
La semaine dernière, quatre associations professionnelles influentes ont vivement critiqué le projet européen d’union des investissements. Les grandes sociétés de fonds et les fédérations de fonds sont également concernées : selon elles, la voie vers un marché des capitaux intégré est encore loin d’être politiquement et pratiquement viable.
La commissaire Maria Luís Albuquerque a présenté en mars le projet d’Union de l’épargne et des investissements (UEI), qui visait à relancer les marchés de capitaux européens. Selon elle, l’épargne européenne, qui représente au total plus de 33 000 milliards d’euros d’actifs financiers, devrait être utilisée plus activement pour investir dans l’économie réelle. Les petites entreprises innovantes, en particulier, ont du mal à accéder au capital de croissance.
Mais la manière dont Bruxelles veut mettre en œuvre ce projet est source de division.
Les associations professionnelles craignent l’approche américaine
Dans une lettre commune adressée à Mme Albuquerque la semaine dernière, quatre associations professionnelles influentes, l’Afme (banques), l’Efama (gestionnaires de fonds), la Fese (Bourses) et la FIA Epta (traders), ont clairement exprimé leur opposition au routage centralisé des ordres sur la base du meilleur prix, tel qu’il existe aux États-Unis.
Selon la lettre, une telle exigence, en vertu de laquelle les ordres sont automatiquement envoyés à la Bourse la moins chère, entraînerait complexité, fragmentation de la liquidité et coûts plus élevés. « La connectivité entre les plateformes de trading ne constitue pas un problème à régler », selon les signataires, qui plaident en faveur d’une concurrence axée sur le marché plutôt que d’une réglementation supplémentaire.
Des mesures concrètes visant à mieux intégrer les marchés européens des actions sont attendues au quatrième trimestre de cette année. La Commission souhaite également permettre aux sociétés de fonds de proposer plus facilement des investissements transfrontaliers.
Amundi : finir d’abord l’union bancaire
La société de fonds Amundi se montre également prudente. Mahmood Pradhan, responsable mondial macro, affirme que l’objectif du projet UEI, à savoir un marché européen des capitaux intégré, est irréalisable tant que l’union bancaire reste incomplète.
« L’union bancaire a été mise en place en 2014, mais depuis lors, les flux bancaires transfrontaliers ont en fait diminué », a-t-il déclaré lors d’un entretien avec Investment Officer. « Sans accords communs sur les faillites bancaires, la garantie des dépôts et les transferts internes de liquidités, le marché bancaire restera organisé au niveau national. Un marché européen des capitaux reste alors théorique. »
Selon M. Pradhan, ancien directeur pour l’Europe au Fonds monétaire international, la confiance des investisseurs est essentielle. « De nombreuses personnes détiennent encore leur patrimoine sous forme de liquidités ou de biens immobiliers. Cela ne changera pas avec un nouveau nom et une brochure. »
D’ici 2026, la Commission européenne a prévu une évaluation de la réglementation actuelle applicable au secteur bancaire.
« Ne pas changer ce qui fonctionne »
La position commune des quatre acteurs du marché fait écho aux préoccupations plus générales de l’industrie luxembourgeoise des fonds d’investissement. En réponse à la consultation de la Commission européenne du mois dernier, l’association professionnelle Alfi a mis en garde contre des ajustements inutiles des cadres existants tels que l’Ucits et l’AIFMD, qui, selon Alfi, « fonctionnent bien ».
« Il ne faut pas changer ce qui fonctionne », a déclaré l’organisation dans sa réponse.
Alfi prône une simplification des exigences en matière de reporting, une information plus claire des investisseurs et la suppression des chevauchements de réglementations.
Dufas insiste sur les avantages fiscaux
Dufas, l’organisation sœur néerlandaise d’Alfi, soutient les principaux points du projet UEI, mais met également en garde contre une trop grande importance accordée aux projets de Bruxelles. Selon Dufas, ce sont précisément les obstacles pratiques pour les investisseurs que la Commission européenne doit aborder.
Dufas est favorable à un produit d’investissement fiscalement avantageux de type suédois : l’investeringssparkonto (ISK), un compte d’investissement fiscalement avantageux qui permet aux citoyens d’investir facilement sans payer d’impôt sur les plus-values. Au lieu de cela, un prélèvement forfaitaire annuel s’applique sur les actifs moyens. Cela simplifie l’administration et réduit les obstacles à l’investissement.
En Europe, l’ISK est considéré comme un exemple réussi de la manière dont l’épargne privée peut être orientée vers l’investissement productif. Dufas est favorable à l’introduction d’un modèle similaire aux Pays-Bas pour soutenir les objectifs d’investissement européens.
Après l’été, la Commission européenne présentera son projet de nouveau produit d’épargne européen, inspiré de l’exemple suédois. Ce projet sera lié à un plan d’action visant à promouvoir l’éducation financière. Une proposition de plan de pension européen est attendue pour le quatrième trimestre.
Dufas soutient également l’éducation financière dans les écoles, la simplification de la documentation sur les investissements et l’assouplissement du test d’adéquation pour les investisseurs particuliers. Selon l’association, l’accent mis actuellement sur le risque décourage de nombreuses personnes, alors que les avantages à long terme de l’investissement ne sont pas suffisamment mis en évidence.
Forces politiques
Le projet UEI est un sujet sensible au Parlement européen. Les libéraux et les démocrates-chrétiens soutiennent la proposition, qu’ils considèrent comme un pas en avant vers l’autonomie stratégique. Renew Europe souhaite même accélérer des éléments tels que l’éducation financière et l’introduction d’un compte d’épargne européen.
Aux Pays-Bas, Groenlinks (gauche écologiste) et d’autres groupes écologistes demandent que l’on mette davantage l’accent sur la durabilité et le contrôle. Les partis nationalistes et de gauche, au contraire, sont farouchement opposés à ce projet. Certains parlent d’une mainmise de Bruxelles sur l’épargne des citoyens, tandis que d’autres craignent une privatisation du système de retraite.