Depuis plus de 50 ans, Monique Leys marque de son empreinte l’institution connue aujourd’hui sous le nom de Dierickx Leys Private Bank. Dans Le Miroir, elle explique comment, à l’âge de 24 ans et dans des circonstances dramatiques, elle a pris les rênes de l’entreprise familiale, fait ses adieux en tant que CEO et assuré la succession familiale.
Monique Leys avait à peine 24 ans lorsqu’elle a succédé à son père, Fernand Leys, en tant que gérante de l’agence de change Verbeeck, Leys & Cie. Alors que ses amis venaient de faire leurs premiers pas dans la vie active, elle devenait la deuxième agente de change de Belgique. À cette époque, elle a déjà une carrière derrière elle. « Lorsque j’ai terminé mes études, mes parents m’avaient conseillé de me lancer dans l’enseignement. C’était considéré comme une bonne option pour une femme, car c’était facile à concilier avec la vie de famille une fois qu’on avait des enfants. Obéissante comme je l’étais, j’ai travaillé comme enseignante pendant neuf mois. Cela a été une grande déception pour moi. Les élèves de 14 et 15 ans à qui je donnais cours n’écoutaient pas et je ne savais pas non plus comment m’y prendre. Les pots de yaourt volaient autour de moi. Et quand je donnais des punitions, ils ne les faisaient pas et je me retrouvais une fois de plus à court de mots. Ce n’était pas fait pour moi. Je suis alors allée trouver mon père pour lui demander si je ne pouvais pas venir travailler dans son agence. »
Jeune femme
Monique Leys a été accueillie à bras ouverts par son père. « Sur le plan financier, j’ai dû faire des concessions, car mon père ne pouvait pas me payer un salaire correspondant à une licence universitaire. J’ai donc dû commencer au bas de l’échelle. Je comptais les coupons, je notais les numéros de coupons, je collectais les ordres de Bourse et j’allais à la Banque nationale. »
Malheureusement, Monique Leys n’a pu travailler que peu de temps avec son père, qui est décédé deux ans plus tard. « Après avoir reçu son diagnostic, il a continué à travailler à temps partiel. Pendant cette période, notre lien s’est considérablement renforcé. Nous partions ensemble le matin à sept heures et demie et rentrions ensemble le soir à dix-neuf heures trente. Par la suite, je l’accompagnais également lorsqu’il se rendait chez des clients. Pour des raisons de confidentialité, je n’étais pas autorisée à entrer, mais je l’attendais dans la voiture. Lorsqu’il est tombé malade, il a décidé de ralentir un peu. Il croyait encore qu’il guérirait et me disait qu’ensuite, nous dirigerions l’entreprise ensemble. Cela ne s’est finalement pas produit. J’ai beaucoup appris avec lui, mais en très peu de temps. »
Un univers masculin
Monique Leys avait 24 ans lorsque son père est décédé. « Je me suis retrouvée seule et j’ai dû me débrouiller. Ce n’était pas facile. C’était un univers très masculin, et j’étais une femme, jeune qui plus est. À l’époque, l’âge moyen de nos clients était de 70 à 75 ans. Il n’était donc pas évident qu’ils acceptent de traiter avec moi. Cependant, j’avais l’avantage d’être la fille de Fernand Leys, ce qui leur inspirait du respect. J’ai également commencé à offrir un maximum de services aux clients. S’ils me demandaient de passer à 22 heures, je le faisais. »
Prendre du recul
DDurant les années suivantes, elle a guidé l’entreprise vers un grand nombre de réformes internes : en 1996, une fusion a donné naissance à la société de Bourse Dierickx, Leys & Cie, dans laquelle Monique Leys faisait partie du comité de direction, composé de trois membres, aux côtés de Herman Hendrickx et Marleen Dierickx. En 2015, la banque a changé de nom pour devenir Dierickx Leys Private Bank. En 2018, Monique Leys est passée du comité de direction au conseil d’administration, dont elle est la présidente. Il lui a fallu s’y habituer. « Même quatre ans plus tard, la fonction de CEO me manque toujours. C’est le contact avec les clients et les collaborateurs qui me manque le plus. J’ai vraiment dû m’habituer à mon nouveau rôle de présidente du conseil d’administration. Les deux premières années ont été particulièrement difficiles pour moi. J’ai gardé un pied dans le comité de direction, jusqu’à ce que le nouveau CEO me fasse remarquer à juste titre que je devais prendre du recul. C’est ce que j’ai fait et depuis lors, je n’ai plus de contact direct avec les clients. C’était nécessaire, même si je n’étais pas directement prête à l’admettre. »
Succession
Monique Leys a deux fils, mais ils n’ont pas suivi ses traces. L’aîné est négociant en café non torréfié, tandis que le plus jeune occupe un poste chez Engie. « Si l’un d’entre eux rejoint plus tard le conseil d’administration, ce qui arrivera probablement à la prochaine génération, ce sera le plus jeune. Je ne pense pas qu’il veuille également occuper un poste de direction. Parfois, ça me rend un peu triste, mais je ne peux pas leur imposer ça. Qui suis-je pour dire à mes fils de travailler pour la banque ? Ils ont tous deux une belle carrière. Ils suivent leur propre voie, ils le font bien, et ils sont heureux. Pour moi, c’est aussi très beau. »
Émancipation des femmes
Lorsque Monique Leys est devenue présidente de Dierickx Leys Private Bank, elle a été décrite comme « un exemple d’émancipation des femmes à la bourse et dans la banque ». « Je ne sais pas si je suis un exemple d’émancipation des femmes dans le monde de la finance. Bien sûr, j’espère y avoir contribué, mais cela n’a jamais été mon objectif, tout est venu naturellement. Il est vrai qu’il y avait peu de femmes dans la finance quand j’ai commencé. J’étais la deuxième femme agent de change en Belgique. C’était exceptionnel. Mais les choses ont progressivement changé. Il y a maintenant beaucoup plus de femmes dans le secteur financier, même si, malheureusement, les candidatures féminines aux postes les plus élevés restent limitées. »
Elle-même n’a jamais hésité à poursuivre sa carrière professionnelle tout en élevant ses enfants. « J’ai toujours attaché plus d’importance à la qualité qu’à la quantité du temps que je passais avec mes enfants. Si j’étais restée à la maison toute la journée pour m’occuper des enfants, je me serais sentie très malheureuse. Mais pendant les week-ends ou les congés, nous passions du temps de qualité ensemble. C’est le plus important. »