time-2101549_1920.png

Bien que les notes ESG permettent d’évaluer les performances des entreprises en matière de durabilité, elles fournissent rarement une image complète, voire précise. Pour les entreprises qui affichent de mauvais résultats dans les différents domaines de la durabilité, les scores ciblent les risques financiers, alors que l’impact plus vaste des entreprises sur l’homme et l’environnement n’est pas toujours bien évalué. Cela va toutefois changer sous peu.

En Europe, il est aujourd’hui de plus en plus souvent question de la « double matérialité » : au-delà du risque financier pour l’entreprise, il convient d’examiner aussi les risques environnementaux des activités de l’entreprise – l’exercice inverse.
Bien que cela semble fondamental, cette démarche n’est pas une révolution pour autant. Il s’agit plutôt d’institutionnaliser une situation existante. Les données « non financières » se sont généralisées depuis quelque temps déjà. Et pas uniquement en Europe ou aux États-Unis : les Philippines, par exemple, disposent elles aussi de leur taxonomie de la durabilité. En outre, la transparence imposée n’est en soi pas une solution à l’impact toujours plus réel du changement climatique pour les entreprises.

L’impact des facteurs non financiers

Le changement climatique suppose une refonte rapide des modèles financiers et de l’intégration de données qui, à première vue, semblent non financières, comme la localisation d’une nouvelle usine. En raison de l’évolution du climat, les entreprises tiennent bien plus compte qu’avant du risque d’inondation ou, à l’inverse, de grande sécheresse. Il suffit de penser au niveau bas des rivières pendant les mois d’été. Il y a quelques années, la pénurie d’eau de refroidissement a entraîné la déconnexion de plusieurs centrales nucléaires françaises, avec un risque de panne de courant à la clé. En 2022, le Rhin avait atteint son seuil de navigabilité, mettant en danger l’approvisionnement en matières premières de plusieurs usines allemandes. 

Il est évident que les données non financières, telles que celles sur le changement climatique, impactent le résultat financier d’une entreprise. Des secteurs entiers adoptent désormais cette réflexion : loin de se limiter à l’entreprise, ses acteurs tiennent de plus en plus compte de l’impact environnemental.

C’est pourquoi les entreprises pétrolières appliquent aujourd’hui un « prix fictif pour les émissions » lorsqu’elles doivent calculer le coût d’un nouveau projet d’extraction. Cela leur permet de calculer le coût de leur impact environnemental. Et souvent, elles en arrivent à la conclusion que sur le long terme, un projet n’est pas rentable. 

Malgré une solide rhétorique, il semble exclu que ces données non financières ne soient plus reprises dans les analyses d’entreprises, même par les gestionnaires de fonds américains. Ils n’emploieront probablement plus le terme d’ESG, mais en fin de compte, leur analyse ne changera pas de façon drastique, surtout en termes d’impact environnemental.

La biodiversité aussi

Le changement climatique n’est pas le seul domaine dans lequel des normes de reporting ont été élaborées. En 2022, le « Global Biodiversity Framework » (GBF), présenté comme « l’accord de Paris pour la biodiversité » a été approuvé lors d’une conférence des Nations unies. Le GBF comporte quatre objectifs ciblés sur les résultats pour 2050 et 23 objectifs d’action mondiaux pour 2030. 

L’Union européenne (UE) a élaboré sa propre stratégie de diversité pour 2030 et a repris la restauration de la biodiversité dans son Pacte vert. La directive sur le Devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDD) exige plus de transparence des entreprises et de leur chaîne d’approvisionnement mondiale, en ce compris leur effet sur la biodiversité. 

La Global Reporting Initiative (GRI) a développé le Biodiversity Standard afin de soutenir les entreprises dans l’évaluation et le rapport de leur impact sur la biodiversité. Les Science Based Targets (SBT, objectifs basés sur des principes scientifiques) pour la nature ont été publiés en mai 2023. Cette initiative est comparable aux SBT pour le changement climatique, déjà bien intégrés par les gestionnaires de fonds. 

Un contrôle strict

Le rapport de l’impact des facteurs non financiers sur l’entreprise et son environnement ne suffit toutefois pas. Ce point apparaît clairement pour les émissions de CO2. Plus de 90 % des entreprises de l’indice S&P500 américain publient des rapports ESG, mais 46 % seulement sont sur la bonne voie en termes d’efforts à fournir pour que le réchauffement de la planète ne dépasse pas les 2°C (comme cela est prévu par l’Accord de Paris sur le climat).

Des études ont également démontré une corrélation positive entre les scores ESG élevés des fournisseurs de données pour une entreprise et les niveaux élevés d’émissions de CO2 et de déchets. Dans le même ordre d’idée, une étude a récemment démontré que 11 des 33 fonds d’investissement climatiques vendus en Grande-Bretagne investissaient dans des entreprises pétrolières et gazières. Les investisseurs particuliers émettent de ce fait des doutes quant à la valeur des notations ESG.

La nouvelle réglementation européenne doit réduire la divergence entre un score ESG élevé et les activités polluantes pour une seule et même entreprise. La CSDD prévoit une exigence de contrôle afin d’amener la précision du rapport sur la durabilité au niveau de celle du rapport financier. Dès 2026, les exigences seront plus strictes. Si un certain scepticisme envers le reporting ESG se justifie à l’heure actuelle, il sera vite balayé par la nouvelle réglementation. 

La complexité des scores ESG

Investment Officer examine, dans une série d’articles, la complexité des scores ESG. Dans la première partie, nous approfondissons le manque de normes globales et la divergence des scores ESG pour une seule et même entreprise. Dans les prochains articles, nous nous pencherons sur l’évaluation par rapport à l’homme et la société (social) et la gouvernance (governance), avant de terminer avec une conclusion générale.

Article connexe :

Author(s)
Target Audiences
Access
Limited
Article type
Article
FD Article
No