Toutes les deux semaines, Investment Officer s’entretient avec d’éminents professionnels du monde financier à propos de leur carrière, de leur vie et de leurs passions. Cette fois-ci, c’est l’analyste financier indépendant Gert De Mesure qui regarde dans Le Miroir.
Gert travaille en tant qu’analyste indépendant depuis 2004. Il est également analyste pour la Fédération flamande des investisseurs (VFB) et a déjà travaillé pour différents fonds d’investissement, sociétés de bourse, entreprises cotées en bourse et magazines d’investissement. Depuis début 2016, il est également membre du comité d’investissement de KeyPrivate, une formule d’investissement de Keytrade Bank. Il a commencé sa carrière en 1987 à la Générale de Banque de l’époque. Il a ensuite travaillé chez Fuji Bank, Delen Bank et Delta Lloyd Securities, où il est devenu Head of equity strategy. Il a également écrit deux livres sur les sociétés immobilières réglementées.
Self-made man
« Je suis l’enfant unique de parents indépendants. Ils m’ont donné tous les moyens nécessaires, mais j’ai dû me débrouiller seul. Ils tenaient une boulangerie et, en tant qu’étudiant universitaire, il y avait des jours où j’étais dans la boutique tôt le matin avant de passer mes examens. Je suis donc rapidement devenu self-made man et entrepreneur. Ces qualités m’ont été utiles pour la suite de ma carrière. »
Investir pour les parents
« Au milieu des années 80, quand j’avais 16 ou 17 ans, j’ai investi les excédents d’épargne de mes parents en euro-obligations en libellées en francs luxembourgeois et en devises étrangères. C’était aussi l’époque de la loi Cooreman-De Clercq, qui rendait l’investissement en actions fiscalement avantageux. Je me suis donc également mis à investir en actions pour mes parents, et c’est ainsi que tout a commencé. »
Trading
« Vers l’âge de 25 ans, je travaillais en tant que trader dans une banque japonaise et je négociais jusqu’à 200 millions de dollars par jour. C’était pour moi très spectaculaire. En tant que jeune gars, je me sentais puissant et cela a également élargi ma vision du monde. Cependant, j’ai senti après quelques années que quelque chose n’allait pas sur ce marché et que la rentabilité des banques japonaises était assez préoccupante. J’ai réalisé que je devais partir. Et je n’avais absolument pas l’intention de continuer à trader indéfiniment. En effet, une fois qu’on s’installe dans cette activité, il est difficile d’en sortir et les opportunités de croissance sont limitées. »
Ignoré
Mon expérience en tant que trader m’a aidé à obtenir un poste chez Delen Bank, où j’ai d’abord réalisé des analyses d’actions belges, puis d’actions internationales. Là-bas, je faisais réellement ce que j’aimais. De plus, Delen Bank connaissait une croissance significative, mais la structure de l’entreprise ne suivait pas toujours. Je me suis senti ignoré à plusieurs reprises, et c’est à ce moment-là que j’ai pris la décision de partir. »
Comme un voleur dans la nuit
Chez Delta Lloyd Securities, on m’a mis dehors comme un voleur, parce que la direction n’avait aucune idée de tout ce que je faisais. Je m’identifiais à mon travail et lorsque je l’ai perdu, j’ai directement senti un changement en moi. J’ai alors veillé à ce que mon licenciement soit publié dans les journaux, afin que tout le monde sache que j’étais à nouveau disponible. J’ai alors vraiment exprimé ma frustration, car je ressentais mon licenciement comme très injuste. »
Traînée de destruction
Générale de Banque, Fuji Bank, Delta Lloyd Securities : la plupart des institutions pour lesquelles j’ai travaillé n’existent plus. Je laisse derrière moi une traînée de destruction. »
Se lancer en tant qu’indépendant
« Après mon licenciement chez Delta Lloyd Securities, je n’avais pas de plan B. Heureusement, j’avais déjà accumulé quelques biens immobiliers, ce qui me permettait de disposer d’une certaine réserve financière. Très vite, j’ai été sollicité de toutes parts, y compris par la VFB, pour travailler en tant qu’indépendant. Les missions ont afflué et en un rien de temps, je travaillais sept jours sur sept. Ce n’était pas non plus le but recherché. La crise financière m’a cependant ‘aidé’ : en raison de la crise, le journal financier pour lequel j’écrivais a perdu de nombreux abonnés et la société de bourse pour laquelle je travaillais a également rencontré des difficultés. Au final, sur mes cinq clients, il ne m’en restait plus que deux, ce qui était en fait une bonne chose. J’avais gagné beaucoup d’argent au cours de la période précédente, mais je ne pouvais pas continuer à travailler avec la même intensité. »
Se mettre à nu dans les journaux
« Je ne vais pas me mettre à nu dans les journaux pour attirer l’attention. Je veille à y être présent, mais en apportant la valeur ajoutée de mes recherches. Et je suis prêt à aider quiconque me le demande, même si je n’en tire pas d’avantage immédiat. Si une association d’étudiants me demande de venir parler à Anvers ou à Gand, j’accepte. Et si un journaliste m’appelle, je l’aide également. C’est ainsi qu’on se retrouve naturellement sous les projecteurs. Tout le monde y gagne. »
Travailler pour un patron
« Il m’est devenu difficile de travailler pour un patron. Et ce n’est pas parce que j’ai un problème avec l’autorité ou que je veux seulement faire ce que je veux, car je suis capable de bien collaborer avec d’autres. Mais maintenant, je prends du plaisir dans tout ce que je fais et je veux que cela reste ainsi. »
Esprit de famille
« J’ai l’esprit de famille. Ma femme, ma fille et moi sommes presque constamment ensemble. J’entends beaucoup de gens de mon âge dire qu’ils vont ralentir pour passer davantage de temps avec leurs enfants. Mais d’ici là, leurs enfants auront leur propre vie ! C’est pourquoi j’ai toujours passé du temps avec ma fille, qui jouait au tennis à un haut niveau. Nous allions à tous les entraînements et à tous les tournois ensemble. Aujourd’hui, je peux donc dire que j’ai une très bonne relation avec ma fille. »
Trop économe
« L’argent est important. En vacances, un hôtel cinq étoiles est plus agréable qu’un petit appartement. Lorsque le temps est mauvais ici, il nous arrive de décider de partir en Espagne. Nous devons pouvoir nous le permettre. Nous travaillons suffisamment dur pour cela. Je n’ai pas non plus de problème à travailler le week-end, à condition qu’il y ait une compensation en retour. C’est d’ailleurs l’éternelle discussion avec ma femme : elle trouve que je suis trop économe ! » (rires)