Longeval
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Les perspectives pour l’Union européenne sont sombres, contrairement à celles des États-Unis et du billet vert. Selon l’expert en investissements Jan Longeval, « les investisseurs européens ont tout intérêt à investir massivement en dollars ».

« Les Européens n’ont pas envie de l’entendre, mais l’Union européenne risque de connaître 20 années de stagflation », affirme M. Longeval. « La situation démographique est catastrophique, notamment dans le Sud de l’Europe, où la population totale diminuera de moitié au cours du XIXe siècle. La population active de l’UE baissera de 15 % au cours des 20 prochaines années. Une telle situation n’est pas aussi préoccupante que celle du Japon, mais pire que celle de la Chine. Les perspectives démographiques de l’Amérique sont bien meilleures. »

« Dans un scénario de gains de productivité et de taux d’emploi constants, l’UE connaîtra une croissance économique réelle moyenne de moins de 0,5 % par an jusqu’en 2040, selon les estimations de KBC Economics. La croissance de la productivité dans l’UE est largement inférieure à celle des États-Unis, comme l’avait établi Mario Draghi dans son rapport de l’année dernière. La population européenne, dont le revenu disponible réel a augmenté deux fois moins que celui des Américains depuis 2000, connaît un appauvrissement relatif. »

15 000 nouvelles lois

Jan Longeval met le doigt là où ça fait mal en soulignant que l’UE manque de capacité d’innovation. « De plus, les Européens ont du mal à faire évoluer les innovations existantes. Au cours des 50 dernières années, l’Amérique a créé des centaines de nouvelles entreprises ayant une capitalisation boursière de plus de 10 milliards de dollars. L’Europe quant à elle en a créé moins de 20. Le marché boursier européen est avant tout le reflet de la vieille économie. »

« Les entrepreneurs européens se noient dans un océan de nouvelles réglementations, souvent inutiles. Quinze mille nouvelles lois ont été adoptées dans l’UE au cours des cinq dernières années. Selon une étude de la Banque européenne d’investissement, dans un tiers des entreprises belges, plus de 10 % du personnel est occupé à plein temps à la veille de la réglementation. Cela nuit à la rentabilité des entreprises et absorbe des ressources qui pourraient être utilisées à des fins productives, telles que l’innovation. »

Pacte vert

Pour Jan Longeval, le Pacte vert pour l’Europe explique aussi en partie les difficultés de l’économie européenne. S’il a eu le mérite de placer le développement durable au premier rang des priorités, sa mise en œuvre se révèle catastrophique. Le nouveau CEO d’une société de conseil faisant partie des Big Four a récemment déclaré que même les grandes entreprises n’étaient plus en mesure de répondre aux exigences de reporting du Pacte vert.

En ce qui concerne plus spécifiquement la taxonomie de l’UE, Jan Longeval estime qu’elle est incomplète et qu’elle n’a quasiment aucune utilité dans la pratique. Selon lui, le SFDR définit la durabilité des produits financiers de manière beaucoup trop large. « Les normes de reporting se chevauchent, les indicateurs ESG manquent de lisibilité, les exigences techniques sont parfois contradictoires et il n’y a pas assez de données disponibles. »

« La législation est inutilement complexe, conclut M. Longeval. Le fait que les équipes d’analystes du secteur financier soient désormais scindées (analystes financiers, d’une part et analystes du développement durable, d’autre part) est en soi révélateur. En outre, la législation manque souvent sa cible. Revenons à l’exemple de la taxonomie et du SFDR : ces lois visaient à résoudre le problème de l’écoblanchiment, mais elles l’ont aggravé. En réaction à la réglementation, on constate aujourd’hui un phénomène de greenbleaching. La CSRD et la CSDDD ne constituent pas une solution miracle et produisent surtout des montagnes de papier qui ne seront peut-être jamais lues. »

Écoflation

Le Pacte vert conduit à l’écoflation, souligne Jan Longeval. « L’Europe doit effectivement s’engager dans la voie des énergies renouvelables pour accroître son indépendance énergétique, mais le processus est beaucoup plus long et plus coûteux que prévu. Les coûts de l’énergie en Europe restent très largement supérieurs à ceux des États-Unis, ce qui rend plus difficiles les nouveaux investissements dans les secteurs à forte intensité énergétique. Le coût de la transition verte sera répercuté sur les consommateurs. »

La Présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen, a promis de s’attaquer au problème en réduisant les obligations de déclaration et en créant des lois omnibus. Mais une telle promesse est-elle crédible ? Les institutions de l’UE souffrent d’un déficit démocratique. Le pouvoir est entre les mains de technocrates qui n’ont pas été élus par les citoyens européens. Peut-on s’attendre à ce que ces technocrates guérissent spontanément de leur obsession à vouloir légiférer sur tout ?

Se couvrir en dollars

L’UE va bientôt être confrontée à une  dure réalité, estime M. Longeval. « Sous la présidence de Donald Trump, l’effet d’attraction de l’économie américaine sur les investissements étrangers va s’accentuer. Sans révolution culturelle, l’UE ne pourra que recourir à la répression financière pour garder la tête hors de l’eau. »

« Il faut donc s’attendre à des taux d’intérêt extrêmement bas en Europe, mais cette fois avec un énorme différentiel de taux en faveur de l’Amérique. Les investisseurs européens qui cherchent à se prémunir contre la stagflation dans l’UE ont donc tout intérêt à investir massivement en dollars. Faire des prévisions sur les taux de change est toujours délicat, mais à cette époque de l’année, c’est permis. Je pense que le dollar pourrait augmenter de 20 % par rapport à l’euro au cours des prochaines années. Je renforce encore la part du dollar de 80 à 90 % dans mon propre portefeuille. »

Chaque mois, Investment Officer sonde Jan Longeval, expert en investissement, sur sa vision de l’actualité économique et financière.

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