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Les entreprises cotées affichant les meilleurs scores ESG n’offrent pour autant pas des performances supérieures. Contrairement aux affirmations de nombreux gestionnaires d’actifs, cette corrélation n’est pas démontrable scientifiquement, déclarent des chercheurs de l’université Erasmus et de l’université de Boston.

Les gestionnaires d’actifs aiment citer des études scientifiques établissant un lien de causalité entre durabilité et rendement des actions. Leurs conclusions montreraient que plus le score ESG d’une entreprise est élevé, plus la probabilité d’un rendement positif est grande pour ceux qui investissent dans les actions de l’entreprise. 

« C’est un mensonge », déclare Luca Berchicci, professeur d’entrepreneuriat à l’université Erasmus. « Je pense que l’investissement ESG est noble, mais il n’existe jusqu’à présent aucune preuve d’un lien de causalité entre des performances ESG supérieures et des rendements boursiers plus élevés. L’argument financier n’est tout simplement pas prouvé de manière scientifique », déclare Luca Berchicci à Investment Officer, estimant fort probable que les gestionnaires d’actifs attirent des milliards de dollars d’actifs vers des stratégies ESG lucratives sous de faux prétextes.

Données erronées

En collaboration avec Andy King, professeur de stratégie commerciale à l’université de Boston, Luca Berchicci a répliqué l’étude intitulée Corporate Sustainability : First Evidence on Materiality, réalisée par Mozaffar Khan, ancien professeur à l’université du Minnesota, George Serafeim de Harvard, et Aaron Yoon de l’université de Northwestern. Les chercheurs soutiennent que les entreprises bien notées sur le plan de l’ESG ont nettement mieux performé que celles affichant de faibles scores. 

Selon l’agence de presse Bloomberg, qui s’appuie sur les données de la base de données de recherche universitaire Web of Science, l’article a été cité des centaines de fois et s’est classé parmi le top des 1 % des publications les plus influentes dans le domaine économique et financier en 2015. Il est également devenu un article prisé des gestionnaires d’actifs tels que BlackRock et Morgan Stanley, qui gagnent de l’argent en vendant des stratégies d’investissement durables. 

Selon l’étude de Luca Berchicci et Andy King, intitulée Corporate Sustainability : A Model Uncertainty Analysis of Materiality, les scientifiques américains ont procédé à des choix discutables dans la constitution de leurs ensembles de données. « Cela conduit à des résultats spécifiques et percutants, mais malheureusement loin d’être fiables. »

Selon Luca Berchicci, les chercheurs prétendent établir scientifiquement que les portefeuilles constitués sur la base de « critères ESG ajustés en fonction de la matérialité » surperforment le marché. « Notre étude, dans le cadre de laquelle nous avons soumis l’analyse des Américains à plusieurs centaines de modèles, suggère qu’un tel portefeuille n’apporterait probablement aucun avantage », explique Luca Berchicci. « Il existe même un risque de rendement négatif, car les coûts des stratégies durables sont en moyenne supérieurs à ceux des alternatives non durables. »

Selon Luca Berchicci, de nombreuses études citées par les gestionnaires d’actifs pour étayer l’argument financier de l’investissement ESG tombent dans le piège classique de la confusion entre corrélation et causalité. Les entreprises plus grandes, plus anciennes et plus rentables ont souvent de meilleurs scores ESG, explique-t-il. « Ce sont vraisemblablement ces caractéristiques spécifiques qui pourraient conduire à une surperformance des actions, et non les scores ESG plus élevés. » 

Conflit d’intérêts 

Luca Berchicci soupçonne les promoteurs de fonds d’être incités à citer des publications scientifiques établissant un lien entre les facteurs ESG et les rendements, car les stratégies ESG sont plus lucratives en raison des frais plus élevés. Le professeur indique que les acteurs financiers aux Pays-Bas se rendent également coupables de cette pratique. 

Il a personnellement procédé à la liquidation de son portefeuille d’actions chez ING lorsque la banque l’a informé que la stratégie dans laquelle il investissait allait devenir durable. Luca Berchicci n’était pas disposé à payer les frais plus élevés qu’ING demandait à ses clients pour ce verdissement. 

Son collègue Andy King regrette la manière dont la recherche ESG a mené à une augmentation des fonds durables. Selon lui, nous en sommes venus à croire que les riches pouvaient sauver la planète tout en gagnant de l’argent. « Nous avons fini par l’accepter sans faire preuve esprit critique envers les preuves soutenant cette idée », explique-t-il à Bloomberg.

 Luca Berchicci pointe du doigt le manque de transparence concernant la méthodologie et les conflits d’intérêts dans la littérature scientifique portant sur la relation entre l’ESG et les rendements boursiers. En effet, de nombreux scientifiques américains sont liés au secteur financier en tant que conseillers ou membres de conseils d’administration, ce qui est également le cas des trois chercheurs de l’étude examinée par Luca Berchicci et Andy King. 

George Serafeim occupe des postes de conseil rémunéré notamment chez Apax Global Impact, State Street Associates, Neubergers Berman et Summa Equity. Aaron Yoon assure un rôle de conseil auprès de la société de conseil en gestion Bain & Co, tandis que Mozaffar Khan est désormais gestionnaire de portefeuille et responsable de la recherche sur la durabilité chez Causeway Capital Management.  

Pour Luca Berchicci, « les chercheurs doivent s’approprier pleinement l’essence de la science, qui est un processus de réévaluation permanente de nos connaissances dans le but d’approfondir notre compréhension. Ce que nous savons aujourd’hui, c’est qu’il n’existe toujours pas de « preuve irréfutable » de l’existence d’un lien de causalité entre l’ESG et les rendements boursiers. »

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