De nombreux gestionnaires de fonds ont une opinion favorable vis-à-vis du Mexique en tant que pays d’investissement. La démondialisation, la démographie et la décarbonation offrent des perspectives structurellement favorables.
À plus court terme, l’évolution économique et politique des États-Unis reste extrêmement importante. Les élections nationales prochaines et l’agenda législatif pourraient également entraîner une certaine volatilité. Il convient donc d’opter pour une exposition graduelle, ou d’attendre une fenêtre d’entrée en 2024.
Les 3 D
De nombreux gestionnaires de fonds de marchés émergents sont surexposés aux actions du Mexique. Au sein des marchés émergents, le Mexique est, avec l’Inde et l’Indonésie, l’un des pays qui bénéficiera d’un certain nombre de tendances structurelles.
La démondialisation (D) et la délocalisation proche alimentent un optimisme croissant quant au potentiel de croissance économique. Depuis les années 1990, le Mexique s’est fermement engagé à développer sa propre capacité industrielle et ses exportations. Les exportations sont ainsi passées de 10 à 40 % du PIB. Les perspectives d’investissements directs étrangers des entreprises européennes et asiatiques s’améliorent également, du fait de la tendance à une plus grande « résilience » des chaînes d’approvisionnement, l’accent étant mis sur le « juste au cas où » plutôt que sur le « juste à temps ». Les entreprises américaines se tournent également vers le Mexique en raison de la pénurie de main-d’œuvre et des salaires plus élevés aux États-Unis.
La démographie (D) joue également en faveur du Mexique. La moitié de la population a moins de 30 ans, ce qui représente un énorme potentiel de consommation. Bien que le président Andrés Manuel López Obrador ait doublé le salaire minimum, le pays reste compétitif dans le contexte mondial.
Enfin, la tendance mondiale à la décarbonation (D) et au net zéro offre des possibilités d’investissements importants dans les énergies renouvelables au Mexique. Actuellement, les combustibles fossiles représentent 90 % de la consommation nationale d’énergie primaire contre, par exemple, 76 % en Allemagne et 50 % au Brésil. En d’autres termes, il y a encore beaucoup de marge pour réduire la dépendance aux énergies fossiles.
Malgré la hausse du dollar américain en 2023, le peso mexicain a remonté par rapport au billet vert, notamment du fait de la politique monétaire orthodoxe de la banque centrale.
L’année dernière, l’économie a connu une croissance solide de 3,3 %. En 2024, la croissance devrait être de 2,4 %, notamment en raison du ralentissement attendu dans le grand pays voisin, les États-Unis. Comme dans d’autres pays, l’inflation est passée d’un pic de 8,4 % à 4,9 % en janvier, ce qui n’est pas très éloigné de l’objectif de la banque centrale, à savoir 3 %, avec une marge de +/- 1 %. Les taux d’intérêt sont actuellement maintenus à 11,25 %, mais devraient tomber à 9,25 % d’ici la fin de l’année. Le déficit budgétaire de 3,3 % en 2023 devrait atteindre 5 % cette année en raison de l’augmentation des dépenses publiques avant l’élection présidentielle.
Risques
Le Mexique, malgré tous les développements stratégiques prometteurs, continue à dépendre de son voisin du Nord à court terme. Un ralentissement économique ou une récession aux États-Unis se traduira par une diminution des exportations et des rentrées d’argent pour les familles mexicaines.
La situation politique aux États-Unis est également cruciale pour l’avenir des relations commerciales. L’accord commercial entre le Mexique, les États-Unis et le Canada, signé en 2018 sous Donald Trump, sera à nouveau négocié en 2026. L’immigration clandestine et la contrebande d’opium en provenance du Mexique constituent une épine dans le pied des États-Unis et pourraient donc compromettre le renouvellement de l’accord.
Les récentes propositions de loi non conventionnelles de l’actuel président Andrès Manuel Lopez Obrador inquiètent également les investisseurs. Auparavant, il avait également annulé les principales réformes énergétiques de son prédécesseur en faveur du secteur pétrolier et gazier et de la distribution publique d’électricité « brune ».
Des élections présidentielles et parlementaires sont également prévues en juin de cette année. La candidate d’opposition qui a le plus de chance de battre le président sortant est Claudia Scheinbaum, du parti Morena. Elle est favorable à l’augmentation des sources renouvelables dans le bouquet énergétique et à des politiques plus pragmatiques et plus efficaces.
Qu’intègrent déjà les cours ?
Si l’on considère les scores Z moyens du ratio cours/bénéfice, du ratio cours/valeur comptable et du rendement des dividendes, le Mexique reste relativement bon marché et constitue même l’un des marchés les moins chers parmi les pays émergents. Il est vrai que le pays est devenu plus onéreux au cours des 12 derniers mois, à la fois en termes absolus et relatifs par rapport à d’autres marchés émergents.
Le peso mexicain est en ligne avec sa moyenne historique. La forte performance de la monnaie l’année dernière (+15 % par rapport au dollar américain) a fait que le peso est aujourd’hui environ 20 % plus cher que sa moyenne sur cinq ans. La monnaie pourrait être soumise à une certaine pression en raison des élections prochaines et d’une éventuelle baisse des taux de la banque centrale dans le courant de l’année.
Conclusion
Les perspectives à long terme sont positives pour le Mexique et ce pays mérite une place dans un portefeuille. Les élections nationales et américaines pourraient bien entraîner des tensions commerciales et donc une volatilité temporaire. L’érosion institutionnelle et le programme législatif inquiétant du Mexique préoccupent également les investisseurs. Toutefois, une plus grande clarté, à l’avenir, pourrait créer des opportunités favorables.
Après avoit travaillé 15 ans chez BlackRock, Stephan Desplancke a fondé Toward Wealth Management. Il écrit également des chroniques pour Investment Officer.