Longeval
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« Quelque 40 millions d’Européens consomment trop d’alcool. Il est donc surprenant que l’industrie de l’alcool ne soit pas systématiquement exclue des portefeuilles d’investissement durables », affirme Jan Longeval, expert en investissement.

« La Commission européenne et son Pacte vert poussent à une transition énergétique durable. Elle affirme que vous devriez cesser d’investir dans des actifs potentiellement échoués, ou au moins réduire progressivement vos investissements dans ces actifs. On citera par exemple l’industrie pétrolière, les bâtiments à faible rendement énergétique et encore les constructeurs automobiles qui n’ont pas su tirer parti de l’électrification. La Commission européenne veut donc nous encourager à investir dans des alternatives durables. Mais je pense qu’il y a un secteur qui pose le même problème que l’industrie pétrolière : l’industrie de l’alcool. »

Génération Z

Jan Longeval fait référence à la génération Z, qui joue un rôle crucial. « Ces jeunes, nés entre 1997 et 2012, consomment nettement moins d’alcool que les générations précédentes. On peut certainement parler d’un changement de culture, qui peut s’expliquer par différents éléments. L’omniprésence des médias sociaux et des smartphones joue certainement un rôle. Avant, si vous buviez quelques verres de trop et que votre comportement était grotesque, seules les personnes de votre entourage immédiat étaient au courant. Aujourd’hui, vous risquez d’être filmé et de vous retrouver sur TikTok, où votre comportement d’ivrogne sera partagé à l’infini. »

« En outre, plusieurs nouvelles initiatives ont été lancées en faveur d’une vie sans alcool. Il y a le Sober October, le Dry January, la Tournée minérale et le mouvement Sober Curious. De plus en plus de chaînes et de vidéos encourageant un mode de vie sain circulent également sur les médias sociaux. Un nombre croissant de célébrités s’associent à la tendance : Bradley Cooper et Adele, par exemple, ont déjà renoncé à l’alcool et n’hésitent pas à en parler. Grâce à Internet, les jeunes sont également mieux informés que jamais sur les effets néfastes de l’abus d’alcool. Tous ces éléments créent une motivation positive pour modérer ou arrêter la consommation d’alcool. Je ne veux pas dire par là que toute l’industrie de l’alcool va bientôt sombrer, car la génération plus âgée continuera à boire like it’s 1999, mais une nouvelle tendance se dessine néanmoins chez les jeunes ».

Drogue dure

L’alcool est très puissant et son abus peut entraîner une dépendance grave et des problèmes de santé. L’alcool a donc toutes les caractéristiques d’une drogue dure, poursuit M. Longeval. « Le magazine médical The Lancet a établi un classement des drogues les plus dangereuses, sur la base de deux paramètres : les dommages physiques et mentaux que vous subissez et les dommages causés aux autres. Certaines personnes n’ont pas envie de l’entendre, mais l’alcool arrive facilement en tête du classement. La deuxième place, loin derrière, est occupée par l’héroïne, et la troisième par le crack. »

« Je suis moi-même abstinent depuis 30 ans. Je suis depuis longtemps épuisé de devoir me justifier de ne pas boire d’alcool, comme si je souffrais d’une quelconque anomalie mentale. Vous n’avez pas à vous justifier parce que vous ne fumez pas, non ? Heureusement, l’abstinence totale devient de plus en plus normalisée de nos jours. »

« Outre-Atlantique, l’administrateur de la santé publique, Vivek Murthy, a récemment publié un autre rapport sur le lien de causalité entre l’alcool et le cancer. Aux États-Unis, l’alcool est responsable d’environ 100 000 cancers et de 20 000 décès par cancer chaque année. Tous ces chiffres donnent une idée claire de la nocivité de l’abus d’alcool. Alors qu’il était autrefois cool de boire de l’alcool pour une occasion sociale, l’attitude de la nouvelle génération à l’égard de l’alcool est rafraîchissante. On peut s’attendre à ce que cette nouvelle tendance influence également les générations suivantes. »

L’Europe, « championne du monde »

Jan Longeval rappelle que selon l’Organisation mondiale de la santé, l’Europe occupe la première place en matière d’abus d’alcool. « L’OMS souligne que sur les dix pays où la consommation d’alcool par habitant est la plus élevée, neuf sont membres de l’UE.

Chaque année, la population de l’UE consomme 51 milliards de litres de boissons alcoolisées. Environ 9 % de la population de l’UE, soit 40 millions de personnes, ont une consommation problématique d’alcool. La moitié d’entre eux sont alcooliques. En Belgique, environ 8 % de la population a une consommation problématique d’alcool, soit environ 1 million de personnes. La Hongrie, où 21 % de la population a une consommation problématique d’alcool, est championne du monde, devant la Russie. Ce sont des chiffres qui parlent d’eux-mêmes ».

« Compte tenu de ces statistiques, je me demande parfois pourquoi l’industrie de l’alcool n’est pas systématiquement exclue des portefeuilles d’investissement durables. Les combustibles fossiles font l’objet d’une exclusion bien plus systématique. Pour éviter tout malentendu : mon objectif n’est pas de détruire l’industrie de l’alcool. En fait, ses acteurs savent que le vent est en train de tourner. C’est pourquoi le secteur se concentre de plus en plus sur les alternatives sans alcool telles que les mocktails et la bière sans alcool. Aujourd’hui, en Allemagne, 10 % de la bière brassée est déjà exempte d’alcool. Tout comme une entreprise du secteur pétrolier devrait avoir le temps de se transformer en une entreprise d’énergie durable, le secteur de l’alcool devrait également avoir le temps de se transformer en une industrie qui offre principalement des alternatives saines et sans alcool. Ce faisant, nous réduisons non seulement le taux de CO₂ dans l’atmosphère, mais aussi le taux d’alcool dans notre sang. »

Chaque mois, Investment Officer sonde Jan Longeval, expert en investissement, sur sa vision de l’actualité économique et financière.

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