Pour Guy Wagner, Chief Investment Officer chez Banque de Luxembourg Investments, le scénario le plus probable est celui d’une récession économique et d’un reflux de l’inflation. C’est pourquoi il privilégie une exposition aux obligations à échéance longue ainsi qu’aux aristocrates du dividende.
Guy Wagner était récemment de passage à Bruxelles pour présenter ses perspectives économiques et financières pour les prochains mois. « Les indicateurs économiques avancés aux États-Unis restent très négatifs, et continuent de pointer vers un ralentissement de la croissance, qui ne s’est toutefois pas encore vérifié dans les chiffres de l’activité économique. »
Risque de récession
Cette absence d’effet a permis à la thématique d’un atterrissage en douceur de devenir très populaire durant les derniers mois. Guy Wagner estime toutefois que deux éléments pourraient venir impacter plus durement la croissance américaine : le ralentissement des dépenses fiscales et budgétaires, ainsi que l’épuisement de l’épargne accumulée par les ménages durant la pandémie.
« Entre la première hausse du taux directeur et l’arrivée de la récession, nous avons historiquement eu (durant les 60 dernières années) un décalage de 22 mois. Depuis le début du resserrement monétaire en 2022, 17 mois seulement se sont écoulés. Je pense que d’ici la fin de l’année, nous devrions donc voir qui, des pessimistes ou des optimistes, a raison , précise-t-il. Pour moi, il y a encore clairement un risque réel de récession aux États-Unis ».
Taux réels
Dans le même temps, l’inflation est clairement en train de ralentir, même si l’inflation sous-jacente devrait rester durablement plus élevée. « Cette modération signifie que nous sommes aujourd’hui proches de la fin du resserrement monétaire, surtout si nous voyons davantage de signes de ralentissement de l’économie durant les prochains mois ». Il souligne également que les derniers mois ont été marqués par une explosion des taux réels, avec des rendements obligataires qui ont continué d’augmenter tandis que les anticipations d’inflation refluaient.
« Je reste personnellement convaincu que l’économie est trop fragile pour pouvoir supporter une hausse prolongée des taux réels. Le taux d’endettement reste très élevé, et 50 % de la dette publique américaine devrait être refinancée d’ici 2025, ce qui va entraîner une explosion intenable de la charge de la dette ». Dès lors, il s’attend à ce que la posture agressive de la Réserve fédérale fasse place à une approche plus souple durant les prochains mois.
Risque de perte
De leur côté, les grandes entreprises américaines ont refinancé leur dette à long terme, de sorte que la problématique du refinancement n’interviendra que plus tardivement. « La situation est toutefois différente pour les petites entreprises, qui doivent aujourd’hui faire face à des conditions de refinancement beaucoup moins favorables. Cela va impacter le cœur de l’activité économique américaine », estime Guy Wagner.
Au niveau des marchés boursiers, il constate que les indices globaux sont remontés vers leurs plus hauts niveaux, une tendance provoquée par la hausse des multiples de valorisation plutôt que par celle des bénéfices. « Un tel mouvement est d’ailleurs assez inédit dans un contexte de hausse des taux. Les investisseurs ont préféré se concentrer sur un atterrissage en douceur avec des bénéfices résilients ». Il souligne qu’en dehors des grandes valeurs technologiques exposées à l’intelligence artificielle, la performance moyenne des autres sociétés de l’indice S&P500 s’est révélée décevante depuis le mois de mars.
Aristocrates
« Nous avons actuellement une allocation relativement prudente aux et une exposition de 10 % aux obligations souveraines américaines à long terme et de 14 % aux liquidités et à l’or. Nous restons positifs vis-à-vis du métal jaune car les banques centrales asiatiques continuent de constituer des réserves importantes afin de lutter contre la domination du dollar ».
Il rappelle que la seule classe d’actions qui parvient à tirer son épingle du jeu lors des récessions économiques est les aristocrates du dividende. « Notre portefeuille va donc surpondérer ces belles valeurs un peu ennuyantes ».
« Nous cherchons des sociétés de grande qualité, financièrement saines et protégées par des barrières à l’entrée. Il résulte de cette sélection un biais sectoriel important vers les soins de santé, les valeurs industrielles et les biens de consommation. ».
Comme en 1999
Guy Wagner mentionne que la période actuelle lui rappelle l’année 1999, lors des dernières phases de la vague Internet. « La plupart des grandes valeurs de cette époque n’ont jamais retrouvé le niveau atteint au sommet des marchés. Il l ne faut donc jamais parier sur les vainqueurs du passé. »
Le positionnement du portefeuille boursier privilégie actuellement les actions européennes, avec 30 % de l’encours, tandis que les actions américaines ne pèsent que 12 %.
« Nous avons également un positionnement relativement axé sur l’Asie, et plus particulièrement sur le Japon ». Dans ce pays, l’attitude envers les actionnaires a radicalement changé durant la dernière décennie, avec des entreprises qui ont significativement augmenté leurs versements (sous forme de dividende ou de rachats d’actions propres). « En outre, la valorisation du marché reste attractive en dépit de la belle performance de ces deux dernières années, et le yen est toujours fortement sous-évalué », conclut Guy Wagner.