Le gouvernement actuel semble vouloir persévérer dans la (ré)introduction d’une taxe annuelle révisée sur les comptes-titres (ci-après « TACT »). Cependant, en maintenant le compte-titres comme fait imposable et en réfutant qu’il s’agit bien d’un impôt sur la fortune, le gouvernement se retrouve dans des situations difficilement explicables qui, pour ne pas dire plus, conduisent à une inégalité de traitement et ont souvent un caractère artificiel.
Un projet de loi aurait été approuvé par le Conseil des ministres le vendredi 18 décembre 2020 et devrait être déposé d’ici peu au Parlement.
Le texte du dernier avant-projet a été adapté pour répondre aux observations du Conseil d’État (voir aussi le lien vers lnvestment Officer du 10 décembre), ainsi qu’aux préoccupations du secteur belge de la gestion d’actifs concernant la perte de gros clients institutionnels étrangers au profit des pays voisins. Il n’est pas encore certain que cette version du projet de loi réponde à ces préoccupations.
Une même incertitude perdure quant à la taxation indirecte de l’assurance-vie de la branche 23, pour laquelle la technique légale proposée débouchera sur le fait que les polices d’assurance-placement inférieures à la limite d’un million d’euros seront assujetties à la taxe. Au contraire, la limite d’un million d’euros sera en principe toujours appliquée dans le cas d’un investissement direct par une personne physique ou morale sur un compte-titres. Il en résulte une différence de traitement entre les contribuables qui détiennent directement leur « propre » portefeuille de titres d’un million d’euros ou moins sur un compte-titres et qui ne sont en principe pas imposés, et ceux qui ont une branche d’assurance-placement d’un million d’euros ou moins et qui sont (indirectement) soumis à la TACT. Le Conseil d’État ne fait aucune mention du problème de la taxation de ces contrats d’assurance inférieurs à 1 million d’euros, n’ayant probablement pas relevé l’existence de ce problème. Toutefois, ce n’est pas parce que le Conseil n’en a pas parlé que l’on peut conclure qu’il est d’accord avec ceci.
Le plus frappant, cependant, reste la nouvelle disposition anti-abus de la TACT. L’exposé des motifs mentionne huit situations dans lesquelles il existe une présomption réfragable d’abus. Il est donc toujours possible d’apporter la preuve du contraire, à savoir que l’opération n’est pas spécifiquement destinée à éviter la taxe et qu’il existe d’autres raisons.
Par ailleurs, l’exposé des motifs note également que pour l’application de la disposition anti-abus, l’analyse top-down selon laquelle la valeur imposable d’un compte-titres est réduite afin de diminuer, voire d’éviter, la taxe en question, s’applique également aux situations bottom-up, dans lesquelles la valeur imposable d’un compte-titres n’est pas augmentée davantage afin de ne pas augmenter la taxe prélevée. C’est sur ce point que le texte devient plutôt kafkaïen.
Cerise sur le gâteau, deux présomptions irréfragables d’abus sont insérées dans le projet de loi, sans possibilité d’en apporter la preuve contraire.
Ainsi, les deux transactions suivantes ne sont explicitement pas opposables à l’administration fiscale si elles ont été effectuées à partir du 30 octobre 2020 :
« la scission d’un compte-titres en plusieurs comptes-titres détenus auprès du même intermédiaire ;
la conversion d’instruments financiers imposables, détenus sur un compte-titres, en instruments financiers nominatifs ».
Cette fameuse disposition anti-abus, et certainement ces deux dispositions spécifiques irréfragables, qui resteront applicables indéfiniment dans le temps, vont, avec une probabilité proche de la certitude, entrainer de nombreux problèmes de suivi opérationnel pour les institutions financières belges.
Pour un aperçu plus détaillé des nouveautés et des points d’intérêt principaux du projet de loi, voir
Gerd D. Goyvaerts, Dirk Coveliers, Bart De Cock (photo), Christophe Coudron