L’efficacité

Guy Lerminiaux estime que le marché européen a gagné en efficacité ces dernières années, mais il reste suffisamment d’occasions de créer un alpha : « Il faut pêcher dans un lac que vous connaissez bien. C’est ainsi que vous obtiendrez un alpha. Vous devez aussi avoir une conviction suffisante. Nous avons par exemple généré une bonne partie de notre rendement supplémentaire en investissant une grosse partie en dehors du benchmark. Notre active share, la part du portefeuille que nous investissons hors benchmark, représente toujours au moins 60 % et dans la pratique, plutôt 70 ou 80 %. Si vous pouvez trouver une action avec une capitalisation de marché d’environ 2 milliards d’euros et pensez que d’ici dix ans elle pourra figurer dans l’Eurostoxx 50, je pense que vous avez affaire à une gagnante potentielle. Tous les fonds passifs achèteront alors cette action. »

Garder la tête froide

Au cours de sa longue carrière, Guy Lerminiaux a connu de nombreux moments de tension, mais il a appris à garder son sang froid. « Lorsque la volatilité augmente, il faut rester serein. La plupart du temps, le marché est assez rationnel, mais tous les quatre ou six ans, on assiste en une fois à un grand moment de stress. Il faut alors éviter les bêtises et rester rationnel tant pendant les moments de fear que de greed. En pleine crise du coronavirus, nous avons ainsi décidé de ne pas réduire les actions, mais au contraire d’en acheter d’autres. Quand le sentiment est trop négatif, il faut oser acheter en plus, et quand il est trop positif, il faut oser réduire. Vivre de tels moments en direct, c’est autre chose que ce que l’on peut lire dans des ouvrages. La réaction des clients est plus frappante que ce qu’on peut lire. »

Débat value-growth

L’éternel débat entre value et growth qui sévit depuis plus de trente ans, à la suite de l’énorme surperformance de la croissance, est stérile et même insensé selon Guy Lerminiaux : « Il a peu de sens selon moi. Il faut considérer les choses ‘entreprise par entreprise’ et voir dans quel secteur se trouvent les gagnants et les perdants. 

Actuellement, il faudrait être fou pour investir dans le secteur aéroportuaire au cours des prochaines années, à l’exception de Ryanair peut-être, que nous avions en portefeuille. Certains secteurs vont selon nous créer peu de valeur dans les années à venir. Nous ne nous voyons ainsi pas non investir dans des banques ces deux prochaines années. 

La crise sanitaire a créé des occasions pour les entreprises dotées de caractéristiques de valeur, à condition qu’elles ne soient pas perturbées en permanence. Dans le secteur des matériaux et de la chimie, certaines entreprises vont ressusciter dès la fin de la crise sanitaire. »

Passif

Guy Lerminiaux encourage à investir de manière très passive, car cela crée des occasions pour les stock pickers actifs. « J’aspire à cela. Les investisseurs aiment avoir accès aux indices ou benchmarks. Le MSCI World est difficile à battre. Le problème réside toutefois dans le fait que certains composants reflètent le passé. S’ils sortent, ils ont déjà subi une lourde correction de valeur. Et ceux qui entrent sont chers. Je songe par exemple à Adyen, dans lequel nous investissons déjà depuis l’IPO. Je pense que sur le long terme, un bon stock picker l’emportera néanmoins sur un investisseur passif. »

Leçons

Le stock picker accorde enfin une attention toute particulière aux critères durables, notamment la corporate governance. « On peut se demander si la direction d’entreprises telles qu’Engie ou Volkswagen pense avant tout aux actionnaires. Les nominations politiques y sont légion. Il y a de nombreux éléments de gouvernance que l’on ne peut pas d’emblée quantifier, alors qu’ils ont primordiaux. Ce genre de problème se pose beaucoup moins dans les entreprises familiales. 

Guy Lerminiaux souligne également l’importance des compounders, ces actions d’entreprises qui à long terme peuvent réaliser une croissance à la composition très élevée et offrir ainsi un rendement total supérieur à leurs actionnaires. « Les compounders de ce type sont très importants dans un portefeuille, et on ne les trouve donc pas uniquement dans le secteur technologique. 
Exemple typique : ASML, que l’on trouve encore dans les portefeuilles Europe et Euroland. De telles actions peuvent faire la différence à long terme. »

Propre portefeuille

Guy Lerminiaux nous dévoile enfin son propre portefeuille : “Je resterai très actif avec les marchés maintenant que je me retire. J’ai même encore plus d’actions qu’avant en portefeuille car les obligations rapportent si peu. Je crois cependant en la diversification et ne constitue pas le profil typique, de par mon expérience. Je suis un investisseur buy and hold. Je pense que c’est la meilleure approche à long terme. »

 

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